Le Bureau ouvert à l'Assemblée nationale, quel bilan ?

Le Bureau ouvert à l'Assemblée nationale
Séance du Bureau ouvert, vendredi 29 novembre dernier, durant la Semaine de l'innovation publique.
Le 19 décembre 2019

Comment inclure davantage les citoyens dans la fabrique de la loi ? Comment ouvrir la décision publique aux citoyens ? Comment favoriser la transparence des activités et des frais de mandat des représentants de la nation ? Depuis octobre 2017, la députée LREM Paula Forteza est à l'initiative du "Bureau ouvert", une démarche qui se veut expérimentale et agile. Elle a décidé d'ouvrir son bureau de l'Assemblée nationale chaque vendredi, le temps d'une journée. Inspiré du hackerlab du Congrès brésilien, c'est un espace de rencontre et d'échange avec les acteurs des civictech et de la govtech, mais aussi de la société civile pour lancer des projets de gouvernement ouvert.

 

 

Nous avons assisté à une séance du Bureau ouvert organisée dans le cadre de la Semaine de l'innovation publique le vendredi 29 novembre dernier, l'occasion de poser quelques questions à la député sur sa vision de l'innovation publique, le bilan de ce Bureau ouvert et sur la manière de mieux impliquer les citoyens dans la décision publique.

"Découvrez le Bureau ouvert, l’initiative qui ouvre et modernise l’Assemblée nationale avec le numérique et l’expérimentation ! ". Pour cette séance spéciale "Semaine de l'Innovation publique", qui se tient au deuxième étage dans la partie moderne de l'Assemblée nationale, nous ne sommes pas très nombreux : un consultant informatique expert en données, un militant d'une ONG qui s'intéresse à l'ouverture des données, au droit humain et à l'environnement, une responsable associative qui œuvre aussi dans la cybersécurité, deux représentants de Mozilla, le concepteur du moteur de recherche Firefox, un fonctionnaire en charge de la data au ministère des Armées et trois proches collaborateurs de la députée.

Après avoir rappelé la mission du Bureau ouvert et annoncé le lancement en janvier 2020 d'un Datalab pour diffuser une culture de la donnée publique au sein de l'Assemblée nationale et orienter le bureau ouvert sur la datavisualisation, Paula Forteza a donné la parole à ses proches collaborateurs avant de s'excuser et de s'éclipser, happée par des amendements à ficeler sur un projet de loi en discussion à l'Assemblée nationale.

À partir de janvier 2020, nous intégrerons au Bureau ouvert le datalab dont l’objectif sera de répondre aux questions des parlementaires sur les textes de loi à l’étude, en mobilisant les données publiques diffusées en open data, et en les adaptant pour chaque circonscription, explique Paula Forteza.

Soutenue par une quarantaine de députés LREM au sein de l'Assemblée nationale, son initiative, même si elle se veut transpartisane, est restée pour l'instant une démarche LREM. Mais elle a permis de lancer quelques outils en open source comme Questions citoyennes, une plateforme de participation citoyenne qui permet à tout citoyen de poser une question au Gouvernement, Transparence.parlement-ouvert, un outil de visualisation de l’utilisation des frais de mandats par les parlementaires ou encore une data visualisation du Budget de l’État.

Le Bureau ouvert a aussi permis d'organiser des premiers hackathons au sein de l'Assemblée nationale comme le #DataFin, premier Hackathon consacré aux données financières publiques, ou encore le Hackathon Grand Débat, basé sur les données du Grand débat national.

"Le Bureau ouvert n'est pas une permanence parlementaire, c'est un espace de travail collaboratif où nous essayons de produire des outils d'aide à la décision", explique un collaborateur de la députée, avant d'annoncer le développement en 2020 du Datalab.

Cette séance de découverte du Bureau ouvert, à l'occasion de la Semaine de l'innovation publique, a permis de montrer les avancées de ce type d'innovation (acculturation des députés à "l'open government", développement d'outils au service de la modernisation de l'action publique), mais aussi les limites (le manque de ressources sur la démocratie participative au sein de l’Assemblée nationale, la difficulté à mesurer l'efficacité d'un outil de participation citoyenne ou encore une démarche pas suffisamment transpartisane).

Paula Forteza : « L’Assemblée nationale doit désormais consacrer le principe de la participation citoyenne et le traduire dans les faits à toutes les étapes de la construction et du suivi de la loi »

Entretien avec Paula Forteza, député des Français de l'étranger (deuxième circonscription) et candidate dans le 19e arrondissement de Paris dans le cadre des municipales 2020 sur les listes de Cédric Villani.

Quelle est votre vision de l’innovation publique ?

L’innovation publique est devenue un incontournable dans les administrations et s’irrigue à tous les niveaux, dans tous les métiers, au sein des trois fonctions publiques, des institutions, et des opérateurs. Numérique, données, participation citoyenne, expérimentations… Autant de nouvelles méthodes de travail plébiscitées par l’administration pour moderniser ses services publics. Une administration qui s’est elle-même remise en cause dans ses processus internes. Suivant les pas de la mission Etalab, nous avons vu depuis quelques années la création de Labs au sein des ministères comme c’est le cas à l’Education nationale avec le « 110 bis » ou bien plus récemment “Le lieu de la transformation publique” de la direction interministérielle de la transformation publique, qui permettent de vraiment co-construire avec la société civile de nouvelles méthodologies qui simplifient à la fois la vie des agents mais proposent aussi un service plus adapté aux usagers. Il y a aussi une plus grande variété des profils avec la création des startups d’Etat, ou des entrepreneurs d’intérêt général. Chapeautés par la DINUM, ces programmes ont su créer de nouvelles interactions entre agents publics et profils numériques pour mettre le numérique et l’innovation au service de l’Etat.

Il est important de rappeler que les services publics ont la particularité de devoir s’inscrire dans un triptyque : agent public, politique, usager. Il faut pouvoir faire dialoguer l’ensemble de ces parties. D’une part les agents qui restent les plus à mêmes de savoir comment faire évoluer leurs fonctions, transformer leurs missions pour être plus en phase avec leurs objectifs. D’autre part, les citoyens qui veulent être associés, veulent être écoutés par l’Etat, avec pour porte d’entrée quotidienne principale de cet État, l’administration.

Quel bilan tirez-vous de votre initiative de bureau ouvert ?

Le Bureau ouvert est devenu un écosystème et un lieu reconnu quand il s’agit d'initiatives de modernisation de l’action publique, l’utilisation des données pour des meilleures politiques publiques et l'interaction entre citoyens et décideurs publics. Développeurs, juristes, économistes, collaborateurs parlementaires, designers se côtoient, confrontent leurs idées et travaillent en équipe sur différents projets. C’est un bel exemple de collaboration entre le Parlement, les parlementaires et la société civile : innovation, mutualisation, passage à l’échelle.

Depuis deux ans, nous avons conçu des outils open source, comme par exemple, Questions citoyennes, la plateforme de participation citoyenne qui permet à tout citoyen de poser une question au Gouvernement, Transparence.parlement-ouvert, l’outil de visualisation de l’utilisation des frais de mandats par les parlementaires, une data visualisation du Budget de l’État. Nous organisons régulièrement des hackathons comme le #DataFin, qui était le premier Hackathon consacré aux données financières publiques, ou encore le Hackathon Grand Débat, basé sur les données du Grand débat national. Véritable mine d’or ces données ont été au coeur d’une journée, qui a regroupé plus d’une centaine de personnes et fait émerger divers projets d’analyses de ces contributions.

À partir de janvier 2020, nous intégrerons au Bureau ouvert le datalab dont l’objectif sera de répondre aux questions des parlementaires sur les textes de loi à l’étude, en mobilisant les données publiques diffusées en open data, et en les adaptant pour chaque circonscription. Des éléments précieux pour les parlementaires. Récemment, dans le cadre du projet de loi sur l'Économie circulaire et l’enjeu du recyclage, la consigne et plus généralement la gestion des déchets, nous avons calculé la proximité des citoyens avec les déchetteries.

Cette démarche est expérimentale et agile. Nous la ferons évoluer en fonction des retours, résultats ou problèmes rencontrés avec le but de s'institutionnaliser dans la durée et que le Bureau Ouvert puisse devenir un lieu et un écosystème pérenne, comme l’est le hackerlab au congrès brésilien.

Comment impliquer davantage les citoyens dans la fabrique de la loi ?

Aujourd’hui, nous ne pouvons pas ignorer le fait qu’élection après élection, la défiance des citoyens envers les élus ne fait que croître : le sentiment de ne plus être correctement représenté, l'impression de devoir donner un blanc-seing le temps d'une mandature, l'absence de prise en compte des opinions en dehors des périodes électorales, sont autant de mots que l'on entend et de maux qui nous sont reprochés.

La participation des citoyens lors du Grand débat national, et actuellement à la convention citoyenne pour le climat, est un message fort qu’ils nous envoient, et que nous ne pouvons plus ignorer. Les initiatives abondent dans toutes nos démocraties : multiplication des plateformes de consultation sur des questions d’intérêt général, expériences de budgets participatifs, création d’ateliers de co-construction de la loi, développement des pétitions en ligne, etc.

Tout en restant l'institution de représentation des citoyens, l’Assemblée nationale doit désormais consacrer le principe de la participation citoyenne et le traduire dans les faits à toutes les étapes de la construction et du suivi de la loi. De la phase de la conception de la proposition ou du projet de loi, le plus en amont possible, en passant par les différents stades de l’examen et de la discussion du texte jusqu’à son adoption définitive sans oublier la phase de l’application et de l’évaluation de la loi votée : les citoyens doivent être en mesure de participer de façon effective à chacune de ces étapes pour devenir, enfin, de véritables acteurs de la fabrique de la loi.

C’était tout l’objet du rapport “La démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne” que nous avions publié avec ma collègue Cécile Untermaier et dans lequel nous avions fait des propositions ambitieuses en ce sens. De ce rapport sont nées la mise en place d’une plateforme de consultation citoyenne de l’Assemblée nationale et l’intégration d’un droit de pétition plus vivant dans le règlement de l’Assemblée nationale.

Lancée en 2018, la plateforme de consultation utilise l’outil open source Democracy OS, et permet de rassembler des débats en ligne et des expertises citoyennes, pour toutes les commissions de l'Assemblée nationale. Je suis ravie d’avoir contribuer à la création de ce commun numérique, pour lequel j’ai été récompensé par le prix de l’innovation politique en Europe fin 2018. Depuis son lancement, plusieurs consultations ont été organisées sur des thèmes aussi divers que la lutte contre les« fausses informations, les femmes et la science, le changement d’heure ou encore la transition écologique.

Actuellement, je suis co-rapporteure d’une mission d’information sur l’identité numérique. Un sujet de société pour lequel les citoyens doivent être intégrés et interrogés. Dans cette optique, j’ai poussé pour que l’intégralité des auditions soient diffusées, et que les citoyens aient la possibilité de poser des questions en direct aux personnalités interrogées. Nous devons multiplier ce genre d'expérimentations.

 

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