Ingénierie dans les communes rurales : Jeunes en service civique ou VTA : du beau travail !

Depuis 2019, l’association InSite France a recruté 259 volontaires qui ont travaillé ou travaillent dans des communes rurales françaises, à des missions civiques dans trois domaines : lien social, transition écologique, et culture et patrimoine. InSite France mobilise ses neuf experts pour accompagner les territoires ruraux dans leurs initiatives.
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Le 14 mars 2024

Le manque d’ingénierie dans les territoires ruraux est un problème récurrent. Il existe pourtant des solutions. Bien accompagnés, les volontaires en service civique et les volontaires territoriaux en administration sont efficaces.

Environnement, culture, patrimoine, urbanisme, mobilité, mise en place d’un tiers-lieu ou de circuits courts alimentaires… tout cela demande de l’ingénierie que beaucoup de communes ou même EPCI ruraux n’ont pas.

Bien sûr, il y a le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, l’Agence technique départementale ou l’intercommunalité. Mais rien ne vaut un chargé de mission… qu’on ne peut pas se payer quand on n’est pas Petite ville de demain ou Village d’avenir. Alors certains territoires recourent à des Volontaires en service civique (VSC) ou à des Volontaires territoriaux en administration (VTA), dans une démarche gagnant-gagnant : « Pour le jeune, c’est une façon de mettre le pied à l’étrier ; pour nous, c’est une opportunité budgétaire, à condition de confier une véritable mission », apprécie Bernard Aguiar, maire du Vernet (1 913 hab., Allier), qui a déjà recruté deux jeunes architectes en service civique et une en VTA.

Missions variées

Pour de petites communes, les VSC, d’un coût très réduit, sont très adaptés (lire encadré). Certaines y recourent régulièrement. C’est le cas de Bocognano (367 hab., Corse-du-Sud) pour l’accueil et la promotion de son musée en 2022 ou pour la régénération de la châtaigneraie communale en 2023. À Saint-Circq-Lapopie (203 hab., Lot), Plus beau village de France (PBVF), des VSC proposent des animations culturelles. À Hunspach (621 hab., Bas-Rhin), également PBVF, Noémie Alves, qui a un double master Gestion politique locale et de l’environnement, a été recrutée, elle, en octobre dernier pour mettre en valeur le patrimoine historique  et naturel.

Certaines collectivités ont systématisé. Ainsi, Saint-Rémy-en-Comté (441 hab., Haute-Saône) a-t-elle recruté entre 2011 et 2020, 39 VSC, sortant souvent de licence ou master, pour mener des actions dans le domaine environnemental ou culturel pour lesquelles le personnel communal n’avait ni temps ni compétences. La communauté de communes Erdre et Gesvres (CCEG, 64 546 hab., Loire-Atlantique) est elle devenue structure d’accueil de VSC à la suite de l’appel à manifestation d’intérêt « Jeunes engagés de la ruralité » de l’Agence du service civique en 2021. Une quinzaine de jeunes ont effectué leur service civique à la CCEG entre début 2022 et février 2024 et cela continue. Des missions au service du développement durable leur ont été confiées, avec notamment un stand itinérant à la sensibilisation au développement durable. Certains ont travaillé au service emploi de la CCEG à des actions emploi pour la jeunesse, d’autres au service culturel, notamment pour l’organisation du salon local du livre jeunesse. Un autre depuis cette année travaille à la solidarité avec les seniors, un autre au service d’un tiers-lieu communal. A noter que certaines associations comme InSite France aident les communes à définir leurs missions et à recruter (lire encadré).

Le dispositif VTA a lui été créé en 2021 pour les collectivités rurales. En général, les missions confiées demandent plus d’expertise et sont plus circonscrites que le service civique.

Ainsi, Le Vernet (1 913 hab., Allier), après avoir recruté deux jeunes architectes en service civique, a-t-elle employé  Eva Denier, architecte, pour 18 mois. Sa mission ? Monter un projet d’écoquartier en obtenant la labellisation par le soin apporté au cadre de vie, aux matériaux et services ; établir 13 fiches-action et projets en concertation avec les élus ; élaborer les Cahiers des clauses techniques particulières et lancer les appels d’offres pour les réaménagements de la place, de la salle culturelle et de l’entrée de bourg, etc.

À Laguiole (1 223 hab., Aveyron), Julie Solans (Master de gestion des territoires et développement local) est comme VTA « responsable du projet d’aménagement du centre-bourg de A à Z, phase opérationnelle comprise », selon le maire Vincent Alazard. Elle a aussi pris en charge la réhabilitation de bâtiments, la création d’une salle polyvalente et d’un espace économique. Un choix judicieux, puisqu’après 18 mois, elle a été reconduite pour 18 mois supplémentaire, jusqu’en juin 2024.

Service civique : InSite France accompagne vos recrutements et missions

Depuis 2019, l’association InSite France a recruté 259 volontaires qui ont travaillé ou travaillent dans des communes rurales françaises, à des missions civiques dans trois domaines : lien social, transition écologique, et culture et patrimoine.

InSite France mobilise ses neuf experts pour accompagner les territoires ruraux dans leurs initiatives. Après ciblage précis des territoires où agir avec les préfets, l’Association des maires ruraux de France, les départements, régions, intercommunalités ou parcs naturels régionaux, tout part d’un diagnostic coconstruit avec les membres de l’équipe municipale et les porteurs d'initiatives locales. En découlent les missions et offres aux jeunes volontaires via une plateforme numérique.

Former et accompagner

Faut-il recruter des jeunes du territoire ? Ecuisses (1 609 hab., Saône-et-Loire), qui accueille régulièrement des VSC, donne la priorité aux Écuissois, pour faciliter leur insertion dans la vie professionnelle. À la CCEG, de fait, les trois quarts des jeunes viennent du territoire : « C’est un plus, mais nous n’avons pas beaucoup de candidats. D’autres viennent donc de l’agglo nantaise voisine ou d’ailleurs », précise Marion Morales, responsable du service emploi.

Pour mieux recruter ces jeunes, il vaut mieux caler leurs missions sur le calendrier de l’année scolaire et non de l’année civile. La mission doit parfois être adaptée aux recrutements ou au profil du jeune : « Le stand de sensibilisation à l’environnement était adapté quand quatre jeunes s’y consacraient, avec un seul jeune c’est insuffisant », illustre Marina Morales. Le temps de travail des jeunes est parfois abaissé, comme à la CCEG avec 24 heures : « Les jeunes peuvent avoir un petit job à côté, préparer l’après service civique ou poursuivre des études en parallèle », note Marion Morales.

Recruter un jeune en service civique ou en VTA, c’est aussi le former.

À la CCEG, un tuteur est désigné. Idem à Laguiole où Julie Solans est appuyée par le Directeur des services techniques : « Il m’a confié des tâches progressivement plus importantes, analyse Julie Solans. Je lui pose mes questions, lui fais part de mes doutes ». Avec InSite France, tout jeune bénéficie d’un binôme de référents : d’un côté le maire ou un élu, de l’autre un habitant ou un membre associatif pour le suivi opérationnel. De plus, « un rmembre d’InSite fait le point avec le jeune tous les mois », selon Elodie Tesson, architecte d’organisation à InSite France. Noémie Alves confirme : « On regarde ce qui va bien, ce qui peut être amélioré, les projets à mener ou l’après service civique ». Mais pour un VTA, n’est-ce pas plus compliqué ? « On s’est partagé la tâche, mon adjoint à l’urbanisme et aux travaux et moi-même. Mais Eva a très vite pris contact avec le Département et l’agglo, pour un complément d’accompagnement », assure le maire Bernard Aguiar.

Ici ou là existe parfois un suivi plus global. Ainsi à la CCEG, Marina Morales qui coordonne les services civiques, intervient « en cas de mission qui pose problème, de difficulté avec le tuteur, etc ». Une fois tous les un à deux mois, elle regroupe tous les VSC pour échanger sur leurs expériences, les points forts ou faibles… De son côté, InSite France organise, à l’échelle départementale ou régionale, quatre journée par an Artisans d’idées réunissant référents, élus locaux et VSC de différents territoires : « On y discute formation, gestion de projet, compréhension du territoire… », précise Elodie Tesson.

Tremplin vers l’emploi

Les jeunes sont aussi forces de propositions : « Ils posent des questions auxquelles les services n’avaient pas réfléchi, apportent de nouvelles idées », observe Marion Morales. Bernard Aguiar apprécie aussi : « A 50-70 ans, notre équipe municipale n’a pas la même approche qu’une jeune de 25 ans ! ».

La rémunération modeste des VSC peut parfois poser problème, surtout si le jeune n’habite pas chez ses parents et doit payer son loyer. La commune aide donc souvent à trouver un logement gratuit ou peu cher.

Question cruciale, que font les jeunes à l’issue d’un service civique ou d’un VTA ? Pour certains, le service civique les a remis dans un rythme normal, comme ce jeune passé à la CCEG après être resté cloîtré chez lui pendant le covid. Pour d’autres, cela confirme ou infirme une orientation : « Après leur service civique, une jeune issue en BTS en communication a poursuivi des études de com’. Une autre après des études de psychologie, ne savait pas quoi faire : avoir tenu le stand développement durable l’a convaincue de faire un BTS Assistante de direction », précise Marion Morales.

Pour la plupart, le volontariat constitue un tremplin vers l’emploi après une formation initiale. Julie Solans espère bien poursuivre à Laguiole sous une autre forme après ses deux VTA. Eva Denier, après son VTA au Vernet, est, elle, repartie avec un joli carnet d’adresses et a été recrutée dans un cabinet d’architecte. A InSite France, on précise que « sur les 41 premières communes accompagnées en Occitanie, 7 VSC ont été ensuite employés par une association, un office de tourisme, la mairie… ».

De leur côté, les communes parviennent-elles, après le départ des jeunes, à capitaliser sur leurs actions ? Parfois, d’autres VSC ou VTA arrivent et les actions se poursuivent. Dans d’autres cas, « des outils ou structures mis en place perdurent même après le départ des jeunes, comme cette association de théâtre créée à Sainte-Christie-d’Armagnac (377 hab., Gers) pendant le service civique d’un jeune autour de la mémoire », explique Elodie Tesson. En avant !

Recruter de jeunes volontaires : mode d’emploi

  • Recruter de jeunes volontaires : mode d’emploi

On fera une demande d’agrément auprès de sa Direction départementale de la cohésion sociale. L’agrément est donné pour trois ans et pour un nombre déterminé de volontaires. On fera une offre sur www.service-civique.gouv.fr avec missions proposées, conditions d’accueil, encadrement, objectifs et durée (6 mois à 1 an). Les recrutements se font sans conditions de diplômes, mais de fait une sélection s’opère en fonction de la mission. A la fin du service civique, il faut établitrun rapport d’activité sur le jeune. L’indemnité mensuelle est de 619,83 € : 114,85 € à la charge de l’accueillant et 504,98 € de l’Etat.

  • Volontaires territoriaux en administration (18-30 ans) :

Diplômé de niveau Bac+2 minimum, le VTA effectue une mission d’ingénierie au service du développement d’un territoire rural (commune, EPCI…) pendant 12 à 18 mois, sur 75 % d’un temps plein au moins. Une aide forfaitaire de 15 000 euros est attribuée par l’Etat à la structure accueillante, sans oublier un « coup de pouce sac-à-dos » de 5 000€/VTA pour installation. Les offres sont à transmettre à sa préfecture, puis disponibles sur la plateforme de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. En savoir plus ici.

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