La prospective pour faire territoire, l'expérience de Metz métropole

Le 22 février 2018

Marie-Camille Levionnais revient sur la démarche « Imagine Metz Métropole, projet de territoire, projet de vie » menée par la toute jeune métropole messine, fixant les grandes lignes du développement de son territoire à l’horizon 2030. Retour d’expérience.

Si la prospective territoriale s’est souvent traduite par la production de projets de territoire déclinés en programme d’actions, l’expérience de Metz Métropole a montré qu’associée à un exercice de participation citoyenne, la prospective peut être un moyen de favoriser le sentiment d’appartenance à un territoire par l’écriture collective d’envies pour l’avenir.

Prospective et participation citoyenne : quels liens ?

Metz Métropole est une jeune intercommunalité. Métropole depuis le 1er janvier 2018, elle s’était constituée en communauté d’agglomération 15 ans auparavant. Aussi, lorsqu’elle installe son conseil de développement en 2009, elle n’a l’habitude ni de la pratique participative, ni de la prospective. Tout au long de son premier mandat, le conseil de développement de Metz Métropole va chercher à développer ces cultures participative et prospective auprès des élus. Tous ses travaux concluent à l’impérieuse nécessité de se doter d’un projet de territoire, d’une vision partagée de long terme pour le développement de l’agglomération. En parallèle, le conseil de développement mène avec les élus et les services de Metz Métropole une démarche qui conduit à l’adoption, en mars 2012, d’une charte de la participation citoyenne1. Cette charte pose les conditions d’une montée en puissance de la collectivité dans sa déclinaison de la démocratie participative. Metz Métropole va lancer l’élaboration de son projet d’agglomération début 2012. Cette décision s’accompagne de la création d’une direction déléguée Prospective, stratégie et innovation territoriale qui réunit entre autres les missions liées à l’élaboration du projet de territoire et à l’animation du conseil de développement.

Prospective : renverser la logique du scénario

Au même moment, l’élaboration du Schéma de cohérence territoriale de l’agglomération messine (SCOTAM) s’est appuyée sur un important travail de diagnostic territorial puis un exercice de prospective classique qui a permis d’élaborer plusieurs scenarios de développement. Cet exercice a interpellé les élus qui ressentaient la nécessité de se doter d’une vision d’avenir propre au territoire de Metz Métropole.

Néanmoins, pour la démarche de projet d’agglomération, les élus communautaires ont souhaité une démarche prospective différente de celle engagée pour le schéma de cohérence territoriale. Les tendances lourdes étaient connues, les grandes transitions s’annonçaient et les enjeux avaient été partagés. Il ne manquait plus que des solutions à apporter, de nouvelles actions à mettre en œuvre et partager une vision commune.

Imagine Metz Métropole : une démarche créative partagée

Comment faire émerger des propositions d’actions et de chantiers nouvelles sur le territoire ? Deux axes ont été explorés : un premier qui visait à activer le levier de la qualité et un autre celui de la quantité.

Pour la qualité, il a été fait appel à des techniques de créativité éprouvées. Pendant 48 heures un groupe d’une soixantaine de volontaires a été « mis au vert ». Élus, techniciens, et une vingtaine de personnes du territoire : commerçant, étudiant, sportif, retraité, universitaire, artisan, membres du conseil de développement, etc. sans aucun autre mandat (politique ou consulaire) se sont réunis pour un séminaire de prospective créative dont sont ressorties sept orientations partagées et quatre-vingt-dix-neuf idées d’actions à mettre en œuvre.

Pour la quantité, l’idée était d’interroger un grand nombre d’habitants et usagers du territoire sur leur perception du territoire et leurs attentes pour l’avenir. Pour ce faire, Metz Métropole s’est appuyé sur la tenue de la Foire internationale de Metz qui accueille plus de deux cent mille visiteurs chaque année sur le territoire. Le stand de Metz Métropole
était habituellement destiné à présenter une politique publique de la collectivité. Cette fois, il a été décidé d’en faire une espace où les diverses animations permettraient de récolter de l’information sur la vision et les attendus de la population. Au final, deux mille deux cent quatre-vingts questionnaires ont été complétés et plus de trois cent soixante-dix usagers du territoire ont pu exprimer en vidéo leur vision pour l’avenir.

Plus que la définition d’une stratégie : la reconnaissance d’une identité

Au-delà des attentes, envies, rêves exprimés par les habitants et les élus qui ont permis d’établir des axes de développement pour le territoire et des propositions d’actions de court, moyen et long termes, l’exercice a eu trois autres vertus insoupçonnées.

Tout d’abord, la démarche a permis de bouleverser certaines idées reçues sur le territoire. Lors de l’élaboration du projet d’agglomération, Metz Métropole était frappée par la fermeture de sa base aérienne et le retrait de plusieurs régiments.
Or le poids de l’armée (tant culturellement que quantitativement) est conséquent sur ce territoire. À la surprise de tous, cette période difficile avec le départ annoncé de sept mille militaires, loin de susciter l’inquiétude, était plutôt perçue comme une chance pour ses habitants qui voyaient là un moyen de se détacher de cette image de ville de garnison pour développer l’esprit créatif insufflé par le centre Pompidou. Un virage était à prendre et les habitants signifiaient aux élus qu’ils attendaient d’eux cette évolution.

Derrière cette expression, les participants au projet ont également montré leur attachement à ce territoire et leur sentiment d’appartenance à cet espace. Le fait que les habitants se sentent concernés par l’avenir de Metz Métropole et les choix de politique publique qui pouvaient être fait, n’était pas forcément acquis avant le projet, et ce malgré les travaux du conseil de développement durable.

Ainsi l’intercommunalité qui était jusque-là perçue comme un outil permettant d’améliorer l’efficacité de certaines politiques publiques (comme la collecte des déchets) ou de porter des projets d’envergure comme la réalisation du centre Pompidou-Metz ou la mise en œuvre du transport en commun en site propre, a pris une autre dimension. L’élaboration du projet de territoire a permis de lui donner une dimension territoriale, de mettre en avant un ADN qui lui manquait jusqu’à présent.

Au final, ce n’est pas tant le document approuvé en conseil communautaire qui aura compté que la démarche. En effet, arrivé en fin de mandat, le projet d’agglomération n’opérait pas de véritables choix pour l’avenir mais permettait de définir le récit collectif d’une vision partagée pour le territoire.

Le projet métropolitain : la prospective pour faire Métropole

Dès que le passage de communauté d’agglomération en métropole a été rendu possible, les élus ont souhaité élaborer une démarche prospective autour de l’élaboration d’un projet métropolitain. Conscients de l’importance de co-construire cette feuille de route pour en partager les enjeux et en faire l’acte fondateur d’une nouvelle identité territoriale, ils ont souhaité que les huit cent vingt-six conseillers municipaux soient au cœur de la démarche.

Ainsi si l’objectif reste la production d’une stratégie territoriale qui fixe des priorités et annonce les grands chantiers pour l’avenir, la première phase de l’élaboration du projet métropolitain vise à clairement comprendre et partager les enjeux de solidarité, mise en réseau, et rayonnement liés au passage en métropole. Aussi, il y a une volonté d’accompagner les conseillers municipaux dans une expérimentation de la métropole à travers des visites et des rencontres : ferme urbaine, centres de transfert de technologies, entreprises œuvrant dans le champ de l’économie circulaire, friches
militaires, infrastructures portuaires, etc. Ne pas rester dans le concept ou le théorique facilite l’appropriation puis la projection.

Du projet de territoire à une prospective permanente

Si désormais la démarche importe davantage que le résultat lui-même, faut-il conserver ce modèle de projet de territoire qu’on remettrait à jour tous les 5-8 ans au terme d’une démarche mobilisatrice d’envergure sur le territoire ? Là aussi, Metz Métropole souhaite que son projet métropolitain soit l’occasion d’imaginer une autre forme de mobilisation autour de la prospective territoriale. L’idée est de construire d’un côté un socle métropolitain qui pose les enjeux territoriaux présents et à venir, donne des orientations et des pistes d’action à suivre. Ce socle pourrait être enrichi et réinterrogé en continue à travers une démarche territoriale participative. Sur cette base, les élus pourront définir leur projet métropolitain, sorte de « business plan » de la collectivité appuyé sur des objectifs chiffrés pouvant faire l’objet d’un suivi, voire d’une évaluation participative. L’objectif de Metz Métropole est d’adopter son projet métropolitain et de lancer cette nouvelle démarche de mobilisation citoyenne lors des assises métropolitaines qui se tiendront en novembre 2018.

Le Conseil de développement durable de Metz Métropole

Les conseils de développement ont été créés par la loi Voynet (loi LOADDT du 25 juin 1999) et c’est désormais l’article 88 de la loi NOTRe (L. no 2015-991, 7 août 2015) qui fixent leur cadre légal. Le conseil de développement durable est composé de quatre-vingts membres issus de cinq collèges (monde économique, socio-éducatif, associatif, habitants et personnalités qualifiées). Ces collèges ont pour unique fonction d’assurer la diversité parmi les membres du conseil du développement. Le conseil de développement s’est donné des principes de fonctionnement : l’indépendance dialoguante avec les élus, le temps long, l’intelligence collective, la participation citoyenne, l’absence de limite géographique. Ses nombreux rapports ont permis des avancées majeures sur des sujets comme l’agriculture périurbaine, la mobilité ou le marketing territorial. Il a également porté des contributions à l’élaboration du programme local de l’habitat, du plan de déplacement urbain, du plan de gestion du Mont Saint-Quentin. Dans le cadre du passage en métropole, le président de Metz Métropole a saisi le conseil de développement sur la question de la qualité du dialogue publique en métropole.

(1) La charte de la participation citoyenne est téléchargeable sur le site de Metz Métropole

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