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5 000 équipements sportifs pour les Jeux de Paris 2024 : le rural cherche à combler son retard

Plan 5000 terrains de Sport
Bilan du Plan 5000 Terrains de Sport 2022-2023.
©Agence nationale du Sport (ANS)
Le 19 janvier 2024

Parmi les impacts territoriaux des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, le plan « 5 000 terrains de sport » aura dépassé ses objectifs, avec 192 millions d’euros de subventions de l’Agence nationale du sport (ANS). L’occasion pour les territoires carencés, notamment ruraux, de bénéficier d’équipements, particulièrement ceux favorisant des pratiques nouvelles – non sans méthode pour déboucher sur une utilisation effective.

Selon l’ANS, à octobre 2023, 5 298 équipements sportifs de proximité ont été subventionnés par l’État pour un montant de 184,6 millions d’euros dans le cadre du plan intitulé « 5 000 terrains de sport » (baptisé au début « 5 000 équipements sportifs de proximité pour 2024 »), selon l’ANS. À fin octobre 2023, les derniers projets seront validés et l’enveloppe prévue de 192 millions d’euros sera quasi intégralement consommée : « Le dispositif a été victime de son succès, selon Vincent Saulnier, délégué général de l’Association nationale des élus du sport (Andes) et, par ailleurs maire délégué de Château-Gontier-Bazouges (Mayenne). Certaines collectivités n’ont pas pu profiter du financement en 2023. En Pays de la Loire, par exemple, en 2023, pour encore 9 millions d’euros de demandes en juin, les crédits disponibles n’étaient plus que de 2 millions, 1,2 million ayant déjà été affectés. » S’il existe un reliquat à la fin de cet appel à projets, il sera reconduit sur 2024.

C’est fin 2021 que le Gouvernement, à travers l’ANS, lançait ce programme, afin de permettre à d’autres territoires que ceux accueillant les JOP, de profiter eux aussi de cette dynamique. L’objectif est de faire progresser de 3 millions le nombre de pratiquants sportifs en équipant les territoires carencés.

Une plus forte demande en secteur rural

Jusqu’en 2022, en effet, seuls les territoires carencés étaient éligibles aux subventions : Outre-mer, quartiers prioritaires de la ville (QPV) ou territoires à proximité, communes en zones de revitalisation rurale (ZRR) et bassins de vie comprenant au moins 50 % de population en ZRR ou communes appartenant à une intercommunalité couverte par un contrat de relance et de transition écologique (CRTE). En 2023, à la demande de l’Andes notamment, « toutes les communes étaient éligibles, en maintenant toutefois une priorité aux projets situés en territoires carencés », précise Valérie Saplana, responsable du service des équipements à l’ANS.

De fait, la plus forte demande se situe en secteur rural, puisque si 17 % des porteurs de projets sont situés à ce jour en QPV, 3 % en Outre-mer et 11 % dans un territoire non carencé, 69 % le sont dans un territoire rural carencé. Plus de 80 types d’équipements représentant 30 sports différents sont financés : « Les plateaux multisports (les city stades) sont les plus subventionnés (plus de 1 000 à ce jour), notamment en milieu rural1, devant les espaces de fitness, terrains de basket 3x3, tables de tennis de table, pumptracks2, pistes de padel3, skateparks, cours mobiles de squash, dojos solidaires et boulodromes », détaille Valérie Saplana. De fait donc, « le plan 5 000 terrains de sport est un levier pour l’émergence de pratiques nouvelles. C’est important, compte tenu des difficultés d’accès aux gymnases, piscines et autres plaines de jeux », se réjouit Vincent Saulnier.

Le plan 5 000 terrains de sports est un levier pour l’émergence de pratiques nouvelles.

Le besoin doit être bien identifié en amont pour garantir que l’équipement sera, en effet, utilisé. D’abord au niveau national, l’ANS a signé 18 conventions-cadres avec des fédérations sportives ou des associations nationales, afin de faire correspondre les besoins des territoires et les ambitions fédérales. Par ailleurs, le processus d’instruction des subventions garantit que l’on cible bien les territoires carencés (voir encadré, p. 56).

Dans un second temps, la réflexion est locale. À Vesdun (549 habitants, dans le Cher) a été ainsi lancé un conseil de jeunes : « Nous souhaitions savoir ce qu’ils voulaient faire, ce qu’il manquait sur la commune », explique Blandine Autissier, adjointe au maire en charge de l’animation. C’est la demande d’un city stade qui est ressortie en 2022 : « Il y avait bien du basket et du foot sur un établissement et un service d’aide par le travail (ESAT) de la commune, mais celui-ci étant trop excentré dans la campagne, un équipement dans le bourg était bienvenu », poursuit l’élue.

Les terrains extérieurs peuvent aussi permettre de pallier l’engorgement évoqué des gymnases, à l’image du terrain de futsal extérieur (40 x 20 m) réalisé avec des dalles en polypropène à Sainte-Livrade-sur-Lot (6 487 habitants, en Lot-et-Garonne) en 2020, avant le plan « 5 000 terrains de sport ». Il est possible de viser une tranche d’âge précise : Grainville-sur-Odon (1 045 habitants, dans le Calvados) a ainsi opté pour un pumptrack qui vient d’ouvrir en novembre 2023 à côté de l’aire de jeux existante (terrain de tennis, jeux pour les enfants, abri pour leurs parents, terrain de pétanque, city stade, etc.) : « Nous voulions un équipement pour les 3-15 ans : les petits avec des vélos de leur âge sous la responsabilité de leurs parents, et les grands en VTT ou trottinette », explique le maire Emmanuel Maurice. Enfin, il peut être judicieux de choisir un équipement mutualisable, par exemple, un terrain de futsal extérieur pouvant aussi servir pour du handball, badminton, hockey, etc.

Garantir une fréquentation effective des équipements

L’accompagnement à la réalisation des équipements est une phase importante. Au sein des fédérations, un référent équipement (en partie financé par l’agence) est un interlocuteur utile aux collectivités territoriales, dans l’élaboration d’un dossier de demande de subvention. À Vesdun, Blandine Autissier explique « avoir été appuyée par son intercommunalité qui a obtenu du comité olympique Paris 2024 le label “Terre de Jeux 2024” sous couvert d’organisation de manifestations sportives, ce qui a appuyé notre demande de subvention à l’ANS ». Emmanuel Maurice évoque surtout « l’accompagnement de l’entreprise de travaux publics, Eiffage, qui avait déjà de l’expérience avec une réalisation similaire à Tourville-sur-Odon (1 115 habitants, dans le Calvados) ».

Comment garantir une fréquentation effective des équipements de proximité projetés ? Certes, les jeunes peuvent fréquenter le terrain les soirs et les week-ends, mais cela ne suffit pas. À Vesdun, le city stade jouxte la salle des fêtes. Les jeunes participant à des évènements privés peuvent donc aussi fréquenter l’équipement.

Il faut favoriser une pratique autonome et l’initiation à la pratique d’une part, garantir une pratique féminine et intergénérationnelle d’autre part.

Toutefois, pour être financés par l’ANS, les équipements doivent à la fois proposer un accès libre et une convention d’animation entre le porteur de projet et une association ayant a minima une vocation sportive. Accès libre signifie se situer « dans un contexte de pratique autonome d’une part et favoriser l’initiation à la pratique d’autre part », selon l’Andes. « Il s’agit aussi de garantir une pratique féminine et intergénérationnelle », commente Valérie Saplana. L’Andes réclame toutefois un assouplissement des règles : « Nous voudrions élargir la signature possible de conventions à des associations non sportives de type Familles rurales ou à des écoles. Elles peuvent aujourd’hui signer, mais jamais seules, toujours au côté d’associations sportives, c’est un frein », précise Vincent Saulnier. De fait, cette souplesse semble déjà exister sur le terrain. Vesdun a, par exemple, signé trois conventions d’utilisation du city stade : l’une avec le foyer rural qui fait une initiation au basket tous les samedis matin, l’autre avec l’école deux fois par semaine et la troisième avec les personnes âgées de la résidence autonomie Berry Grand Sud.

À Grainville-sur-Odon, aucune association sportive non plus n’a signé de convention : « En effet, les membres du conseil citoyen des jeunes fréquentent l’équipement. De plus, des conventions ont été signées avec les écoles : une avec la maternelle et primaire publique pour une utilisation le jeudi après-midi et l’autre avec la maternelle et primaire privée les lundi et vendredi après-midi », détaille le maire. Ces conventions n’ont pas de caractère automatique. À Vesdun, notamment, les seniors ne sont encore jamais venus, depuis le départ d’une animatrice dédiée de la résidence…

Un nouveau plan « 5 000 terrains de sport 2024-2026 » a été annoncé par le président de la République à Orthez, avec 300 millions d’euros à l’appui.

Enfin, la commune doit maîtriser son équipement, en assurant à la fois un bon entretien des lieux et en prévenant les nuisances, pour ne pas perdre en attractivité : « Il a fallu au début recadrer les jeunes utilisant le city stade pour qu’ils évitent, par exemple, de mettre de la musique ou de faire tomber des ballons dans les jardins voisins, précise Blandine Autissier. Maintenant, c’est bon. »

Le financement, « le nerf de la guerre »

L’appel à projets prévoyait des taux de subventionnement compris entre 50 et 80 % (jusqu’à 100 % en Outre-mer) avec un plafond de subvention par dossier de demande fixé à 500 000 euros : « Un certain nombre de critères (démarche écoresponsable, pratique féminine renforcée, démarche innovante/connectée, etc.) étaient exigés pour atteindre le taux de subvention maximal, précise Valérie Saplana. À ce jour, le taux de financement moyen est de 55 % et la subvention moyenne par équipement de 35 000 euros. » D’autres financements peuvent être recherchés (État, dotation de soutien à l’investissement local [DSIL], dotation d’équipement des territoires ruraux [DETR], région, département, intercommunalité, financements privés, etc.) : « Le 80 % par l’ANS a rarement été atteint », observe Vincent Saulnier. C’est le cas néanmoins à Vesdun pour un city stade de 24 x 12 mètres (288 m²) à 59 000 euros4, inauguré en juin 2023 : la subvention doit arriver prochainement. À Grainville-sur-Odon (1 045 habitants, dans le Calvados), doté d’un contrat de ruralité, l’ANS a financé 63 % du pumptrack (195 m²) coûtant 39 623 euros, l’intercommunalité complétant à 17 % par un fonds de concours sous condition que l’équipement bénéficie aussi à l’intercommunalité. C’est bien le cas, puisque les enfants de la commune de Mondreville (558 habitants) située à 1 kilomètre y viendront, notamment ceux de l’école, les deux communes étant en regroupement pédagogique intercommunal. La commune a mis les 20 % restants. Cependant, en Pays de la Loire, Vincent Saulnier explique que « si en mars 2023, nous sommes parvenus à atteindre 40 % de l’ANS (avec un bonus de 5 % en ZRR et de 5 % pour les pratiques féminines), en juin, nous étions plutôt à 30-40 %. » On pourrait penser que pour des équipements plus coûteux comme des skateparks, à base de béton, bois et résine spéciale (350 €/m2), les coûts étant de plus de 100 000 euros par unité, la participation de l’ANS serait plus réduite en pourcentage. Par exemple, pour le skatepark de Morlaàs (4 353 habitants, dans les Pyrénées-Atlantiques) à 152 000 euros et en cours de réalisation, la participation de l’ANS était de 35 %, complétée par le département à 22 %, la commune intervenant donc à 47 %. Mais selon l’Andes, « il peut aussi s’agir d’arbitrages et d’une ventilation de l’enveloppe en fonction de la demande pour toute la région ».

Quel processus d’instruction ?

Mises en place progressivement, les conférences régionales du sport (CRS) ont élaboré les projets sportifs territoriaux (PST), lesquels ont fait le bilan de l’offre sportive existante sur chaque région, avec identification d’éventuels déficits territoriaux et défauts d’accessibilité. Les conférences des financeurs ont été créées à la suite des CRS afin d’examiner, en cohérence avec chaque PST régional, les dossiers déposés sur le volet régional du plan 5 000 terrains de sport, les crédits étant délégués aux préfets de région, délégués territoriaux de l’ANS. Elles ont émis un avis sur la conformité des dossiers, la liste des bénéficiaires et le montant des subventions allouées dans la limite des crédits délégués à chaque région. « Les Préfets de région ont ensuite validé (le plus souvent) ou pas ces propositions », selon l’ANS. Par ailleurs, certains équipements ont été fléchés directement vers les fédérations sportives au niveau national (15 % en 2023).

Certains équipements au contraire peu coûteux sont a priori intéressants pour des communes rurales aux moyens réduits, même si elles engrangent la subvention ANS. On pense aux aires de fitness, très modulaires, pour lesquelles 50 m² suffisent, même si on peut aller jusqu’à 250 m². Elles coûtent selon l’Andes de 10 000 à 100 000 euros. Outre les financements de l’ANS, on notera un appui de la Fédération française de football (FFF), par convention avec l’ANS, pour soutenir des terrains de football à cinq et de futsal extérieurs.

Que faire pour ceux qui n’auront pas pu s’équiper en 2022 ou 2023 ? Un nouveau plan « 5 000 terrains de sport 2024-2026 » a été annoncé par le président de la République à Orthez, avec 300 millions d’euros à l’appui : « 40 millions d’euros par an pour 3 000 équipements de proximité dont 1 000 en QPV et 2 000 sans doute en ruralité, 50 millions d’euros par an pour des équipements structurants (gymnases, terrains de grands jeux, etc.) plafonnés à 280 000 euros par équipement, et 10 millions par an pour 1 500 cours d’écoles actives et sportives », selon l’Andes. Pour Vincent Saulnier, « c’est bien, mais 40 millions d’euros pour les équipements de proximité à 50/50 en national et en région, cela reste encore insuffisant pour rattraper le retard ». D’autres pistes sont toutefois possibles, comme la rénovation ou la requalification, non prévues à ce jour par le plan « 5 000 terrains de sport » : « La rénovation des équipements est à aborder, notamment en Outre-mer5, tout comme la requalification, par exemple, d’anciens terrains de tennis en pistes de padel, possible techniquement », précise Vincent Saulnier. On citera l’exemple de la transformation, achevée en novembre 2022, d’un cours de tennis en deux pistes de padel à Mareil-sur-Mauldre (1 705 habitants, dans les Yvelines) pour 87 200 euros (hors du plan 5 000 terrains sportifs)6. Cette transformation, qui s’est faite sous l’égide du club de tennis local (130 licenciés), a permis à celui-ci de retrouver de l’attractivité, tout en permettant à ceux continuant de pratiquer le tennis de disposer encore de cinq autres courts, suffisants pour ce faire.

In fine, tous ces choix ne sont pas anodins : « Avec le zéro artificialisation nette (ZAN), qui nous interdit de construire, continuer à attirer de jeunes familles est vital. Le cadre de vie participe à l’attractivité de la commune », conclut Emmanuel Maurice.

Pour aller plus loin :

Guide pratique Plan 5000 terrains de sport

Retrouvez les fiches pratiques de 18 fédérations pour réaliser tel ou tel équipement sportif de proximité (dimensions et surfaces nécessaires, matériaux et revêtements utilisés, flexibilité, conseils de localisation, budget en coût moyen ou en euros, au mètre carré, etc.), contact fédéral par type d’infrastructure, etc. : ANDES. Guide pratique du plan 5 000 terrains de sport, mars 2023.

  1. Le city stade, espace modulaire, permet la pratique multigénérationnelle de sports de ballons ou autres.
  2. Circuits à bosses et virages relevés pouvant servir aux vélos ou trottinettes.
  3. Sport de raquette entre le squash et le tennis.
  4. Les prix indiqués sont hors taxes.
  5. Dirx B., Évaluation du plan des 5 000 équipements sportifs de proximité, rapport, mai 2023.
  6. Le coût peut paraître élevé pour de la requalification, mais selon l’Andes, « il est parfois nécessaire de reprendre la surface artificialisée (reprise de la dalle, terrassement, etc.) pour poser un nouveau revêtement, ce qui peut faire rapidement gonfler le budget ».
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