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Dossier

L’Europe mise sur les villes pour accélérer la neutralité carbone du continent

Source : Commission européenne.
Le 11 janvier 2023

« 100 villes intelligentes et climatiquement neutres en 2030 – par et pour les citoyens » est l’un des programmes phares de l’Union européenne (UE), intégré au programme cadre de recherche et innovation Horizon Europe. Un programme au budget conséquent, de l’ordre de 1 milliard d’euros sur la période 2021-2027, pour soutenir et engager les villes européennes dans la neutralité carbone. Les 100 villes retenues (112 en comptant les États associés) représentent 12 % de la population européenne. Neuf collectivités françaises font partie des villes lauréates : Angers Loire Métropole, Bordeaux Métropole, Dijon Métropole, Dunkerque, Grenoble-Alpes Métropole, Lyon, Marseille, Nantes Métropole et Paris. Entretien avec Pierre Pacaud, chargé de mission mobilité et ville durable au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), sur les enjeux, les objectifs et l’importance de ce programme.

Les villes jouent un rôle central dans la réalisation de la neutralité climatique d’ici 2050, objectif du pacte vert pour l’Europe. Elles n’occupent que 4 % de la superficie terrestre de l’UE, mais elles abritent 75 % des citoyens de l’UE. Étant donné que l’atténuation du changement climatique est fortement tributaire de l’action urbaine, nous devons aider les villes à accélérer leur transformation écologique et numérique. Les villes européennes peuvent, en particulier, contribuer de manière substantielle à l’objectif du pacte vert de réduire les émissions de 55 % d’ici 2030 et, plus concrètement, d’offrir un air plus pur, des transports plus sûrs et moins de congestion et de bruit à leurs citoyens. Nous sommes encore loin de la neutralité carbone, nous avons besoin de pilotes, l’idée de ce programme européen est que la neutralité carbone du continent européen passe par la neutralité carbone des villes, une partie importante de la population y vit, si on parvient à trouver une neutralité carbone dans les villes, c’est déjà un grand pas pour avoir la capacité d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Aujourd’hui, il existe une unanimité en France et dans l’ouest de l’Europe sur les objectifs à atteindre en matière de neutralité carbone, mais nous sommes dans l’inconnu sur la méthode et le comment y arriver. Il y a eu des actions au plus haut niveau de l’État et avec les territoires, avec les contrats de relance et de transition écologique (CRTE)1. Ces CRTE encouragent les villes à définir des plans d’action pour la neutralité carbone, mais les équipes techniques sont encore dans l’expectative sur les outils, les méthodes et les solutions concrètes. Un grand nombre de solutions sont identifiées, mais il y a une problématique de mise à l’échelle et de coût : comment faire en sorte de les mettre en œuvre en prenant en compte toutes les autres contraintes, comment viser des « transitions justes » avec des citoyens qui y adhèrent, même les plus en difficultés.

La France fait partie des trois pays européens, avec l’Italie et l’Allemagne, qui ont le plus de villes sélectionnées dans le cadre du programme européen. Ceci montre le recul des villes françaises sur le sujet, qui pour certaines d’entre elles ont déjà établi depuis plusieurs années une stratégie et un plan d’action, qu’il convient d’accélérer étant donné l’urgence climatique.

La vision, les structures pour atteindre cette neutralité carbone, la typologie des villes (avoir des villes grandes, moyennes et petites), la répartition géographique à l’échelle de l’Europe, la diffusion et la valorisation des résultats (disposer de « modèles de transition » selon les spécificités géographiques, économiques et sociales) font partie des critères de sélection. L’un des principaux bénéfices de ce programme est un accompagnement personnalisé avec l’aide d’une plateforme pour les aider à construire leur stratégie et leurs modalités d’action pour atteindre cet objectif. NetZeroCities2 offre aux collectivités lauréates une plateforme d’expertise et de conseil au niveau européen, avec un accompagnement personnalisé et des outils qui permettront un effet de levier, à partir d’une stratégie volontariste de la ville ; une labellisation qui portera l’ambition de la ville ; un support dans la recherche de financements privés comme institutionnels (y compris européen, Horizon Europe ou autres) ; un réseau inspirant au niveau européen sur les modèles de gouvernance et de citoyenneté et enfin un appui sur les aspects réglementaires et techniques (connaissance des enjeux, solutions). La Commission européenne, via NetZeroCities, agit donc plus comme un levier pour déclencher des actions fortes plutôt que comme un « banquier ». Sur le chapitre des investissements, qui est pointé régulièrement comme un critère clé de transformation, la Commission européenne assume le fait que le seul financement européen ne sera pas suffisant pour soutenir ces grandes transformations pour atteindre la neutralité carbone, et que le financement privé sera décisif. Les villes vont signer un climate city contract avec l’UE qui est un moyen de formaliser les objectifs et les moyens entre la commission européenne, la ville en question et d’autres entités (régions, États, les acteurs privés, etc.).

LA CARTE DES 100 VILLES EUROPÉENNES

Source : Commission européenne.

De grandes villes françaises parmi les lauréates

Les neuf villes françaises retenues sont de grandes villes au sein de métropoles : Angers Loire Métropole, Bordeaux Métropole, Dijon Métropole, Dunkerque, Grenoble-Alpes Métropole, Lyon, Marseille, Nantes Métropole et Paris.

La Commission Européenne a privilégié la sélection de grandes villes ou agglomérations pour toucher une plus grande partie de la population.

Les critères de sélection n’ont pas été communiqués, mais ils ne sont pas basés exclusivement sur l’excellence des dossiers, ce qui en fait une spécificité de cet appel ; la variété des enjeux et des stratégies a été un paramètre notable dans la définition du « portefeuille » des villes retenues. On peut alors présumer des spécificités des dossiers proposés. Par exemple, et sans être exhaustif, Angers et Dijon se distinguent par les aspects numériques ; Grenoble et Paris pour leurs actions très fortes en matière de résilience territoriale et de transformation écologique ; Grenoble et Nantes pour leurs relations fortes avec l’Europe ; Paris, Lyon et Marseille sont des villes phares par leur taille, avec une nuance pour Marseille plus en retrait sur le plan écologique mais faisant actuellement de gros efforts pour accélérer sur l’adaptation climatique ; Bordeaux et Dunkerque sont engagées dans des transformations importantes, notamment en termes de mobilités ; Dunkerque a une dimension forte de transformation industrielle et portuaire tandis que Bordeaux est une ville en pleine transformation, qui doit repenser ses modes de mobilité avec une population en forte croissance. Des « city advisors » ont été recrutés par la plateforme NetZeroCities pour accompagner les villes et métropoles françaises dans le programme européen, qui prennent actuellement connaissance des dossiers des villes lauréates, et renforcent leurs connaissances de l’existant en termes de bonnes pratiques, par ailleurs en cours de synthèse par la plateforme. La grande majorité des villes lauréates ont déjà une vision stratégique et un calendrier, en France du moins. La question est plutôt de mieux articuler cette stratégie « locale » avec le calendrier européen, et de percevoir quel sera, concrètement, l’apport des « city advisors » face à leurs questionnements. Sur un plan national, France Ville Durable (FVD) et France urbaine sont des acteurs clés qui portent les mêmes visions de développement durable et de décarbonation des villes, et les accompagnent dans leur déploiement opérationnel. FVD a la capacité de rassembler les porteurs d’idées et les praticiens pour diffuser les bonnes pratiques en France et à l’internationale. France urbaine travaille avec les élus, les collectivités locales, et a aussi cette capacité de porter les propositions auprès de cette cible.

Qu’est-ce que la mission pour les villes climatiquement neutres et intelligentes ?

La Commission européenne a annoncé les 100 villes de l’UE qui participeront à la mission 100 villes intelligentes et climatiquement neutres d’ici à 2030, dénommée « Mission Villes » 3. Neuf villes françaises ont été choisies. Elles agiront comme des écosystèmes d’expérimentation et d’innovation pour aider toutes les autres dans leur transition vers la neutralité climatique d’ici 2050.

La mission Villes est l’une des cinq missions de l’UE, une nouveauté du programme Horizon Europe. Ces missions représentent une nouvelle façon d’apporter des solutions concrètes à certains de nos plus grands défis, ambitieux, systémiques et avec un impact sociétal fort pour les citoyens européens. La mission Villes implique les autorités locales, les citoyens, les entreprises, les investisseurs ainsi que les autorités régionales et nationales. Le but de la mission Villes est de mettre en place 100 villes intelligentes et climatiquement neutres d’ici 2030 ; et de veiller à ce que ces villes agissent comme des pôles d’expérimentation et d’innovation pour permettre à toutes les villes européennes de faire de même d’ici 2050.

L’appel à manifestation d’intérêt des « 100 villes climatiquement neutres et intelligentes », qui s’est clôturé le 31 janvier 2022, a connu un grand succès puisque 377 villes des États membres de l’UE ainsi que de pays associés à Horizon Europe ont répondu à cet appel, dont une vingtaine de collectivités françaises. En parallèle de cet appel phare, la mission Villes a proposé également huit appels à projets plus conventionnels pour 2021-2022, pour un budget total de 163 millions d’euros, dont une majorité adressée directement aux collectivités. L’essentiel de ces appels s’inscrit dans le budget 2021, mais avec des dates de clôture en 2022, et le dernier appel a été clôturé en septembre 2022. Il n’est pas nécessaire d’avoir répondu à l’appel phare pour répondre à ces appels conventionnels. Les collectivités candidates à l’appel phare, qu’elles soient retenues ou non, pourront bien entendu utiliser et valoriser le travail déjà effectué.

Toute cette action de la France autour des actions européennes sur la ville est structurée autour d’un groupe miroir impliquant – entre autres – France urbaine, FVD, les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (MTECT). Ce groupe mène des actions d’information et d’accompagnement pour mettre les villes dans les bonnes dispositions pour le succès aux appels européens de la recherche-innovation (Horizon Europe), et identifier les synergies entre les dispositifs français et européens, au service des acteurs nationaux et de la transformation des territoires.

  1. Destinés à tous les territoires (rural, urbain, ultra marin), les CRTE ont vocation à participer activement à la réussite de France relance, le plan de relance économique et écologique de la France, à court terme. À plus long terme, ces contrats permettront d’accélérer les dynamiques de transformations à l’œuvre dans tous les territoires dans les cinq prochaines années. Les CRTE ont vocation à accompagner la création et/ou le renforcement de projets de territoires compatibles avec les besoins de cohésion des territoires et de transition écologique (https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/CRTE).
  2. https://netzerocities.eu/
  3. https://www.horizon-europe.gouv.fr/appels-projets-2022-de-la-mission-ville-29552
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