Seine-Saint-Denis (93) : le département propose à ses agents de donner du temps de travail aux associations du territoire

Le 26 juin 2022

Le département Seine-Saint-Denis a mis en place ces derniers mois le dispositif Agent·e·s solidaires1. Son idée ? Compléter son soutien financier aux associations du territoire en proposant à l’ensemble de ses agents la possibilité de donner jusqu’à deux jours par mois à l’association de leur choix. À mi-chemin entre mécénat de compétence et nouveaux liens entre les acteurs du territoire, l’initiative a pour vocation à se développer. Sophie Quartier-Picart, directrice de la délégation Vie associative et éducation populaire a répondu à nos questions.

Comment est née votre initiative ?

Notre initiative est née pendant le premier confinement, en 2020. Nous avons dû aider de nombreuses associations qui manquaient de bénévoles pour répondre aux besoins. Nous avons laissé la possibilité à nos agents d’aider. Dans les mois qui ont suivi, notre volonté, au département, a été claire : continuer de proposer à nos agents de répondre à un enjeu fondamental, être en appui des associations, mais de manière différente. Habituellement, le département est un appui important pour les associations. Nous finançons celles présentes sur notre territoire à hauteur de 55 millions d’euros chaque année. Mais là, nous avons détecté un autre besoin, une autre urgence. Il fallait une autre manière de penser notre relation partenariale. Cette période de crise nous a permis de mener des projets que l’on ne faisait pas habituellement. Le tout avec une agilité incroyable. Beaucoup plus de fluidité notamment dans les processus de décision. Mettre en place le dispositif Agent·e·s solidaires aurait pu prendre plusieurs mois, même plusieurs années.

La question du cadre juridique est toujours importante : notre direction des affaires juridiques a travaillé plusieurs mois pour tenter de trouver le meilleur cadre possible. L’idée était d’autoriser la mise à disposition de nos agents pour les associations. Aucune solution n’existait. Il fallait, par exemple, faire signer une convention à chaque agent puis faire passer celle-ci devant l’assemblée départementale… C’était très rigide. Il fallait également imaginer un système d’avance et de remboursement des salaires des agents avec les associations. C’était trop complexe pour nous. Nous avons donc dû prendre du temps. L’initiative, prévue pour l’été 2020, a pu commencer en octobre 2020.

Comment avez-vous résolu les problèmes juridiques ?

Nous avons pris des libertés pour nous permettre d’être rapidement efficaces. Notamment, nous avons utilisé un système d’autorisation spéciale d’absence. Cela a permis de mobiliser le nombre d’agents dont nous avions besoin. Cela permettait aussi d’imaginer toucher des associations plus petites qui n’ont pas forcément les épaules nécessaires pour absorber la partie administrative et juridique de ces mises à disposition. Cela permettait aussi de gommer la question du salaire. Il n’y avait plus besoin d’avancer puis de signer une autre convention pour rembourser. Je pense que ce qui nous a permis d’amener cette expérimentation à son terme c’est une volonté très forte et alignée entre l’exécutif et la direction générale.

Comment l’initiative fonctionne-t-elle au quotidien ?

Aujourd’hui, notre initiative Agent·e·s solidaires permet à tous les agents du département, quel que soit leur statut, fonctionnaire, contractuel, apprenti ou stagiaire et quelle que soit leur catégorie d’emploi de s’engager jusqu’à deux jours par mois pour des associations du territoire. Nous avons voulu être le plus flexible possible. Les agents peuvent donc s’engager dans n’importe quelle association domiciliée sur notre territoire, sauf celles qui ont des buts politiques ou religieux. Donc cela peut aussi bien concerner le domaine de l’éducation que de la transition écologique ou l’accès au droit.

Quel est le processus ?

Nous avons un processus assez simple. L’agent remplit un formulaire de demande où il indique la durée de son engagement et la période sur laquelle il souhaite le faire. Cela peut être, par exemple, une demi-journée par semaine. Il doit décrire la structure dans laquelle il souhaite s’engager pour sa mission de bénévolat puis le formulaire doit être validé par son supérieur hiérarchique direct. Dans le dispositif, ce qui prime c’est quand même la continuité du service public. Les supérieurs hiérarchiques peuvent donc tout à fait refuser une demande. L’organisation interne du service ne doit pas en pâtir. Une fois que le N+1 a validé ce formulaire, l’agent entre dans le dispositif et tout le reste est piloté par la délégation Vie associative du département. Nous faisons un suivi qualitatif et administratif du dispositif. Pour encourager le N+1 à s’engager, nous avons mis en place une période d’essai d’un mois. Ainsi, le service peut faire un test et voir si l’organisation générale n’est pas bousculée par l’engagement d’une personne. Il y avait vraiment besoin de les informer et de les former les N+1. C’est important, car s’ils font un blocage le projet ne pourra pas se développer. Nous devions déjà leur dire que la collectivité est vraiment favorable au développement de cette initiative. Nous devons d’ailleurs encore travailler sur ce point. Que ce soit avec l’encadrement supérieur ou intermédiaire, cela demande de repenser le management dont nous avons l’habitude en France. Le présentéisme est très ancré. Notre compréhension de la notion du temps de travail doit évoluer.

Cela permet-il de remettre du sens au travail ?

Nous avons pu voir que, notamment pour celles et ceux qui ont des postes au département éloignés du public, il y avait un impact. Nous avons repéré plusieurs cas de figure. Pour certaines personnes, il y a le contact avec l’usager qui prend tout son sens. Elles comprennent mieux le rôle de service public que le département peut avoir. Nous sommes un territoire très engagé associativement. Ce dispositif donne encore plus de poids ! Nous avons aussi eu beaucoup de retours d’agents ayant appris de nouvelles choses en un temps très court. Ils sont montés en compétence. Cela peut questionner leurs envies d’évolution. Peut-être même de mobilité au sein de la collectivité. C’est très stimulant. Enfin, il y a un sentiment de fierté et d’utilité. Nous observons un impact très positif sur le quotidien professionnel des agents.

  1. Stéphane Troussel, le président du département, a publié une tribune, « Renforcer le service public par le volontariat des fonctionnaires », en février 2022, pour essayer d’engager une réflexion parmi les collectivités qui souhaiteraient se lancer ce même type d’initiative (https://www.carenews.com/carenews-info/news/tribune-renforcer-le-service-public-par-le-volontariat-des-fonctionnaires).
  2. https://ressources.seinesaintdenis.fr/Les-agent-e-s-solidaires-initiative-inedite-du-Conseil-Departemental-de-Seine
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