Sobriété énergétique : retour d’expériences de trois collectivités locales

Le 2 septembre 2022

Alors que le Gouvernement a lancé dans le courant de l’été 2022 un groupe de travail « Collectivités territoriales » 1 dans le cadre son plan « sobriété énergétique », Genève, Bordeaux et Grenoble prennent déjà des actions en la matière.

Les actions concrètes en matière de sobriété énergétique sont à aller chercher du côté des collectivités territoriales ainsi que les dernières Assises européennes de la transition énergétique2 l’ont bien montrée. Genève, Bordeaux et Grenoble ont présenté leurs réflexions, stratégies et actions caractérisées par une approche globale, une appropriation des données énergétiques de leurs territoires favorisant ce type d’approche, ou encore la prise en compte des inégalités environnementales et sociales dans la lutte contre le changement climatique. À Genève, alors que la ville et le canton ont déclaré l’urgence climatique fin 2019 avec pour objectif de réduire de 60 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050, une stratégie climat a été mise en place. Elle porte sur des actions de réduction des GES en matière de logement (changement des fenêtres doubles vitrages pour 128 bâtiments de la ville, rénovations de grands ensembles d’immeubles d’habitation, repérage des passoires énergétiques, utilisation de l’intelligence artificielle pour chauffer les appartements en fonction de la météo ou du profil des habitants, etc.), d’éclairage public et de sensibilisation des commerçants et des entreprises, ou encore de déplacements dans la ville en privilégiant la marche à pied ou le vélo : « Nous réalisons actuellement un quartier dit “de ville du quart d’heure” où lieux de travail, écoles, commerces, etc., seront accessibles en quinze minutes », a souligné Frédérique Perler, maire de Genève.

À Bordeaux Métropole, labellisée Cit’ergie – collectivités engagées dans la transition écologique – démarche intéressante qui permet une prise de recul sur les actions engagées et les processus mis en œuvre on estime que les partages d’expériences avec les autres métropoles sont essentiels : « Les labels ne font pas tout. L’effet d’entraînement des villes exemplaires est très important », a commenté Claudine Bichet, vice-présidente à la transition énergétique et au climat au sein de Bordeaux Métropole.

Afin d’atteindre le Graal (la neutralité carbone), la métropole bordelaise a lancé 16 nouveaux projets de réseaux de chaleur et la production de biogaz à partir des boues des stations d’épuration !

La rénovation des bâtiments est également au programme et Claudine Bichet insiste sur le développement d’une véritable filière dans ce domaine car les artisans ne sont pas assez formés : « Une filière diagnostic et installation n’a pas été anticipée et n’est pas à ce jour structurée. Tout est à faire, notamment en partenariat avec les régions », a-t-elle observé. Tout comme dans les matériaux bio-sourcés – paille et bois – qui permettent de construire des bâtiments tels que des écoles à Rosny-sous-Bois3 et un lycée à Clermont-Ferrand. L’alimentation fait également partie de la lutte contre le réchauffement climatique, raison pour laquelle les cantines scolaires servent deux repas vegan par semaine car diminuer sa consommation de viande est à la fois bon pour la santé et la planète. Pour cela, la métropole a travaillé avec des chefs cuisiniers locaux et des partenaires agricoles. Les transports sont également un grand chantier puisqu’ils génèrent 40 % de GES : « Nous voulons par exemple faire baisser de 50 % la part de la voiture dans les déplacements car les gens la prennent souvent pour de courtes distances », a rappelé Claudine Bichet. « Plus des deux tiers des déplacements en voiture font moins de 3 km ! », a même précisé Éric Piolle, maire de Grenoble, Capitale verte de l’Europe 2022 (dont le premier plan climat remonte à… 2005 !), qui a interrogé notre soif de consommation à tous, responsable, elle aussi, du changement climatique : « Comment fait-on pour dégonfler la bulle spéculative de surconsommation sans la faire éclater ? » Sujet d’autant plus complexe qu’en la matière, 50 % de l’empreinte carbone est délocalisée en raison d’une production mondialisée des biens. D’où la nécessité de développer une économie circulaire : « Il faut considérer l’empreinte carbone dans sa globalité », a affirmé Claudine Bichet. Face à des mesures pas toujours très populaires, « il faut faire preuve de courage politique, travailler les imaginaires et créer une mythologie commune afin de changer les comportements », a lancé Éric Piolle. Par exemple, fermer à la circulation un grand boulevard traversant la ville engendre de vives réactions de la part des commerçants, mais selon l’édile, le taux de magasins vides dans cette zone est pourtant repassé sous la barre des 7 %.

La lutte contre le changement climatique ne doit pas toutefois s’effectuer au détriment des moins favorisés alors que la corrélation entre inégalités sociales et environnementales de santé4, par exemple, est avérée sur certains territoires : « Il nous faut davantage de justice sociale dans ce domaine », a affirmé Éric Piolle.

Cela passe notamment par un champ de recherche à développer.

Face à un défi aussi vaste et complexe que celui du changement climatique, les dogmes et les réponses simples n’ont pas de place. Raison pour laquelle la formation des citoyens sur le climat et la biodiversité, à travers notamment l’éducation populaire, comme des élus est le premier levier : « Nous avons déjà des budgets pour cela », a rappelé Frédérique Perler. Enfin, Sébastien Javogues, vice-président à la transition écologique et à la qualité de l’air du pôle métropolitain du Genevois français, s’est réjoui de constater qu’il n’est plus tabou de commencer à parler de sobriété dans un monde qui fonctionne toujours sous le dogme de la croissance : « À l’heure actuelle, un habitant de Genève représente l’équivalent de 12 tonnes de carbone et il nous faut descendre à 1 ou 2 tonnes ! » a-t-il pointé. En serons-nous capables ?

  1. Une réunion organisée par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, s’est tenue le 28 juillet 2022 avec des représentants d’associations d’élus locaux et des experts des problématiques énergétiques. Ces concertations visent à élaborer des plans d’actions pour permettre à chacun de ces acteurs de s’engager durablement pour la sobriété énergétique, avec une première étape de réduction de 10 % de la consommation énergétique d’ici deux ans.
  2. Assises européennes de la transition énergétique, 23e édition, du 31 mai au 2 juin 2022, table ronde, « Ces collectivités qui n’ont pas peur de moins consommer ».
  3. Voir Guichardaz P., « Rosny-sous-Bois engagé dans une démarche d’éco-construction », Horizons publics janv.-févr. 2022, no 25, p. 12-13.
  4. « Les enjeux sociaux de la transition écologique », Informations sociales 2022
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