La Rochelle mise sur l’électricité locale

Le 24 février 2023

Face aux dérives des prix du marché de l’énergie, certaines collectivités territoriales développent des boucles d’autoconsommations collectives. Produire et vendre en local une énergie moins chère : telle est la voie sur laquelle s’est engagée l’agglomération de La Rochelle depuis deux ans.

« Nous avons déposé en 2017 un dossier dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir qui a été accepté. Il s’agissait de démontrer que nous étions capables de concevoir, construire, mettre en œuvre opérationnellement puis commercialiser une boucle d’autoconsommation collective », explique Gérard Blanchard, vice-président de la communauté d’agglomération de La Rochelle, en charge du projet « La Rochelle Territoire zéro carbone » 1.

La Rochelle s’est donc lancée dans la construction d’un système de production d’énergie renouvelable (photovoltaïque) installé sur un parking (les ombrières supportent les panneaux) et s’appuie sur Enedis pour la distribution. L’électricité produite (0,3 MW) est injectée dans le réseau électrique où un compteur communicant calcule la quantité injectée et où sont identifiés les points de consommation sur le réseau. En l’espèce, il s’agit d’un très grand bâtiment de la communauté d’agglomération de La Rochelle qui abrite notamment une pépinière d’entreprise et une école d’ingénieurs, ainsi que des bornes de recharge d’éclairage public et de véhicules électriques. Le surplus va vers un électrolyseur destiné à fabriquer de l’hydrogène vert afin d’alimenter des systèmes de mobilité décarbonés. « Le bâtiment reçoit deux factures, à savoir la nôtre et celle d’EDF ou d’un autre fournisseur », détaille Gérard Blanchard, qui précise que les coûts de production de cette énergie de « proximité » sont inférieurs aux prix de vente d’EDF. « Nous sommes capables d’apporter au consommateur de l’énergie dont la production est stable. Produire et vendre en local une énergie moins chère : voilà notre modèle », souligne-t-il.

700 abonnés dans un premier temps

Forte de cette expérience – notamment en matière de stockage – et des compétences dont elle dispose en interne – une quinzaine d’ingénieurs énergéticiens et économistes pour certains –, La Rochelle va à présent passer à la vitesse supérieure et commercialiser son électricité à plus grande échelle, et ce, à partir de 2024, après une année 2023 dédiée à la construction du projet. Ce qui signifie produire beaucoup plus d’énergie, investir, maîtriser le foncier, s’associer à une entité garante du bon fonctionnement de la boucle et capable d’assurer la commercialisation du service. Sur un terrain qui lui appartient et sur lequel est implanté un parking relais (donc une surface déjà artificialisée), La Rochelle va multiplier par quatre sa production électrique d’origine photovoltaïque (toujours en utilisant la surface des ombrières) pour atteindre jusqu’à 1,4 MW de puissance. À la suite d’un appel d’offres, un consortium a été retenu par le conseil communautaire. Une société aura ainsi la charge de construire, d’exploiter et de commercialiser l’électricité produite localement. « Nous visons les 700 abonnés dans un premier temps, un objectif qui évoluera en fonction de l’augmentation de notre capacité de production. Nous avons d’ailleurs des projets en ce sens. Quant aux tarifs, nous estimons pouvoir offrir de 10 à 15 % de baisse sur les factures annuelles, à réévaluer au regard de l’évolution des prix du marché », précise Gérard Blanchard.

Ce qui permet à La Rochelle de s’engager dans cette voie, c’est la prise en compte du temps long qui n’aurait jamais dû disparaître du vocabulaire de la fourniture d’énergie. Le coût de l’électricité dépend des investissements, des amortissements et de la marge de l’exploitant. Or, les engagements contractuels conclus avec le consortium retenu par l’agglomération sont sur vingt ans ! « Tout cela est fixé, prévisible. Tout le contraire du marché spot où les prix changent tous les jours ! », explique Gérard Blanchard.

Mais la réflexion de l’agglomération rochelaise va plus loin. « Face au déploiement anarchique des énergies renouvelables et la résistance aux éoliennes, nous avons défini plus précisément notre stratégie à mettre en œuvre en matière d’énergie renouvelable », plaide Gérard Blanchard. Cette stratégie comporte trois volets. Tout d’abord, il s’agit d’une maîtrise publique du déploiement des énergies renouvelables par l’initiative et la planification, à savoir où et quand se feront les implantations. Second volet de la concertation avec les habitants qui participeront à la définition des cahiers des charges. Enfin, La Rochelle entend donner la priorité aux projets d’énergies partagées et non aux opérateurs privés qui installeraient des éoliennes et revendraient l’énergie à EDF.

La Rochelle envisage à terme d’installer un parc de 50 MW de puissance d’ici 2030 pour couvrir 30 % de la consommation globale de l’agglomération.

Cette capacité à faire va se concrétiser par la création – en cours – d’une société d’économie mixte dont l’objectif sera notamment d’investir dans les sociétés qui vont porter des projets d’énergies renouvelables s’inscrivant surtout dans le domaine de la boucle d’autoconsommation collective. Soit en lançant elle-même des projets, soit par une entrée au capital, au conseil d’administration de sociétés, y compris coopératives, l’agglomération rochelaise – via la SEM2 – entend bien garder le contrôle sur ce qui sera fait en matière d’énergies renouvelables, qu’il s’agisse du photovoltaïque ou de l’éolien terrestre. « Nous estimons pouvoir installer un parc de 50 MW de puissance, mais cela demande plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissements. C’est à ce prix qu’en 2030 nous pourrions couvrir 30 % de la consommation globale de l’agglomération et qu’en 2050, sur cette trajectoire, nous serions capables de produire en totalité ce que nous consommerions », ambitionne Gérard Blanchard.

  1. « Gérard Blanchard : “La prospective se construit dans le temps long.” », propos recueillis par Philippe Guichardaz, Horizons publics 2021, hors-série hiver « Prospective territoriale : construire l’avenir des territoires », p. 12-15.
  2. Société d’économie mixte (SEM).
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