Déconfinement et relance : vers une territorialisation de l'action publique effective et continue ?

©Fotolia.
Le 23 novembre 2020

Avec les crises nées de l'épidémie de la Covid-19 ont émergé des concepts qui étaient depuis longtemps occultés dans les discours. Les notions de « territoire » et de « territorialisation » sont en effet régulièrement évoquées tant par les élus locaux que par le Gouvernement. L'utilisation de ces termes prône en fait le choix d'une nouvelle méthode de détermination et de conduite de l'action publique. Cette dernière doit être menée avec, par et dans les territoires.

 

Avec la gestion de la crise depuis le déconfinement et la mise en œuvre du plan de relance, les territoires sont effectivement consultés par les autorités de l'État et prennent part aux décisions qui sont adaptées à leurs spécificités. Les collectivités locales s'inscrivent en partenaires de l'État par l'intermédiaire des préfets.

 

Or, si elle constitue un signal positif, il n'en demeure pas moins que cette territorialisation de l'action publique reste fragile. La prise de décisions centralisées et unilatérales par l'État en lieu et place des élus locaux et sans concertation dans les territoires en alerte maximale ou renforcée, fin septembre, a été un marqueur qui relativise considérablement la territorialisation. Au point de la faire disparaître ? La mise en œuvre du plan de relance et les suites du projet de loi 3 D permettront de répondre à cette question.

Qu'est-ce que la territorialisation de l'action publique ?

Avec la crise de la Covid-19, la territorialisation de l'action publique n'a jamais été autant au cœur de l'actualité ni aussi concrète. « Elle définit une posture dans la manière d'aborder le traitement des problèmes publics. Elle constitue en cela un bon résumé des chantiers à travers lesquels se construit une action publique qui se veut tout à la fois légitime et efficace »[1].

La territorialisation de l'action publique n'est pas nouvelle. Elle se manifeste notamment par l'amorce du processus de décentralisation à partir de 1982, la déconcentration n'ayant que peu d'impact jusqu'alors[2].

Transférant des compétences à des entités infra-étatiques, que sont les collectivités locales, l'État entend à ce que des politiques publiques soient exercées au niveau local par des administrations qui lui sont détachées.

En parallèle des mouvements de décentralisation, la territorialisation de l'action publique se traduit par le renouvellement du mouvement de déconcentration. « Les élus locaux, dotés de nouvelles compétences, doivent pouvoir s’adresser au niveau local à un représentant de l’État dont les attributions lui permettent d’engager l’État sans en référer systématiquement à l’échelon central »[3]. De la sorte, de nouvelles réformes de déconcentration ont accompagné les étapes de la décentralisation.

Or, force est de constater, qu'en pratique, la décentralisation et la déconcentration ont connu des réformes sans nécessairement de lien entre elles. Si bien que la territorialisation, ou ce qu'il est courant d'appeler l'État territorial, renvoie davantage au processus de déconcentration. De ce point de vue, la territorialisation de l'action publique poursuit plusieurs objectifs.

D'une part, modifier le référentiel de l'action publique en passant du niveau central au niveau local, puis en identifiant le niveau local pertinent. Ce dernier a d'abord été la région à partir de 2004 puis avec la Réate[4] en 2007, avant de devenir le département avec la charte de la déconcentration en 2015. La circulaire du 24 juillet 2018 de l'ancien Premier ministre Édouard Philippe, relative à l'organisation territoriale des services publics, visait à accroître le niveau départemental. Concrètement, ce premier objectif consiste à s'appuyer sur les préfets régionaux et départementaux pour la prise de décisions dans les territoires.

D'autre part, renforcer l'intervention de l'État par la rationalisation des moyens des services. Ce but traduit la logique de performance et de recherche de gains induite par la loi organique sur les finances de l'État du 1er août 2001. Tel fut l'essentiel de la réforme de l'État territorial entre 2007 et 2015 dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques et de la Modernisation de l'action publique. Aussi, la rationalisation des moyens a notamment conduit à des mécanismes de fusions et de mutualisations des directions, services et délégations déconcentrés, de même qu'à la réduction des effectifs.

Caractérisée par la décentralisation et la déconcentration, la territorialisation de l'action publique révèle ainsi une nouvelle organisation de l'État et une nouvelle méthode de conduite de l'action publique. Elle bouscule l'État historiquement centralisé et jacobin.

L'action publique doit être pensée et menée avec, par et dans les territoires, ceux-ci devant renvoyer aux collectivités locales et leurs groupements ainsi qu'aux services déconcentrés de l'État. Aussi, la territorialisation vise « à définir un espace dynamique de gestion des problèmes publics caractérisé par la diversité des situations, la contingence des solutions et la variabilité de son emprise géographique »[5].

Si cette territorialisation de l'action publique s'est traduite par des réformes concrètes, il n'en demeure pas moins que les résultats se sont avérés insuffisants. Dans le cadre de la déconcentration, l'organisation territoriale de l'État s'est davantage traduite par des considérations budgétaires. De son côté, la décentralisation a confirmé la répartition complexe des compétences et la maîtrise financière de l'État. De plus, elle s'est manifestée par des mouvements de planification et de contractualisation, lesquels ont conduit à une instrumentalisation de l'action publique locale. Par leur biais, l'État se désengage, en demandant plus aux administrations décentralisées, tout en gardant la maîtrise.

Une « territorialisation Covid-19 » ambitieuse et intéressante

Avec les crises nées de l'épidémie de la Covid-19, l'État entend mener une réelle territorialisation de l'action publique sans être animé, pour l'heure, de considérations budgétaires. Surtout, elle allie déconcentration et décentralisation.

Cette territorialisation fut mise en œuvre dès le Gouvernement Philippe, au moment où la France se préparait à être déconfinée. Ayant fait le constat que les « territoires » avaient parfaitement bien gérer la crise sanitaire, le Gouvernement n'a eu d'autres choix que de leur faire confiance pour penser et mettre en œuvre le déconfinement.

D'une part, l'État a collaboré avec préfets et élus locaux à travers des visioconférences presque hebdomadaires. C'est dans ce cadre que le département a été constitué en territoire pertinent du déconfinement, et non la région. Ces conférences ont également permis aux élus locaux de faire remonter les problèmes auxquels ils devaient faire face, les moyens dont ils devaient disposer et les décisions qu'ils devaient prendre.

D'autre part, l'État a également accepté des prises de décisions locales adaptées aux territoires en se focalisant sur le couple maire-préfet. C'est ce dernier qui, localement, a adapté les mesures générales du déconfinement aux réalités du terrain : port du masque obligatoire, ouverture de plages, …

La territorialisation de l'action publique est renforcée avec le Gouvernement Castex tant pour gérer la crise de la Covid-19 que pour relancer le pays avec « France relance ». Si bien que l'action publique semble ne pouvoir être exercée qu'avec les territoires.

Tel est du reste le message porté et répété par le « Premier ministre des territoires »[6] dès ses déclarations de politique générale et dans la présentation du plan de relance. « C'est avec une méthode nouvelle que nous allons prendre ensemble à bras-le-corps cette crise […]. Nous devons réarmer nos territoires, investir dans nos territoires, nous appuyer sur nos territoires »[7].

D'une part, la territorialisation s'est traduite par la confirmation du couple maire-préfet afin de prendre des décisions adaptées aux situations locales dans le cadre de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, telles que l'extension du port du masque obligatoire, notamment en extérieur. À ce titre, depuis le 1er juillet, près de 3 000 mesures préfectorales ont été prises pour lutter contre la Covid-19[8].

D'autre part, Jean Castex a expressément décidé de relancer le processus de décentralisation, qui avait été stoppé par la crise, et de l'approfondir : renaissance de la Conférence nationale des territoires pour discuter, avec les territoires, des réformes de la décentralisation pour davantage de libertés locales ; élaboration du célèbre projet de loi « 3 D » afin de réinventer les relations État-collectivités avec notamment la consécration réelle d'un principe de différenciation territoriale[9] ; élaboration d'un projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du 4è alinéa de l'article 72 de la Constitution.

Par ailleurs, dès sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, le Premier Ministre Castex avait déclaré vouloir « rendre rapidement plus cohérente et efficace l’organisation territoriale de l’État, en particulier au niveau du département ». Et qu'à cette fin, « toutes les créations d’emplois qui seront autorisées par le PLF 2021 seront affectés, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l’État et aucun dans les administrations centrales ».

Enfin, dans un projet de circulaire adressé aux préfets[10], confirmé par le projet de loi de finances pour 2021[11] puis par une circulaire du 23 octobre 2020[12], Jean Castex a clairement fait de la territorialisation la ligne de conduite du plan de relance. La territorialisation sera « un gage d'efficacité, d'adaptabilité, d'équité et de cohésion » et « l'un des facteurs de sa réussite en accompagnant les dynamiques territoriales et en rendant possible la consommation rapide des crédits ». Pour ce faire, la territorialisation de « France relance » est censée se décliner en trois axes.

D'une part, accroître la déconcentration en confiant aux préfets de région et de département, de même qu'aux sous-préfets à la relance créés à l'occasion[13], « le pilotage de la décision et des crédits ainsi que l'animation » du plan ; l'information des acteurs locaux et l'identification des projets.

D'autre part, recourir à la contractualisation avec les collectivités locales : par les contrats de plan État-régions comme « supports de la relance », des accords régionaux de relance pour des crédits à court terme[14], des contrats de relance et de transition écologique au niveau infra-régional (en complément des contrats de ruralité, de transition écologique, des pactes État-métropoles, …).

Enfin, construire un travail de partenariat entre préfets et élus locaux en s'appuyant sur des « instances de gouvernance et de pilotage spécifiques » : comités régionaux de suivi et comités départementaux de suivi. Les premiers assureront l'exécution du plan de relance et seront coprésidés dans chaque région par le préfet de région, le président de conseil régional et le directeur régional des finances publiques. Y participeront également les présidents de conseils départementaux, des services déconcentrés comme les recteurs d'académie, les opérateurs de l'État (Bpi France, Ademe, Anah, …), les partenaires sociaux et des représentants des milieux socio-professionnels. Lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 28 septembre 2020, Bruno Le Maire a précisé que les décisions seraient locales « sans remonter au niveau national » pour les projets inférieurs à 5 millions d'euros. Les seconds seront en charge du suivi des opérations localisées dans le département. Ils associeront le président du conseil départemental, les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, le président de l’association départementale des maires et les présidents des chambres consulaires et les représentants des forces économiques sociales et environnementales du département. De plus, ils comprendront des parlementaires "invités".

Une « territorialisation Covid-19 » en trompe l'œil ?

Si elle manifeste à première vue une prise de conscience de l'État de la nécessité de s'appuyer sur les territoires, cette territorialisation de l'action publique en cours et à venir est-elle suffisante et, surtout, va-t-elle se maintenir ? À bien y regarder, plusieurs indices incitent à être prudent, d'autant que de plus en plus de voix d'élus locaux s'élèvent contre ce qui apparaît comme une territorialisation en trompe l'œil.

D'une part, l'État privilégie les services déconcentrés au détriment des collectivités territoriales et intercommunalités.

Premièrement, dès le gouvernement Philippe, le couple maire-préfet a été institué pour la prise de décisions adaptées au niveau local. Or, si les maires collaborent avec les préfets et cherchent à imposer leurs décisions, il n'en reste pas moins que seuls les préfets décident au final, les élus locaux se sentant parfois exclus. Ce constat est du reste partagé par France urbaine qui a noté un manque de concertation dans l'élaboration des plans territoriaux État-métropoles de lutte contre la Covid-19 en août 2020[15]. Outre le fait que des préfets se seraient désintéressés de ces plans, certains auraient imposé leurs décisions sans aucune consultation des élus locaux. D'autres auraient mis en œuvre des mesures qui n'avaient pas été prévues dans les plans, sans en avertir les élus locaux, ou des mesures qui n'étaient pas justifiées par les considérations locales.

Deuxièmement, l'organisation territoriale du plan de relance réside principalement sur les préfets de région. Ce sont eux qui vont piloter et assurer le suivi de France relance dans leur territoire.

Il est du reste intéressant de constater que le terme « déconcentré » est régulièrement utilisé dans la circulaire du 23 octobre 2020, comme si la territorialisation de l'action publique était assimilée à l'action déconcentrée. En effet, le plan de relance vise notamment à accorder des financements via « des appels à projets déconcentrés au niveau régional ». De plus, la gestion des crédits disponibles sera déconcentrée « car les préfets et services déconcentrés sont les plus à mêmes à identifier, pour chaque mesure, les projets pertinents sur leur territoire ».

Troisièmement, Jean Castex a prévu, à partir du 1er janvier 2021, la création de sous-préfets à la relance afin d'assurer au plus près des territoires la mise en œuvre concrète du plan de relance et l'affectation des crédits nécessaires. Or, ces sous-préfets seront de jeunes hauts fonctionnaires déjà en poste qui se consacreront à cette nouvelle fonction.

Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l'Association des maires de France, regrette que des sous-préfets vont disposer de crédits fléchés vers les collectivités. « Pourquoi ne pas avoir plutôt augmenté les dotations globales ? Les dotations, c'est l'autonomie des collectivités. Une fois de plus, les collectivités vont être les sous-traitantes de l'État ».

D'autant que, selon Olivier Dussopt,  auditionné par la délégation aux collectivités territoriales à l'Assemblée nationale le 24 septembre 2020, il n'y aura pas de sous-préfets à la relance dans tous les territoires. Ce rôle incombera de la sorte à un membre du corps préfectoral ou de l'Administration qui est déjà chef de projet à la relance.

D'autre part, l'État semble rechercher l'instrumentalisation de l'action publique locale par le biais du recours à la contractualisation, aux appels à projets et aux instances de gouvernance qui occupent une place centrale dans la territorialisation du plan de relance.

Passer par la contractualisation n'est pas nouvelle. Celle-ci est un trait caractéristique de la décentralisation. À ce titre, elle s'est révélée à la fois comme un instrument de coopération contrainte et dirigée – en imposant le recours au contrat dans les formes qu'il a prévues – et une prérogative lui permettant d'orienter l'action des collectivités et, plus récemment, de maîtriser leurs dépenses (avec les célèbres contrats financiers de Cahors)[16]. Pourtant, force est de constater que les collectivités locales[17] et les intercommunalités recherchent la contractualisation avec l'État. Elles considèrent celle-ci comme un élément d'efficacité de la territorialisation de la relance[18].

Le constat est identique avec les appels à projets. Mécanisme à la mode dans l'action publique, et notamment sous la mandature Macron avec la recherche d'une « décentralisation de projet »[19], ils conduisent non seulement à un risque d'instrumentalisation, mais également d'inégalité entre les territoires. Lors de son audition devant la délégation aux collectivités territoriales à l'Assemblée nationale, Olivier Dussopt a précisé qu'aucun territoire ne serait privilégié. Ne bénéficieront des crédits que ceux qui répondront aux appels à projets. Les collectivités territoriales et intercommunalités sont ainsi réticentes à l'égard de ce procédé. L'assemblée des Communautés de France préfèrent qu'une contractualisation globale et pluriannuelle soit privilégiée aux appels à projets[20].

Mettre en place des instances de gouvernance et de pilotage avec les collectivités aux niveaux régional et départemental voire infra-départemental peut être une mesure efficace de territorialisation, comme l'ont révélé les conférences d'avant déconfinement. Toutefois, encore faut-il que la méthode voulue par le Premier ministre soit reprise en pratique et que les élus locaux aient un réel poids face aux représentants de l'État pour mettre en œuvre les décisions déconcentrées. Les écueils des plans territoriaux État-métropoles de lutte contre la Covid-19 doivent être évités. Les craintes résident notamment sur la bonne et efficace affectation des crédits aux territoires porteurs de projets. Les élus locaux ne veulent pas « une organisation centralisée à l'échelle nationale »[21]. Les canaux de financement « doivent pouvoir être agrégés à l’échelle régionale au travers de ''comités régionaux des financeurs'' pour permettre ensuite une revue régionale des projets »[22].

Enfin, signe le plus évident de recul de la territorialisation, l'État a repris ses réflexes jacobins. Face à la résurgence de l'épidémie, le Ministre de la Santé Olivier Véran avait effectivement décidé que des mesures sanitaires restrictives soient prises dans les grandes métropoles et villes en alerte renforcée (fermture des bars à partir de 22 heures), et notamment à Aix-Marseille et en Guadeloupe placées en alerte maximale (fermeture des bars, restaurants et des salles de sport), en lieu et place de la gestion locale assurée par le couple maire-préfet et sans concertation (du moins à en croire les élus locaux). Cette attitude a été considérée comme un affront par les élus locaux, constituant une « méthode autoritaire, solitaire et non concertée »[23] selon l'Association des maires de France et, partant, « un retour en arrière sur l'esprit de concertation qui a prévalu entre l'État et les maires depuis le déconfinement ». Un référé-liberté, porté notamment par l'ensemble des élus, a été déposé contre l'arrêté préfectoral imposant ces mesures à Aix-Marseille. Le tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à la demande dans une ordonnance du 30 septembre[24].

À ces critiques, le ministre de la Santé a catégoriquement répondu que, « concerter ne veut pas dire forcément accorder. À un moment, le principe de responsabilité doit primer ». Toutefois, face à l'inexorable progression de l'épidémie dans les grandes villes, qui pourraient être placées en alerte maximale, et pour éteindre l'incendie après l'épisode d'Aix-Marseille et de Guadeloupe, le Premier ministre s'était entretenu le 1er octobre avec les maires de Paris, Lyon, Lille, Grenoble et Toulouse. Cette réunion avait pour objet d'inciter les édiles à prendre, avec les préfets concernés, des mesures sanitaires supplémentaires. Le cas échéant, le Gouvernement aurait pu reprendre la main en imposant des décisions. Finalement, un délai leur avait été accordé afin de vérifier si les mesures mises en place initialement allaient produire leurs effets. À défaut, des décisions auraient dû être prises.

Dans ce contexte, les associations d'élus locaux avaient exhorté le Gouvernement à les recevoir pour s'entretenir sur la gestion de la crise dans les territoires en attendant la concertation plus générale sur les relations État - collectivités dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.

Or, celle-ci avait de nouveau été reportée, la date ayant été fixée au 20 octobre. Ce rebondissement n'avait pas manqué d' « agacer » les élus locaux qui espéraient, du reste, que la Conférence serait à la hauteur des enjeux. Si elle a finalement eu lieu à la date prévue, et sous l'appellation nouvelle de « Rencontre État - Collectivités », elle n'a abouti sur rien de concret, au grand dam des élus locaux.

Ce retour de l'État jacobin a été rapidement occulté suite à l'aggravation de la propagation de l'épidémie avec, d'abord, l'instauration de couvre-feux et, ensuite, le retour d'un confinement national décidé par Emmanuel Macron le 28 octobre 2020. Dans ce cadre, de nouvelles tensions ont émergé. Après avoir pris des arrêtés municipaux autorisant l'ouverture des commerces dits non-essentiels, des élus locaux exhortent l'État à trouver des solutions afin que ces commerces puissent ouvrir ou que, le cas échéant, les grandes surfaces ne vendent plus les biens proposés par ces commerces[25].

La territorialisation de l'action publique est quoi qu'il en soit actée par le Gouvernement Castex. Malgré le reconfinement, il importe d'étudier comment le plan de relance sera mis en œuvre pour pouvoir affirmer si la territorialisation est effective et continue.

 

[1]    Duran P., « Territorialisation », Dictionnaire des politiques territoriales, SciencesPo Les Presses, coll. « Références », 2020, 2è éd., p. 536.

[2]    Processus apparu principalement sous la IIIè République comme le transfert du pouvoir de décision des autorités centrales à des autorités subordonnées, les préfets et sous-préfets, implantées dans les territoires.

[3]    Vie publique.fr, « La déconcentration, corollaire de la décentralisation », https://www.vie-publique.fr/eclairage/38686-la-deconcentration-corollaire-de-la-decentralisation.

[4]    Réforme de l'administration territoriale de l'État.

[5]    Duran P., « Territorialisation », Dictionnaire des politiques territoriales, loc. cit., p. 531.

[6]    Castex J., Déclaration de politique générale au Sénat, 16 juillet 2020, https://www.gouvernement.fr/partage/11656-declaration-de-politique-generale-de-m-jean-castex-premier-ministre-au-senat.

[7]    Castex J., Déclaration lors du communiqué de presse du plan de relance le 3 septembre 2020.

[8]    Scordia B., « Covid-19 : à ce jour, près de 3 000 mesures restrictives ont été prises par les préfets », Acteurs publics.fr, 17 septembre 2020.

[9]    Un 4è D semble être ajouté pour décomplexification.

[10]  Qu'Acteurs publics s'est procuré. V. Scordia B., « Comment le gouvernement entend territorialiser le plan de relance », Acteurs publics.fr,  18 septembre 2020.

[11]  PLF 2021, 28 septembre 2020, p. 8 : « Il traduit enfin l’attention portée à la déclinaison locale des politiques publiques, notamment par le renforcement significatif des moyens de proximité, s’agissant en particulier des emplois, et par la territorialisation des moyens de France relance, ainsi que le soutien fort apporté aux collectivités territoriales, partenaires de l’État ».

[12]  Circulaire du Premier ministre du 23 octobre 2020, Mise en œuvre territorialisée du plan de relance, https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45069.

[13]  Circulaire du Premier ministre du 10 septembre 2020, n°6210/SG, relative à la Mobilisation des jeunes hauts fonctionnaires sur nons territoires en faveur de la relance.

[14]  Accord de partenariat État - Régions, 28 septembre 2020.

[15]  France urbaine, « Face au Covid, l'État ne doit pas faire cavalier seul », Franceurbaine.org, 25 septembre 2020.

[16]  Brisson J.-F., « Décentralisation et contractualisation », AJDA, 2019, n°41, p. 2435-2443.

[17]  Les départements, par la représentation de l'Assemblée des départements de France, souhaite conclure des contrats État - départements sur la base d'un accord comparable à celui passé entre l'Etat et les régions.

[18]  L'Assemblée des Communautés de France préconise quant à elle un contrat global de territoire pour porter tous les projets présentés par une intercommunalité et par les communes membres, AdCF, Position, octobre 2020, « Rencontre État - Collectivité du 20 octobre 2020. Six recommandations de l'AdCF pour une territorialisation efficiente de France relance », p. 3.

[19]  Sur la pensée d'E. Macron relative à la décentralisation, v. not. Le Lidec P. (dir.), Emmanuel Macron et les réformes territoriales. Finances et institutions, Berger Levrault, coll. « Au fil du débat », 2020, 260 p.

[20]  AdCF, Position, octobre 2020, « Rencontre État - Collectivité du 20 octobre 2020. Six recommandations de l'AdCF pour une territorialisation efficiente de France relance », p. 3.

[21]  Ibid.

[22]  Ibid.

[23]  AMF, « Crise sanitaire : en renonçant à la concertation, le Gouvernement fragilise la confiance », Communiqué de presse, 24 septembre 2020.

[24]  En revanche, le 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Rennes a suspendu l'arrêté préfectoral qui prévoyait de fermer les salles de sport et gymnases sur le territoire de Rennes Métropole. Le juge a estimé qu'aucun de ces établissements n'avaient été le foyer de contamination en Bretagne. Mercredi 30 septembre, le tribunal administratif de Bordeaux avait quant à lui rejeté le référé dirigé contre un arrêté préfectoral identique applicable à Bordeaux.

[25]  À titre d'exemple, v. not. Villes de France, « Préservons nos commerces de centre-ville », Comuniqué de presse, 30 octobre 2020.

×

A lire aussi