Revue
CartoscopieLes métropoles n'ont pas le monopole de l'innovation
Après le développement durable, l’innovation est devenue une figure incontournable de la stratégie des organisations publiques ou privées. Sans remettre en cause son bien-fondé, on peut s’interroger sur cette généralisation et sa réalité. Après le « green washing », serait-on confronté à un phénomène « d’innovation washing » ?
Ce souci de paraître innovant autant que de l’être emporte aussi les territoires. Cartographier l’innovation renvoie ainsi à des enjeux conceptuels – qu’est-ce qu’un « territoire innovant » ? ; statistique – quels sont les indicateurs pertinents pour les identifier ? ; mais aussi politique – quelle répercussion en termes d’attractivité pour les territoires que les cartes montrent innovants ?
Un des indicateurs souvent retenus pour appréhender ces espaces est la part des emplois métropolitains supérieurs, autrement dit les emplois les plus qualifiés, créatifs, décisionnels. Sans surprise, cet indicateur faire ressortir sur la carte les métropoles, lesquelles concentrent les grandes entreprises et start-up, les universités et laboratoires de recherche, les lieux d’information et de communication, de création, les dispositifs d’innovation telle que les pôles de compétitivité et clusters.
Doit-on en conclure que l’innovation est le propre de ces grandes agglomérations et que les espaces plus ordinaires en sont dépourvus ? Des analystes en sont convaincus. Pourtant d’autres territoires s’illustrent aussi en la matière. Considérons les restaurants étoilés du guide Michelin également sur la carte. Dans le pays de la gastronomie, oserait-on prétendre que nos cuisiniers les plus distingués ne sont pas innovants, qu’ils ne s’appuient pas des réseaux de producteurs, éleveurs, artisans, eux-mêmes à la pointe de leur savoir-faire et pleinement créateurs dans leur territoire.
Avec ce second indicateur se dessine une géographie différente qui comprend toujours les grandes agglomérations, mais aussi des espaces touristiques, des terroirs, des lieux situés le long de grands axes routiers. L’innovation n’est donc pas que métropolitaine, même si les fortes densités et diversités de ces espaces les favorisent. D’autres territoires sont créatifs : les représenter oblige à diversifier les critères et à considérer des formes plus larges, sociétales, d’innovation, portées par une multitude de collectifs, jusque dans les endroits les plus démunis comme les bidonvilles. Reste à afficher et à valoriser ces contributions dont la frugalité n’enlève rien à leur intérêt.
