Revue
Ils nous étonnentBudget vert, outil de décarbonation ou de communication ?
Introduite dans la loi de finances pour 20241, l’obligation pour les collectivités de plus de 3 500 habitants de se doter d’un budget vert suscite des inquiétudes et des questionnements2.
« L’urgence écologique, climatique et énergétique impose aux collectivités la décarbonation de l’administration. Et pourtant, sans outil concret pour gérer et calculer l’impact de leurs différentes activités, la tâche se révèle difficile », résume Céline Viollet directrice innovation, responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et transition écologique à Metapolis, une société de conseil et de services qui travaille à une solution d’aide à la décision, planification, pilotage et évaluation des projets des collectivités pour accompagner la transition écologique des territoires.
Trois temps ont principalement rythmé ce webinaire animé par Pierre Musseau, doctorant et rédacteur d’une thèse sur les comptabilités écologiques : l’initiation au budget vert, la « méthodologie de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) » et les retours des collectivités accompagnées ainsi que des participants.
Le budget vert, une initiative récente
Le point de départ du budget vert est l’initiative de l’organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de 2017. La budgétisation verte demande, selon cette initiative, que les considérations environnementales soient intégrées tout au long du processus budgétaire. Pour Pierre Musseau, ce n’est pas seulement l’identification des dépenses favorables ou défavorables, mais un alignement et une priorisation des décisions budgétaires avec des objectifs environnementaux. La suite vous la connaissez : en 2019, l’I4CE et l’inspection générale des finances (IGF) avec le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ont proposé leur méthode d’évaluation donnant lieu en 2020 au premier rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État. Le budget vert est progressivement adopté par les collectivités. Selon un sondage réalisé par le think tank I4CE à la mi-2023, quatre régions, sept départements ainsi 41 communes et intercommunalités en auraient réalisé un, et autant prévoient de le faire. La région Occitanie est, ainsi, la première région à instaurer une démarche d’évaluation climat de son budget depuis 2021 (en utilisant la méthode de l’I4CE). Le green budgeting est une réponse « au besoin de la planification écologique au niveau national. La production d’un tel document par les collectivités […] va permettre de connaître le volume d’investissement vert réalisé au niveau local », selon le doctorant en comptabilités écologiques. Cette donnée est primordiale puisque les collectivités sont un maillon essentiel de la transition par leurs patrimoines et compétences.
La région Occitanie est la première région à instaurer une démarche d’évaluation climat de son budget depuis 2021 en utilisant la méthode de l’I4CE.
Méthode I4CE, le mode d’emploi
Parmi les méthodes citées (la budgétisation stratégique d’impact, le budget soutenable, la méthode IGF-CGEDD qui est celle adoptée par l’État), celle plébiscitée par Metapolis pour le budget vert est celle de l’I4CE, qui serait, selon son directeur Fabien Cauchi, « la plus structurée et la plus modélisée ». Néanmoins, « il faut avoir conscience que [cette méthode] n’est pas toujours utilisée de la même manière ». La méthode du think tank propose de classer les lignes budgétaires en fonction de cinq à six catégories : « très favorable », « favorable sous condition », « neutre », « défavorable », « à approfondir » et « inclassable ». Ainsi, l’achat de bus au gaz se rangerait sous la catégorie de « favorable » sous condition en ce qu’« ils peuvent être compatibles dans une France neutre à carbone si on dispose de biogaz ou de gaz décarboné », souligne Pierre Musseau.
Metapolis s’est appuyé sur un exemple très concret, celui de l’achat de véhicules selon qu’il s’agisse d’une voiture, d’un camion et de deux roues.
Pour l’achat d’une voiture qui consommerait moins de 50 grammes de CO2 par kilomètre, la dépense serait catégorisée en « très favorable » ; en revanche si sa consommation dépasse ce seuil de 50 grammes de CO2 par kilomètre, la dépense serait donc « défavorable ». Pour l’achat de deux roues, l’évaluation est manichéenne : la dépense serait « très favorable » pour l’achat d’un deux roues électrique ou actif (vélo) et « défavorable » pour ceux utilisant des énergies fossiles.
Pour l’achat d’un camion, c’est nuancé : elle serait « très favorable » pour un camion électrique, « favorable sous conditions » pour un camion roulant au gaz ou en hybride, et finalement « défavorable » pour les camions utilisant du diesel ou de l’essence.
Des retours doublement positifs
Pierre Musseau s’est appuyé sur de nombreux exemples de collectivités : Clermont-Ferrand, Pessac, Lille, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine ou encore la région Bretagne. La cheffe de projets budgétisation écologique et égalité de la Métropole de Lyon, Siham Moulali-Gaton, a pointé « l’importance de donner du sens à la démarche globale de budgétisation écologique pour engager une prise de conscience et aider à la décision ». Il faudrait, ainsi, faire preuve de pragmatisme puisque qu’« aucun projet ou dépense [ne serait] uniformément vert » selon la cheffe de projets à la métropole lyonnaise. En conséquence, Benoît Heully, directeur budget et finances du conseil départemental des Vosges, se demande si « en l’absence de classification partagée et objective, ne risque-t-on pas de faire un simple outil de communication ? ». Question répondue par la positive, c’est un « risque sans référentiel objectif ». Le webinaire d’amorçage a réuni plus de 100 participants avec de nombreux retours positifs conduisant à l’ouverture d’un second webinaire – dit « d’approfondissement ». Ceci est la preuve – s’il en faut une – de l’importance de cette « boussole budgétaire » pour les exécutifs.
- L. no 2023-1322, 29 déc. 2023, de finances pour 2024.
- Cet article est tiré du webinaire « Budget vert », organisé le 9 février 2024 par OKO by Metapolis.