Marie-Claude Sivagnanam: «Nous favorisons les méthodes d’intelligence collective, encourageons la créativité des agents et expérimentons des modes de management novateurs»

Marie-Claude Sivagnanam
Pour la DGS de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, l’utilisation de méthodes d’intelligence collective, le travail en équipe et l’expérimentation sont des piliers majeurs de la transformation des organisations.
©Anne-Charlotte Compan pour le SNDGCT.
Le 1 février 2024

Directrice générale des services (DGS) de la communauté d’agglomération de Cergy Pontoise depuis octobre 2020, Marie-Claude Sivagnanam est vice-présidente « Transitions sociétales et managériales » au Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT). Elle est aussi engagée dans l’association Dirigeantes et territoires pour faire avancer l’égalité femmes-hommes et la parité dans le secteur public.

1 – Les temps forts de Territorialis au Havre

Les 28, 29 et 30 septembre 2023 s’est tenu Territorialis, le 82e Congrès national et international du SNDGCT, les Assises des cadres dirigeants des collectivités. C’était le premier congrès du nouvel exécutif, ce qui était déjà important en soi. Notre présidente et nos équipes préparaient ce congrès depuis un an, un moment crucial pour la vie du syndicat, ouvert à tous et axé sur les dirigeants territoriaux. Le thème était « L’humain au cœur de l’action », avec une première intervention axée sur l’expérience de la métropole de Lille qui a mis en place une équipe travaillant sur les neurosciences appliquées aux politiques publiques. Ils ont abordé la politique de l’eau et présenté leurs initiatives en matière de management, en mettant en lumière l’application des neurosciences. France Burgy, la directrice du CNFPT, a également développé des points importants sur l’attractivité de la fonction publique et l’évolution du métier de DG, notamment en matière de transformation et de gestion de crise. J’ai également participé à deux ateliers. Le premier, organisé par Dirigeantes et territoires portait sur le partage d’expérience et le marrainage pour progresser par les pairs, en mettant l’accent sur l’objectif de parité. Le deuxième atelier, « Et si le facteur humain était le cœur des métiers des directions générales ? », que j’ai animé avec Émilie Baudet, coach et enseignante en management à l’université Paris X, a exploré l’évolution des métiers des directions générales.

Nous favorisons les méthodes d’intelligence collective, encourageons la créativité des agents et expérimentons des modes de management novateurs.

Nous avons partagé des expériences de réussite et d’échec, favorisant ainsi un dialogue ouvert sur les défis et les apprentissages liés à notre rôle de dirigeant. La place des femmes dans l’entrepreneuriat, comment les collectivités locales peuvent inspirer les acteurs privés en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La marque « employeur public », avec des métiers qui ont du sens, l’amélioration de la diversité sociale dans la fonction publique, les émotions dans la prise de décision, etc., tous ces sujets ont été abordés dans différents ateliers pratiques. Plus de 1 400 personnes ont participé à ce congrès, une réussite pour notre syndicat. En 2024, Territorialis aura lieu les 3 et 4 octobre, à Tours.

2 – L’enjeu de la transformation managériale à Cergy-Pontoise

Depuis avril 2022, à l’agglomération de Cergy-Pontoise, notre projet d’administration territoriale rythme nos collectifs de travail. Ce projet d’administration est une déclinaison des engagements politiques du projet de territoire. Il est aligné notamment sur les défis pour accélérer la transition écologique et énergétique en interne et sur notre territoire, exigeant une évolution de nos pratiques managériales. Nous favorisons les méthodes d’intelligence collective, encourageons la créativité des agents et expérimentons des modes de management novateurs. L’un des chantiers clés de ce projet est de « travailler ensemble aujourd’hui et demain ».

Nous cherchons à développer de nouvelles méthodes de travail, concrétisées par deux principes fondamentaux : accroître le pouvoir des agents (compréhension, proposition, contribution) et expérimenter « le management de subsidiarité », qui consiste à placer la prise de décision ou la réalisation d’une tâche au niveau le plus pertinent d’efficacité, en adéquation avec le niveau de responsabilité et en favorisant l’autonomie des agents.

Trois directions (la gestion des ressources humaines, les espaces verts et le développement économique) ont travaillé sur leur organisation et leurs process pour les améliorer en termes de subsidiarité ce management, plus horizontal. Nous expérimentons aussi le co-développement (entraide entre pairs) et avons mis en place un groupe « Co-dév » pour les membres du comité de direction volontaires. Cette coopération s’étend également à la période de congés, où un binôme de directeurs généraux adjoint (DGA) assume les responsabilités en mon absence. Parallèlement, un comité de direction élargi, impliquant les chefs de service, joue un rôle crucial dans le bon fonctionnement de la collectivité, avec des temps d’échange et de formation. Des initiatives telles que des conférences ouvertes à tous sur la transition, des ateliers sur l’égalité professionnelle, et des formations sur les violences sexistes et sexuelles sont également déployées dans le cadre de notre projet de transformation administrative.

Notre approche repose sur la formation, la créativité et le volontariat, en éliminant les cloisonnements. L’utilisation de méthodes d’intelligence collective, le travail en équipe et l’expérimentation sont des piliers majeurs. Un accompagnement par le cabinet Oyena nous a permis de développer des méthodes de travail en intelligence collective, notamment lors des réunions du comité de direction de tout le territoire. Nous sommes en train d’établir un pacte social avec les organisations syndicales et les agents pour les années à venir, mettant en œuvre des actions phares telles que l’expérimentation d’autres organisations du temps de travail, la semaine de quatre jours et demi pour les agents non éligibles au télétravail. Des formations sur les enjeux de la transition énergétique et écologique sont obligatoires, de même que la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, basée sur le volontariat, avec la participation de 700 agents, dont 328 femmes et 375 hommes. Il s’agit du nombre total d’agents, ainsi, si nous le mettons en œuvre, conformément à l’objectif énoncé dans le cadre du pacte social proposé aux organisations syndicales, cela se fera de cette manière, mais sans recourir au volontariat dans ce cas.

3 – Le rôle des intercommunalités sur l’enjeu écologique

Nous possédons des compétences cruciales pour la transition écologique, notamment dans la gestion de l’eau, la mobilité, le chauffage urbain, etc.

Mon constat est que la transition écologique ne devrait pas seulement concerner quelques techniciens, mais impliquer l’ensemble des agents et des services.

Par exemple, sur la transition énergétique, la mise en place d’un plan de sobriété ne peut se faire qu’en coordonnant l’action de plusieurs directions pilotes et en lien avec toutes les directions concernées par les bâtiments : l’énergie, le contrôle de gestion et le patrimoine bâti. Nous adoptons une approche de co-pilotage à trois sur le sujet de la transition énergétique, en nous attaquant à des enjeux complexes et en combinant différentes compétences. De manière plus globale, personne n’est éloigné des préoccupations écologiques, que ce soit la façon dont les gens se rendent au travail, le cœur de métier de l’agglomération en tant qu’organisatrice de grands services urbains, ou d’autres intervenants de près ou de loin. Notre approche mobilise fortement tout un écosystème. Nous avons organisé une conférence sur le prix de l’énergie pour toutes les communes des territoires, explorant les raisons de la crise, l’évolution des prix, le financement, et agissant en tant qu’activateur de la transformation écologique. Nous jouons également un rôle de fédérateur en établissant une feuille de route pour la transition écologique avec le département et l’université, mettant en œuvre un projet alimentaire territorial, y compris avec le Vexin, qui se trouve aux portes de notre territoire. Sur les enjeux de mobilité, nous sommes activement engagés dans des efforts de lobbying à tous les niveaux, ayant récemment inauguré une nouvelle ligne de bus desservant un nouveau quartier. S’il inclut des études pour l’extension du T13, suite à un lobbying que nous avons réalisé avec l’appui de nombreux partenaires, dont le département du Val-d’Oise. Sur la gestion de l’eau, nous sécurisons les captages d’eau et nous cherchons à améliorer notre maîtrise des ressources en eau sur le territoire.

Cependant, pour réussir cette transition, nous avons besoin d’un soutien bien plus important. Bien que le Fonds vert1 lancé par le ministère de la Transition écologique soit utile, il n’est pas suffisant. Nous travaillons également à végétaliser Cergy-Préfecture, faisant de notre mieux avec les ressources disponibles.

4 – L’innovation publique dans l’interco

Pour moi, l’innovation n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen. Quand on parle d’innover pour innover, je ne trouve pas cela particulièrement intéressant. Ce qui est vraiment fascinant, c’est la nécessité de trouver de nouvelles solutions en réponse à l’évolution des besoins sociétaux et aux changements climatiques. L’innovation est un outil pour atteindre ces objectifs, mais innover simplement pour le plaisir de le faire n’a pas de sens.

Ce qui m’intéresse, c’est d’injecter de nouvelles idées, de la créativité, et que l’innovation soit au service d’un but concret. Plutôt que de parler exclusivement d’innovation, je préfère aborder les méthodes d’intelligence collective. Ces méthodes permettent de trouver des solutions novatrices, même si certaines peuvent sembler être des répétitions du passé, comme la réintroduction de centrales hydrauliques, par exemple. Parfois, ma mère plaisante en remarquant que nous répétons des pratiques du passé, comme apporter nos propres contenants lors des achats, une pratique qui était plus répandue autrefois. Cependant, cela ne constitue pas une innovation à proprement parler, mais plutôt du bon sens.

Il est important de rester pragmatique et de ne pas idolâtrer l’innovation. Nous ne voulons pas faire de l'innovation un dogme.

À cet égard, nous n’avons pas planifié d’actions spécifiques pour le mois de l’innovation publique qui vient d’avoir lieu en novembre 2023, mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas intéressés. Nous ne voulons simplement pas faire de l’innovation un dogme. Récemment, nous avons remporté le prix Territoria bronze dans la catégorie « Transition énergétique » pour notre initiative « J’allume ma rue » 2, un système d’éclairage public permettant aux résidents de contrôler l’éclairage de leur rue via une application mobile. Cette distinction illustre comment nous encourageons l’innovation lorsque celle-ci répond à des besoins spécifiques.

5 – L’importance aussi des transitions sociétales pour réussir les transformations

Les transitions sociétales consistent à répondre aux attentes de la société. Bien que des avancées aient été réalisées en matière de parité, avec seulement 27 % de femmes occupant des postes clés dans les plus grandes collectivités, nous sommes encore loin de la parité. De plus, la diversité sociale, ethnique et culturelle de notre pays ne se reflète pas pleinement dans nos administrations. Au sein du syndicat, notre engagement se concentre sur plusieurs fronts. Tout d’abord, sensibiliser à ces enjeux en diffusant des données chiffrées, notamment en ce qui concerne les problèmes de sexisme qui persistent. Nous travaillons activement à soutenir les collectivités en partageant les bonnes pratiques, notamment à travers des campagnes de sensibilisation sur l’égalité professionnelle.

Nous sommes fiers de soutenir le colloque annuel de Dirigeantes et territoires qui se tiendra à Lyon les 6 et 7 juin 2024, abordant le thème crucial de « la parité entre pouvoir et influence ».

En ce qui concerne la diversité, nous reconnaissons qu’il reste beaucoup à faire. Nous avons établi un partenariat avec l’association La Cordée3, mettant en place un programme de mentorat. Cette initiative vise à faire connaître nos métiers, accompagner les individus en partageant des codes professionnels, et offrir des conseils pratiques pour renforcer la confiance en soi. Dirigeantes et territoires publie des portraits de femmes, mettant en lumière leurs énergies et leurs capacités, tout en renforçant nos liens avec des partenaires œuvrant pour des publics plus éloignés. Dans le cadre des transitions sociétales, nous mettons en avant le développement du mentorat intergénérationnel comme l’un des axes majeurs de notre action. Nous croyons fermement en l’inclusion et aspirons à favoriser un environnement où chaque individu peut s’épanouir.

  1. Nessi J., « Première vague de lauréats pour le Fonds vert », horizonspublics.fr avr. 2023.
  2. Cette application a été mise en place sur certains secteurs de l’agglomération où l’éclairage public est éteint de 23 h 00 à 6 h 00, et peut être rallumé par les habitants depuis leur smartphone en allant sur le site jallume.fr. Grâce à la géolocalisation, les zones traversées sont rallumées sur leur passage pendant dix minutes. Ce service est mis en œuvre par Cylumine, gestionnaire de l’éclairage public dans le cadre de son contrat de partenariat avec l’agglomération de Cergy-Pontoise.
  3. La Cordée est une association qui œuvre pour la diversité sociale dans la fonction publique. Créée par d’ancien·nes élèves des classes « Prépas talents » du service public, l’association réunit des citoyen·nes engagé·e· issu·es principalement des trois fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. La majorité des membres ont eux-mêmes vécu une ascension sociale grâce la fonction publique. L’association est convaincue que le service public peut et doit être un véritable « levier » de mobilité sociale.
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