L’État se dote d’un Centre de la participation citoyenne

Inauguration du Centre de la participation citoyenne
Inauguration du Centre de la participation citoyenne le 25 novembre 2019 au lieu de la transformation publique, 77 avenue de Ségur à Paris.
Le 12 décembre 2019

Alors que la participation citoyenne est devenue une composante essentielle de la fabrique des politiques publiques, la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a lancé le 25 novembre 2019 le Centre de la participation citoyenne à l’occasion de la 6e édition de la semaine de l’innovation publique. Objectif : diffuser la culture de la participation auprès des agents et des services de l’État confrontés à une demande croissante et souvent dépourvus en compétences internes.

En quelques années, la demande de participation citoyenne n’a cessé de progresser : les citoyens veulent aujourd’hui donner leur avis sur les décisions publiques, proposer leurs idées pour co-construire l’action publique. La participation citoyenne est devenue un impératif pour transformer l’administration et renouer la confiance entre les citoyens et les décideurs. Révélateur de ce besoin de plus d’innovations démocratiques, les Gilets jaunes ont accentué ce phénomène.

« La crise des Gilets jaunes a montré que les citoyens ne supportent plus d’être mis à l’écart des décisions et n’acceptent plus de recevoir des décisions considérées comme illégitimes dans un contexte de crise de la démocratie représentative », estime Loïc Blondiaux, sociologue et professeur de science politique.

Pour ce spécialiste de la participation citoyenne, directeur d’un master sur l’ingénierie de la concertation à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, « les dispositifs participatifs de grande envergure demandent des savoir-faire, des compétences de la part des organisateurs essentiels à la réussite des processus », citant plutôt comme modèle à suivre l’ingénierie de la Convention citoyenne pour le climat plutôt que celle du Grand débat national.

Les différentes méthodes et usages des dispositifs participatifs
Budgets participatifs, concertations, enquête… de multiples méthodes de participation peuvent être utilisées pour impliquer le citoyen. On reconnaît quelques grandes familles.
©Guide méthodologique pour comprendre les différents enjeux de la participation citoyenne - DITP

Aujourd’hui, le concertations se multiplient – en seulement 2 ans, près de 10 concertations ont été menées -  et il existe aujourd’hui de nombreux outils et méthodes (budgets participatifs, consultations numériques, jurys citoyens, conseils citoyens…) pour impliquer les citoyens dans l’élaboration, la mise en œuvre ou l’évaluation des politiques publiques, encore faut-il savoir comment s’y prendre, par où commencer, vers qui se tourner. C’est la vocation de ce nouveau Centre de la participation citoyenne : offrir une expertise interministérielle de conseil et d’expertise dédiée à la participation citoyenne.

Des ressources numériques et un accompagnement sur mesure

Concrètement, ce Centre de la participation citoyenne est une nouvelle unité au sein de la DITP pilotée par Céline Pelletier et Typhanie Scognamiglio, deux cheffes de projets spécialisées en démarches participatives pour accompagner les administrations qui souhaitent s’engager dans cette démarche. C’est aussi une plateforme numérique https://agents.participation-citoyenne.gouv.fr avec des ressources en ligne pour concevoir sa démarche.

Un guide méthodologique pour comprendre les enjeux de la participation citoyenne avec des fiches de méthodes (Conférences de citoyens, ateliers participatifs, consultations en ligne, ateliers de prospective collaborative, atelier du futur) ou des retours d’expérience, et un kit d’animation pour concevoir pas à pas son dispositif de participation font partie des ressources disponibles pour se lancer dans la démarche.

On y trouve un accès à 5 prestataires (Cap Collectif, Civocracy, Decidim, DemocracyOS, Nova Ideo) spécialisés dans l’animation des concertations et sélectionnés selon des critères de transparence, d’inclusion et de loyauté des consultations menées. Ces 5 plateformes de consultation peuvent être testées et permettent à n'importe quel agent public d'État de réaliser sa consultation de bout en bout gratuitement (s'il est capable de la paramétrer tout seul). Cela est possible grâce au projet consultation.etalab.gouv.fr, fruit d'un partenariat entre Etalab et les Civic Tech et proposé aujourd'hui par la DITP.

Ce nouveau Centre, c'est aussi un espace communautaire en présentiel (bien qu'on puisse s'y inscrire en ligne via agents.participation-citoyenne.gouv.fr) qui prévoit une réunion mensuelle, les « Mardis de la participation »[1], le rendez-vous inter-administrations des organisateurs de démarches participatives, où des agents partagent des retours d'expérience, des conseils, des bonnes pratiques et réfléchissent sur ce qu'est une démarche de qualité et comment l'évaluer.

« Avec ce Centre de la participation citoyenne, l’enjeu est de changer d’échelle et de professionnaliser ces pratiques au sein des administrations en apportant une aide au cadrage et un accompagnement sur mesure pour se lancer », explique Céline Pelletier, l'une des deux responsables du Centre à la DITP qui a déjà accompagné plusieurs grandes concertations en 2019.

« L’OCDE préconise dans l’un de ses rapports sur les bonnes pratiques de l’innovation publique d’installer une instance interministérielle sur la participation citoyenne. La France fait partie des premiers pays à l’avoir fait », précise-t-elle fièrement.

Pour Typhanie Scognamiglio, l’autre objectif est de s’assurer que  les dispositifs participatifs déployés soient de qualité en respectant plusieurs critères : « la qualité du panel (diversité des profils, points de vue différents, exercice délibératif, efforts et moyens), la qualité de l’information dispensée (comment rendre accessible les enjeux ?, s’assurer du caractère contradictoire, donner aux gens le jeu de carte nécessaire, synthétiser les travaux dans un laps de temps suffisant, les jurys citoyens sont parmi les dispositifs les plus aboutis ».

Les ingrédients d'un bon dispositif participatif

● Ne pas faire participer pour faire participer

La mobilisation citoyenne sera d’autant plus grande qu’il existe un véritable enjeu à la discussion (un sujet de controverse, une décision à prendre) et que le dispositif semble crédible et permet de peser sur la décision finale.

● Cadrer sa démarche en amont

Ne pas attendre le dernier moment pour préparer sa démarche : l’organiser dans la précipitation transforme souvent un dispositif vertueux en un élément de communication/information limité dans son impact réel

● Définir des engagements vis-à-vis des participants

Par soucis de transparence, d’impartialité ou d’honnêteté de la démarche, rassurez les participants en affichant vos engagements vis-à-vis d’eux. Une manière notamment de clarifier le degré d’impact des contributions sur la décision finale, et donc de gérer les attentes des participants.

● Choisir les outils & méthodes adaptés, en partant de l’objectif visé

Ne partez pas d’un outil ou d’une méthode : partez de l’objectif, partez de ce que vous attendez de la démarche (la réponse à une question, une prise de décision, la cartographie des freins à l’adoption d’une réforme…)

● Rendre compte des résultats de la démarche

Faire participer les citoyens et ne leur fournir aucun retour est le meilleur moyen de les décourager de participer la prochaine fois

 

Source : Guide méthodologique pour comprendre les enjeux de la participation citoyenne, DITP

L'importance du "devoir de suite"

Et un autre critère important, insiste les deux chefs de projets de la DITP, c’est le "devoir de suite" qui consiste pour les citoyens qui ont participé à cet exercice à savoir quel est l’impact de leur participation dans la décision publique. « Nous avons souhaité associer les citoyens en les informant sur ce devoir de suite qui se matérialise par un espace dédié aux citoyens leur permettant d’être informés des démarches en cours, de suivre et de comprendre la manière dont leurs contributions sont intégrées à la décision publique ». Parmi les démarches en cours figurent par exemple la Convention citoyenne sur le climat (fin le 30 janvier 2020), la consultation sur le revenu universel d’activité (fin le 20 janvier 2020) ou encore celle sur le schéma national des données sur la biodiversité (fin le 1er janvier 2020).

Après la place de l’usager dans les services publics, c’est au tour de la place du citoyen dans la décision publique d’être enfin reconnue par l’État avec la création de ce Centre de la participation citoyenne.

Bien différencier l'usager du citoyen

Pourquoi distinguer usager et citoyen ?
 

Questionner l’usager, c’est permettre à celui qui en à l’usage de s’exprimer sur un service public ou une démarche administrative. Cela permet aux administrations de cerner au mieux ses attentes et ses besoins en vue d’améliorer la qualité du service rendu.

 

Faire participer le citoyen, c’est lui permettre de formuler une opinion, un avis sur les finalités et les évolutions d’une politique publique afin d’en améliorer la pertinence.

 

Source : Guide méthodologique pour comprendre les enjeux de la participation citoyenne, DITP

 

C’est aussi un besoin réel qui est comblé, le Grand Débat national organisé dans la précipitation en début d’année, confié à des prestataires extérieurs et dont les résultats sont contestés par de nombreux acteurs de l’écosystème de la participation, a montré le manque de compétences sur ces sujets dans les services de l’État, notamment dans les préfectures. Car jusqu’à présent, c’est plus souvent au niveau local, à l’échelle des territoires, des villes ou des quartiers, que les initiatives de participation citoyenne ont fait leur preuve.[2]

[1] Un évènement qui a lieu le 3ème mardi de chaque mois, au 20 avenue de Ségur ou en ligne.

[2] Relire notre hors-série « Participation citoyenne : un nouveau souffle ? », réalisé avec l’association Décider ensemble, hiver 2019

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