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À Gand, le jeudi c’est veggie !

En Belgique, 12 villes ont instauré un jour hebdomadaire sans viande.
©Crédit : Priscilla du Preez
Le 18 février 2021

Chaque jeudi depuis dix ans, la ville néerlandophone de Gand, en Belgique, se met au vert. Un jour par semaine, sans viande ni poisson ; c’est en tout cas l’idée sous-jacente de la campagne lancée conjointement par la ville et l’association EVA (Ethical Vegetarian Alternative) en 2009. Aujourd’hui, la pratique s’est étendue à douze villes belges et a même dépassé les frontières du pays.

Le point d’orgue du verdissement des assiettes gantoises intervient lors d’une conférence universitaire en août 2008. Au pupitre, Rajendra Kumar Pachauri alors président du GIEC. La conférence qu’il anime s’oriente sur les effets de la consommation de la viande sur le réchauffement climatique. Deux hommes présents dans la salle écoutent religieusement et se lient intellectuellement. Ils incubent alors le projet végétarien hebdomadaire que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agit de Tobias Leenaert, désormais ancien président de l’association EVA et de Tom Balthazar, un élu municipal.

« Il était très difficile de demander aux gens une transition radicale, alors qu’une fois par semaine, tout le monde pouvait participer que ce soit à la maison, au travail ou à l’école. »

Un an plus tard, le jeudi 13 mai 2009, Gand et ses 250 000 habitants connaissent leur premier « Donderdag Veggiedag », traduction flamande du jeudi végétarien. EVA, qui milite pour un monde végane depuis une vingtaine d’années, est désormais épaulée par la municipalité qui finance ses actions à hauteur de 15 000 euros par an. « Parfois, ça peut même aller jusqu’à 20 000 », nous confie Katrien Verbeke, l’élue qui coordonne la politique alimentaire de la ville de Gand. En fait, « on a rapidement eu des accords politiques qui nous ont permis de débuter les campagnes dans les écoles et les cantines, poursuit-elle. »

Mais ces campagnes, que préconisent-elles ? Il s’agit d’une « action conjointe visant à éduquer les populations à la transition alimentaire ». En fait, le régime sans viande est devenu mainstream et pour le remettre au cœur des débats, il s’agit « d’organiser des workshops dans les écoles », mais aussi des campagnes plus visuelles, pour sensibiliser à la fois au bien-être animal mais aussi à l’impact que la consommation de viande peut avoir sur la santé des individus.

Mesurer l’impact de campagnes d’une telle envergure n’est pas chose aisée. Beaucoup de facteurs jouent certainement un rôle et il est assez difficile d’établir ce qui est directement lié au VeggieDay et ce qui pourrait être attribué à d’autres campagnes ou changements sociaux. Ces difficultés amènent EVA à faire des études tous les deux ans (2011, 2013, 2016) afin d’observer l’évolution de la part de population belge qui réduit sa consommation de viande en adoptant divers changements dans leurs régimes alimentaires. Afin d’éviter tout biais, la mission est confiée à un organisme professionnel, iVOX.

Les résultats de ces études permettent de constater une stagnation du nombre de végétariens et de végétaliens au niveau national (2 % de végétariens, 0,3 % de végétaliens). En revanche dans des villes comme Gand et Bruxelles où la campagne est menée, ces chiffres ont doublé. Par ailleurs, le nombre de flexitariens a doublé entre 2013 et 2016.

Une étude allemande démontre la baisse de consommation de viande en Belgique par rapport à d’autres pays européens : entre 2012 et 2016 la consommation de viande en Belgique s’est effondrée de 16,7 % 1.

Le sondage le plus récent date de 2018. Parmi les personnes sondées, 43 % affirment que l’initiative du jeudi sans viande leur a permis de réduire leur consommation de viande ; 40 % déclarent que la campagne leur a permis de manger végétarien d’autres jours de la semaine. Katrien Verbeke et Melanie Jaecques s’accordent à dire que les populations sensibilisées le sont car elles réalisent que cette alimentation végétale réduit les impacts « sur l’homme, les animaux, la nature, le climat, les émissions de CO2 et favorise une alimentation équitable ».

En Belgique, 12 villes ont instauré un jour hebdomadaire sans viande.

Forte de cette expérience, la population belge inspire au-delà de ses frontières. Des villes du monde entier se calquent sur cette initiative et rencontrent un succès plus ou moins grand. Le but n’est pas de priver les gens – ce ne serait d’ailleurs pas autorisé. Il est d’ailleurs toujours possible pour ceux qui le souhaitent de se sustenter de manière carnivore le jeudi, même si cette option est de plus en plus délaissée en Belgique. Au point qu’à l’heure où son jeudi végétarien se répand ailleurs dans le monde, l’association EVA, toujours soutenue par Gand, souhaite franchir un nouveau cap et instaurer des VeggieWeek (semaines sans viande).

1.

Meat consumption drops the fastest in Belgium

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