De la démocratie à l’école

Le 4 novembre 2022

Le mouvement apolitique De la démocratie à l’école est né le 25 août 2022, à Marseille, de la volonté d’éducateurs, enseignants et directeurs d’écoles de favoriser la diversité pédagogique et la culture de la démocratie à l’école. Rencontre avec sa fondatrice Magali Martin.

Quelle est la genèse de ce mouvement ?

Le noyau dur du mouvement compte des acteurs passés pour la plupart par des écoles démocratiques. En juin 2022, nous avons commencé à nous rassembler avec l’envie de créer des ponts avec le système éducatif public classique, d’imaginer que l’on pouvait rendre la culture de la délibération et de la démocratie plus vivante au cœur de l’Éducation nationale. L’idée a plu à plusieurs professeurs et chefs d’établissement. En parallèle, la nomination du nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap N’diaye, l’évocation de la tenue d’États généraux et d’un grand débat démocratique autour de l’éducation à l’automne 2022, semblent indiquer une nouvelle direction. Peut-être une fenêtre est-elle en train de s’ouvrir, en tout cas dans la gouvernance de l’Éducation nationale. Nous n’avons jamais eu le désir de changer le système de l’intérieur. Nous voulons surtout construire avec les acteurs de terrain et nous prônons la diversité pédagogique. Nous voyons, par exemple, les écoles privées hors contrat comme des sortes de laboratoires d’expérimentations où l’on peut s’affranchir des programmes scolaires. L’idée consiste à porter ces expérimentations dans le système public avec l’envie de contribuer à une transformation du système éducatif français.

Magali Martin

Comment se constitue l’équipe fondatrice et comment fonctionne le mouvement ?

Elle se constitue autour de quatre personnes, une quinzaine d’autres suivent de près nos actions et se tiennent prêtes à travailler sur des actions dans leurs établissements. Élodie Berthelier, a travaillé comme auxiliaire de vie scolaire (AVS) dans un lycée professionnel. Cofondatrice d’une école démocratique à Avignon, ses enfants ont d’abord été instruits en famille, puis dans une école démocratique et enfin, aujourd’hui, dans une école de village des Cévennes. Cette maman impliquée développe des actions avec l’enseignante de ses enfants. Sinn Dickman est le cofondateur de la Sudbury School à Paris, une école démocratique anglophone, à la courte existence. Doté d’un diplôme universitaire en intelligence collective de l’université de Cergy, il œuvre dans le champ de l’éducation et travaille dans diverses structures associatives. Yazid Arisi est le cofondateur de l’école démocratique de Paris XIXe. Parmi les contributeurs proches, on peut citer Cyril Delattre, cofondateur de la maison d’édition L’Arroseur de l’ombre qui publie des livres sur l’éducation et les innovations de sociétales. Il accompagne la structuration de différents projets d’innovations pédagogiques. C’est l’un de nos contributeurs actifs tout comme Virginie Lesieur, enseignante à Toulon et co-directrice d’une école. Nous mettons en place une gouvernance collégiale, paritaire et transparente, à laquelle nous tenons tout particulièrement. Nous avons à cœur d’avoir des « gardiens du sens » maintenant la direction du mouvement tout en facilitant les remontées des acteurs de terrain.

Qu’attendez-vous de ce mouvement ?

Nous œuvrons pour une transformation du système éducatif français en commençant par le terrain. Notre mouvement repose sur trois piliers. Tout d’abord, nous souhaitons développer des actions de terrain, notamment à travers la création d’un institut de formation par les pairs. Il mettra en relation les enseignants qui innovent, leur donnera un espace pour témoigner de leurs pratiques. Notre but c’est d’enrichir la diversité des pratiques et de soutenir les enseignants. À la demande de certains d’entre eux, nous allons faire intervenir des facilitateurs formés en intelligence collective dans les établissements pour les aider à régler des conflits entre les enseignants, la direction et les enseignants, avec les parents, les élèves, etc. Il s’agira d’accompagner des établissements ayant envie de repenser leur projet, de les aider à réguler des tensions. Ensuite, nous soutenons des initiatives facilitant le développement de la culture démocratique dans l’éducation. Pour cela nous avons à cœur de nourrir des partenariats avec des organismes comme Eloquentia, SEVE (Savoir être et vivre ensemble est une association de Frédéric Lenoir) et la zone d’expression prioritaire (ZEP). Ils mènent déjà des actions contribuant à favoriser une culture de la délibération, de la circulation de la parole des élèves et enseignants, de la démocratie. Nous entretenons également des liens avec le mouvement Utopia, dont la branche éducation et l’université travaillent sur l’innovation, la fondation ÉducationS PlurielleS ou les organismes de défense de l’éducation en famille. Enfin, nous comptons agir politiquement via notamment un projet de colloque parlementaire avec le sénateur Yan Chantrel (qui représente les Français établis hors de France). Avec une délégation de parlementaires qui suivent de près les premières actions du nouveau ministre de l’Éducation nationale et ont envie de contribuer à défendre la liberté pédagogique. À noter qu’il s’agit d’un sénateur de gauche : nous regrettons que la liberté pédagogique (droit à l’instruction en famille, écoles privées hors contrat) soit, la plupart du temps, incarnée et défendue par des élus de droite. Certains élèves sont aujourd’hui exclus d’un système trop standardisé. Nous considérons qu’une école plus inclusive, avec une diversité de pratiques contribue à l’égalité d’accès à l’éducation et donc à la justice sociale.

À propos des écoles démocratiques

Fondées sur les apprentissages autonomes et l’autogestion démocratique, les écoles démocratiques se basent sur un courant pédagogique créé par Alexander Sutherland Neill en 1921 à la Summerhill School en Angleterre. Repris par Daniel et Hanna Greenberg à la Sudbury Valley School aux États-Unis, dans le Massachusetts, en 1968, il inspire tout un mouvement européen. Dans les écoles démocratiques, les enfants de 3 à 18 ans sont libres de décider de leurs apprentissages et d’y consacrer le temps qu’ils souhaitent. Les enseignants, appelés « facilitateurs d’apprentissages », accompagnent les élèves dans l’acquisition du socle d’apprentissage et l’émergence de projets. Autre particularité, les élèves participent à l’élaboration de l’ensemble des règles, à la résolution des conflits, à tous les débats les concernant.

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