Revue

Dossier

Des menus végétariens dans les cantines scolaires

Diversifier ses habitudes alimentaires dès le plus jeune âge : c’est l’objectif fixé par la mairie de Pau il y a six ans.
©Crédit : DR
Le 18 février 2021

Depuis la rentrée scolaire 2019, les cantines scolaires de l’enseignement public français doivent servir un repas végétarien par semaine. C’est en tout cas l’une des mesures prévues par la loi EGalim1 – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – du 30 octobre 2018. Dans certaines villes françaises, on l’expérimente déjà depuis plusieurs années.

Diversifier ses habitudes alimentaires dès le plus jeune âge : c’est l’objectif fixé par la mairie de Pau. Depuis 2015, la ville des Pyrénées-Atlantiques propose une option végétarienne dans l’ensemble de ses cantines scolaires afin « d’élargir l’offre et de permettre aux gens d’avoir le choix », explique Clarisse Johnson-Le Loher, septième adjointe en charge de l’éducation, du périscolaire et des centres de loisirs. Les parents sélectionnent l’un des trois menus : « standard », « sans viande hebdomadaire » ou « sans viande quotidien ».

Avant la mise en place de ce dispositif, « il a fallu travailler en amont avec beaucoup de pédagogie », raconte l’élue paloise. Pour ce faire, lors de conseils d’école ou de réunions diverses, la dédiabolisation de l’option végétarienne est amorcée. En fait, à l’inverse des parents en faveur de cette action, d’autres craignaient qu’elle n’affecte l’apport nutritif nécessaire aux enfants. Il a donc fallu les rassurer et agir en douceur.

La première mouture de ce projet s’apparentait davantage à du pesco-végétarisme, une pratique alimentaire qui bannit de l’assiette toute chair animale exceptée celle des poissons. Mais cela a rapidement évolué. Les cuisiniers de la cantine alimentaire de Pau aidés par des nutritionnistes ont établi des menus pour « préserver l’équilibre nutritionnel des repas ».

Les raisons qui ont guidé ce choix sont multiples, mais ont été impulsées par les parents d’élèves, inquiets de la qualité du contenu de l’assiette de leurs chérubins. Les « scandales autour de la viande » de ces dernières années, mais aussi les révélations de « l’impact des élevages bovins sur l’environnement » y ont largement contribué.

Donner une approche ludique à l’alimentation végétarienne, c’est aussi l’un des credo de la ville de Pau pour accompagner ces changements alimentaires dans les cantines. Lors d’une « journée du goût » dédiée à la gastronomie mexicaine, les élèves de primaire ont ainsi pu fabriquer de leurs petites mains des fajitas sans viande. « Il fallait les voir, ils s’en mettaient partout car les ingrédients sortaient de la galette, s’amuse Clarisse Johnson Le Loher. »

Aujourd’hui, environ 25 % des jeunes Palois qui fréquentent une cantine scolaire ont adopté un régime végétarien ponctuel ou complet. Un chiffre en légère hausse depuis 2015. Cette initiative a entraîné une diminution de 20 % du gaspillage alimentaire. Le regard des enfants, mais aussi celui de leurs parents ont changé. Ces derniers interpellent souvent Mme Johnson Le Loher à coups de : « Alors, vous en êtes où du “tout végétarien” ? » Mieux, d’autres communes la contactent pour emprunter le même chemin.

Bien qu’en avance sur la loi, Pau n’est pas la seule ville de France à diversifier ses menus. À Grenoble, les menus végétariens ont fait leur apparition en 2017. Une fois par semaine, les enfants mangent un plat sans viande ; et il est obligatoire. La ville a accompagné les équipes de restauration en leur payant des formations à la cuisine alternative en collaboration notamment avec l’ADAbio, une association pour le développement de l’agriculture biologique.

« Le fait de passer au végétarien implique aussi que les enfants peuvent enfin manger la même chose, ensemble, au même moment, explique Salima Djidel, l’élue grenobloise en charge du dossier. La question de l’alimentation à Grenoble est la colonne vertébrale d’une orientation politique. » Elle a donc lancé cette initiative sans concertation avec les parents et affirme ne pas avoir perçu de résistance.

À Lille, il a fallu guider cette transition aujourd’hui très bien acceptée. Désormais, il y a deux repas végétariens hebdomadaires et obligatoires dans les 45 établissements publics de restauration scolaire. Ils ont été instaurés par l’élu écologiste Michel Ifri et ses équipes, dès le mois de juin 2018. Il s’agit d’une révision de la première offre de juin 2014 qui proposait un repas végétarien obligatoire par semaine : « Aujourd’hui, sur quatre jours de cantine, il y en a deux qui sont végétariens, indique Michel Ifri. »

Diversifier ses habitudes alimentaires dès le plus jeune âge : c’est l’objectif fixé par la mairie de Pau il y a six ans.

La ville s’est même vu décerner l’écharpe verte par Greenpeace pour ses actions en faveur d’une alimentation plus végétale. Mais les enfants peuvent être capricieux quand il s’agit de manger. Les élus lillois ont pris le parti de les mettre à contribution deux jours par mois. Aidée d’une nutritionniste, une des écoles de la ville construit les menus. « Il s’agit de leur apprendre le goût même s’ils n’aiment pas toujours les aliments, il faut les leur faire découvrir, explique Michel Ifri. À cela s’ajoutent des visuels sur le gâchis alimentaire depuis un an et demi, enchaîne-t-il. »

S’il reconnaît « avoir atteint une limite acceptable pour tout le monde » avec ces mesures, l’élu écologiste souhaite désormais devancer la loi EGalim concernant l’arrêt de l’utilisation du plastique dans la restauration scolaire. Depuis 2019, les crèches lilloises l’ont remplacé par « des celluloses ou des films végétaux ». Les écoles primaires de la ville devraient prendre ce même tournant dès 2020.

  1. L. n2018-938, 30 oct. 2018, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGalim ».
×

A lire aussi