Revue
DossierLes stations de montagne à cran

Toutes les projections scientifiques convergent : à l’horizon 2050, l’enneigement sera réduit de plusieurs semaines et le manteau neigeux aura perdu 10 à 40 % de son épaisseur en moyenne montagne, quelle que soit la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère1. Face à cette réalité, les territoires de montagne, notamment les stations, doivent réinventer leur modèle. Accessibilité, mobilité, logement, diversification quatre saisons, etc. Malgré une prise de conscience et des efforts, les politiques d’adaptation sont encore trop focalisées sur l’économie du ski, la diversification des activités trop limitée, la gouvernance trop éclatée, et la coordination entre acteurs locaux et État insuffisante2. Pour les experts en transition, seule une approche systémique, élargie à l’échelle du projet de territoire et prenant en compte les acteurs d’initiatives citoyennes s’inscrivant dans la transition socio-écologique, sont en mesure de préparer les territoires de montagne au changement climatique.
Un ski toujours plus haut et toujours plus cher : malgré tout, des millions de pratiquants restent attachés aux sports d’hiver – où ils se rendent principalement en voiture et en avion –, une manne qui fait vivre les massifs français. Mais l’accentuation des effets du dérèglement climatique devrait amener tous les acteurs de la filière à réfléchir ensemble, et sans plus attendre, à l’adaptation au changement climatique et à la redirection écologique face à un or blanc qui, comme l’or noir, va se raréfier de plus en plus. Afin de créer un nouveau modèle de développement territorial, il ne s’agit pas tant de mettre en œuvre des solutions techniques, mais plutôt de l’ingénierie de la complexité, de la psychosociologie et de la sociologie des organisations pour ne pas réitérer le syndrome de la sidérurgie.
« Consommer, c’est épuiser », a écrit Paul Ricoeur dans sa préface à l’ouvrage d’Hanna Arendt, Conditions de l’homme moderne3. Le philosophe y pointe la nature éphémère de la consommation dévorante et rappelle que pour Hanna Arendt « la destruction [est] inhérente à la consommation ». Or, depuis l’avènement des stations de sports d’hiver, nous « consommons » la montagne plus que nous ne la contemplons et encore moins la préservons. Donc, nous l’épuisons. « Je suis parti du monde du tourisme en raison de son caractère trop consumériste », lâche ainsi Yannick4, devenu berger dans les Alpes du Sud. Cette « consommation » de la montagne est aujourd’hui telle qu’on a dépassé les limites du soutenable.
À commencer par l’accès aux lieux de cette « consommation » ! Car la mobilité dans les territoires de montagne est devenue un problème majeur, tant pour ceux qui y viennent – tout particulièrement en hiver – que pour ceux qui y habitent à l’année et qui sont trop souvent les oubliés de l’affaire. D’une part, la pression immobilière dans les stations et aux environs contraint ceux qui y travaillent à habiter ailleurs et à prendre leur voiture (Briançon a ainsi perdu, selon l’Insee, 10 % de sa population entre 2016 et 2022, tendance qui serait due en partie à la pression immobilière sur le territoire générée par « l’effet station » de Serre Chevalier). D’autre part, la politique publique du transport doit être sérieusement améliorée pour inciter ceux qui se déplacent à prendre le train ou le vélo à condition qu’il existe une offre ferroviaire accessible et de qualité, des aménagements adéquats et une véritable intermodalité, comme l’a montré la Journée d’échanges de la destination Parc national des Écrins sur le tourisme, la mobilité et la fréquentation, organisée le 29 novembre 2024 par le parc. En outre, le réseau routier en montagne, assez vieillissant, est mis à mal par le dérèglement climatique qui provoque éboulements, glissements de terrain (voir photo) et montée des eaux, la surfréquentation n’arrangeant rien : « Des routes qui n’étaient pas dangereuses autrefois le deviennent. Les “cailloux” qui tombent sur le réseau, c’est de plus en plus fréquent. Les travaux de purge le sont donc aussi. Il y a beaucoup de travaux à réaliser sur le réseau routier et cela est d’autant plus nécessaire dans la perspective des Jeux olympiques d’hiver de 2030 », observe Thomas, spécialiste de la gestion des catastrophes et des risques naturels dans le nord des Alpes. On ne saurait mieux dire comme le prouve l’éboulement de gros blocs de rochers qui s’est produit le samedi 1er février 2025 en fin de matinée sur la RN 90 menant aux stations de Tarentaise et de Haute-Tarentaise et qui a fortement perturbé le trafic routier à une semaine des premières vacances d’hiver…
Accès aux stations : la route et l’avion archi-dominants
La surfréquentation touristique des massifs en hiver génère embouteillages, davantage de déplacements en avion pour ceux qui viennent de l’étranger et donc pollution : selon l’association Montagne Verte, qui œuvre notamment pour une mobilité décarbonée, dans les Alpes du Nord environ 75 % des émissions de carbone liées au tourisme proviennent du transport de personnes. L’ADEME a calculé que, par personne et par kilomètre, le train pollue huit fois moins que la voiture et quatorze fois moins que l’avion (et le TGV trois fois moins qu’un train classique).
Pourtant, année après année, les vacances de Noël et de février donnent lieu aux mêmes photos et articles dans les médias : des voitures pare-chocs contre pare-chocs qui font davantage penser aux périphériques des grandes métropoles françaises qu’à des vallées de montagne ! Ainsi, dans la vallée de Serre Chevalier, il faut parfois trois quarts d’heure, voire davantage, pour parcourir les 16 kilomètres qui séparent Briançon du Monêtier-les-Bains. « Les dernières vacances de Noël et du jour de l’An n’ont pas échappé à la règle. Capot contre capot, jusqu’à 7 000 véhicules ont tenté de circuler à travers Serre Chevalier où vit une population permanente de 15 000 habitants multipliée par douze en haute période de fréquentation, selon les estimations du conseil départemental des Hautes-Alpes et de la Communauté de communes du Briançonnais », a rapporté notre confrère le Dauphiné libéré dans un article du 19 janvier dernier5.
Une situation que l’on retrouve un peu partout dans les Alpes. À Avoriaz, les trois parkings souterrains de 1 730 places, où la semaine coûte 100 euros et qu’il faut impérativement réserver avant son arrivée, sont saturés en hiver, surtout aux périodes des vacances scolaires. Depuis Morzine, l’accès à Avoriaz peut aussi être problématique, car les parkings peuvent également être saturés et les gendarmes veillent : « Parfois après 10 h 00, il n’est plus possible d’aller skier puisqu’il est impossible de se garer », constate Alexandre, un jeune moniteur de ski. Même son de cloche pour la station de La Clusaz, dont l’accès depuis Annecy est tout aussi problématique : « En période hivernale, les bouchons sont constants tous les week-ends, ce qui engendre problèmes de sécurité routière et pollution dans des secteurs qui habituellement n’en connaissent pas », observe Antoine Pin, directeur de l’association Protect Our Winters France et membre élu au Conseil national de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) au titre d’une association membre. Or, les particules fines émises par les voitures se déposeraient sur la neige, la noirciraient et, ce faisant, favoriseraient l’absorption du rayonnement, au lieu de son renvoi si la neige restait blanche, ce qui contribuerait à la faire fondre plus vite… Un comble !
Mais les stations de ski françaises, tout spécialement celles situées en Haute-Savoie et en Savoie, attirent également une nombreuse clientèle étrangère, telle que les Britanniques qui, de l’aéroport de Genève, par exemple, rejoignent les stations du Chablais via des navettes organisées par des sociétés… britanniques, une diaspora s’étant carrément installée dans la région. Résultat : Morzine et Avoriaz ne sont qu’à quelques heures de Londres. Là encore, les prix de l’immobilier se sont envolés…
En outre, l’aéroport de Chambéry, pourtant sans commune mesure avec celui de Genève, dessert néanmoins six destinations au Royaume-Uni – dont Londres – et a accueilli, en 2023, 163 221 passagers, dont plus de 98 % de passagers internationaux. Pour faire face à cet afflux en saison hivernale, l’aéroport de Chambéry recherchait, à l’automne 2024, 250 saisonniers. Une situation similaire pour l’aéroport de Grenoble-Alpes-Isère. Pour Olivier Erard, consultant spécialisé en ressource en eau, adaptation au changement climatique et redirection écologique, ancien directeur du Syndicat mixte du Mont d’Or et responsable ingénierie de transition à la station de Métabief, de tels flux de voyageurs en avion sont des aberrations au regard des enjeux de réduction des gaz à effet de serre (GES) : « Si je prends l’exemple de la mobilité, qui est le poste d’émission de GES le plus important dans les stations de sports d’hiver, gardons en tête qu’il faut atteindre les 2 tonnes/an d’émissions individuelles préconisées pour espérer rester sous les +1,5 °C de réchauffement climatique, objectif de l’Accord de Paris. Or, un seul aller-retour Londres-Chambéry en avion signifie 0,7 tonne/voyageur d’émissions de gaz à effet de serre ; ce qui entame déjà sérieusement le « capital » de GES ! En outre, on sait que plus les gens ont les moyens de voyager en avion moins ils ont des comportements vertueux sur les autres postes de consommation, ce qui signifie qu’ils ne compenseront pas du tout leur voyage. »
Selon l’association Montagne Verte, dans les Alpes du Nord environ 75 % des émissions de carbone liées au tourisme proviennent du transport de personnes.
Le ski, un loisir élitiste
Reste que, dans son rapport intitulé Les stations de montagne face au changement climatique publié en février 20246, la Cour des comptes rappelait que : « La France est une destination majeure pour le tourisme hivernal : avec 53,9 millions de journées-skieur, elle se classe ainsi au 2e rang mondial, après les États-Unis (61 millions) ». Mais, comme seuls 10 % environ des Français partent au sport d’hiver, la clientèle étrangère est plus que bienvenue. « 92 % de mes cours de ski se font en anglais », témoigne Alexandre, qui se réjouit des pourboires de 200/300 euros laissés par certains clients britanniques ! « Sans les Anglais, Morzine et Avoriaz seraient en grande difficulté », estime Patrick, accompagnateur en montagne. D’autant que le domaine des Portes du Soleil est devenu un spot de VTT de descente très prisé et, désormais, de mi-juin à mi-septembre, les remontées mécaniques accueillent de nouvelles cohortes d’Anglais, mais aussi de Belges et de Néerlandais. En fait, les grandes stations françaises ne peuvent tout simplement pas se passer de la clientèle étrangère. Quant à aller « chercher » une nouvelle clientèle française, comme le préconisent certains, avec des forfaits journée à 70 euros pour le domaine des Portes du Soleil, 63 euros pour Serre Chevalier ou encore 68 euros pour La Plagne (même avec les réductions familles, il faut quand même débourser 1 127 euros pour deux adultes et deux enfants pour six jours à Serre Chevalier, par exemple), auxquels il faut ajouter l’hébergement (premier poste de dépenses), la nourriture, les cours de ski, etc., cette voie semble très hypothétique…
D’autant plus que les stations montent en gamme, comme le montrent les offres de services proposées et les prix pratiqués dans les restaurants dont les notes n’ont parfois rien à envier à celles de Paris. Le ski, sport roi des stations, est ainsi devenu un loisir élitiste. C’est ce qui ressort d’une étude du CRÉDOC parue en février 2024 : « La pratique des sports d’hiver est… très minoritaire : à dix ans d’intervalle, le CRÉDOC a décompté moins d’un Français sur dix partant en vacances à la montagne en hiver. Le profil des amateurs de sports d’hiver est plutôt aisé, jeune, urbain. Très amateurs de nature et de grand air, ils se disent sensibles à l’environnement sans être toujours très conscients des impacts de leur pratique sur la planète. » 7 Car, contrairement à une idée répandue, jeune ne « rime » pas forcément avec vert ainsi que le relève le sociologue Camille Peugny8 : « Le hiatus entre représentations et pratiques permet également de saisir les effets ambigus de l’âge. Certes, les jeunes se déclarent plus inquiets à l’égard de la dégradation de l’environnement et font état “d’une plus grande connaissance des enjeux et une plus grande croyance dans la réalité du changement climatique’’. Ce sont cependant les plus de 50 ans qui “réalisent le plus de gestes environnementaux’’ dans la pratique “et se sentent le plus impliqués dans la protection de l’environnement’’. D’autres travaux insistent sur le fait que si les jeunes se montrent davantage concernés par les questions climatiques, ils constituent aussi une classe d’âge marquée par une consommation hédoniste néfaste pour l’environnement. »
Il y a donc encore loin de la coupe aux lèvres pour un accès aux stations de ski en mode décarboné ! Les mentalités des clients doivent certes évoluer, mais l’offre de train – ou plus précisément le manque d’offres adaptées – est aussi en cause, tant au niveau régional que national et international. Ainsi, faute d’une desserte ferroviaire digne de ce nom, il faut cinq heures quinze (durée moyenne) de Marseille à Serre Chevalier ( !) pour parcourir un peu de plus 300 kilomètres, la durée du trajet le plus court étant quand même de… quatre heures quarante-cinq. Précisons que la ligne est à voie unique, sauf deux courts tronçons récemment aménagés, et qu’elle n’est pas électrifiée ! Si, si cela existe encore au pays du TGV…
Les Marseillais, qui constituent une part importante de la clientèle de Serre Chevalier, préfèrent donc prendre leur voiture pour effectuer en trois heures environ les 260 kilomètres qui les séparent de la station. « Nous connaissons aujourd’hui des situations ponctuelles dégradées, car pendant trop longtemps des pansements ont été appliqués sur des plaies béantes », observe Antoine Pin, qui souligne que la capacité des maires à agir en matière de politique de transports est réduite en dehors de leurs communes.
Mais où est donc passé le train ?
C’est pourquoi, afin de favoriser les déplacements en train jusqu’aux stations, de plus en plus de communes et d’associations, telles que Montagne Verte sur Morzine, Avoriaz, Les Gets avec le dispositif AlpinExpress, utilisent des leviers qu’elles maîtrisent en proposant des couplages à ceux qui choisissent ce mode de transport : le billet de train donne droit à des réductions chez les commerçants des stations, sur les cours et forfaits de ski, les transports locaux, etc.
« Afin de favoriser un accès responsable aux Arcs, nous avons mis en place la gratuité du funiculaire pour ceux qui viennent en train, mesure que nous avons associée à une campagne de communication en faveur d’une mobilité douce. Un dispositif qui nous a fait gagner des parts de marché en termes de clientèle, car de plus en plus de personnes sont fières de passer des vacances bas carbone. Aujourd’hui, 25 % de nos visiteurs viennent en train, chiffre que nous souhaitons porter à 30 % d’ici 2030. Mais nous avons également souhaité faire du funiculaire un transport en commun avec un accès attractif pour tous et notamment les habitants de la commune. En divisant le tarif par trois, la fréquentation a ainsi progressé de 40 % », explique Guillaume Desrues, maire de Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs, qui observe que les stations voisines de Tignes et Val-d’Isère connaissent également une progression des touristes venant en train.
Reste que Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs a un atout de taille : elle est la seule station à être totalement accessible par voie ferrée depuis Paris ! Une desserte Ouigo quotidienne et directe a été mise en place depuis quelques années durant la saison de ski. Le funiculaire à proximité de la gare emmène ensuite le voyageur en sept minutes aux Arcs 1600. Pour une durée totale de trajet de moins de six heures, le parisien se retrouve en station ! Or, malgré de tels atouts, 70 % des visiteurs se rendront encore en voiture ou en avion aux Arcs !
« Afin de favoriser un accès responsable aux Arcs, nous avons mis en place la gratuité du funiculaire pour ceux qui viennent en train », confie Guillaume Desrues, maire de Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs.
« Les Arcs, c’est sans doute la station la mieux dotée pour une alternative à la voiture avec la gare de Bourg-Saint-Maurice et le funiculaire. Chamonix aussi, mais l’objectif de 30 % de voyageurs venant en train demeure assez faible au vu des enjeux de réduction des gaz à effet de serre que j’ai mentionnés plus haut. Il faut viser la régénération, c’est-à-dire limiter les impacts négatifs et apporter des bénéfices écosystémiques », affirme Olivier Erard, qui poursuit : « L’objectif serait d’accéder aux stations uniquement en train et en navette fonctionnant au biogaz, par exemple. Imaginez l’impact pour des stations qui misent beaucoup sur des clientèles étrangères venant en avion. » L’impact environnemental et énergétique a d’ailleurs motivé l’arrêt de la promotion de la station des Arcs auprès de publics hors d’Europe. Mais il est plus aisé de prendre ce genre de décision lorsque votre clientèle est française à 66 %, Britannique et Belge à 13/14 % chacune…
Cependant, la commune de Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs, comme les communes des autres stations, est loin de maîtriser tous les paramètres en termes de mobilité. Les réservations des trains, par exemple, ne sont pas de son ressort. Or, cette réservation, qui n’est, en général, ouverte à la vente que quatre mois avant la date prévue du voyage (alors que l’on peut réserver un billet d’avion jusqu’à huit ou neuf mois à l’avance), est en décalage avec les réservations des hébergements dans les stations pouvant s’effectuer cinq ou six mois, voire davantage, avant le séjour au ski, surtout pour les périodes de Noël et février. Or, les billets de train pour Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs entre le 15 et le 22 février 2025 se sont vendus en trois heures : ceux qui n’ont pas pu réserver de trains n’ont plus qu’à prendre leur voiture ! Les communes ne gèrent pas non plus les dessertes ferroviaires : Eurostar qui avait mis en place une liaison directe Londres – Bourg-Saint-Maurice–Les Arcs l’a arrêté en 2020 pour relancer une offre hivernale en 2024, mais avec un changement à Lille (changer de train avec les bagages des sports d’hiver est un exercice toujours agréable !) qui met… huit heures et affiche moitié moins de rotation ; la Compagnie des Alpes qui avait lancé pour la saison de ski 2021-2022 TravelSki Express, une offre de transport « porte à porte » destinée au marché britannique, reliant sans arrêt Londres-Saint Pancras aux gares de Moûtiers et Bourg-Saint-Maurice et distribuée sous forme de package, agrégeant notamment le transport, le transfert, l’hébergement et les forfaits de ski, a jeté l’éponge en 2024 faute d’opérateur de transport capable de répondre à ses besoins alors que les Britanniques restent les premiers skieurs étrangers en France ! Qu’à cela ne tienne, pendant que la SNCF coupe les cheveux en quatre, les compagnies aériennes telles qu’Easyjet, qui a transporté environ un million de skieurs britanniques sur la saison hivernale 2023-2024, notamment sur Genève, Bâle, Grenoble, Lyon ou Nice, se frottent les mains.
De quoi faire sortir de ses gonds Jean-Luc Boch, président de France Montagnes et de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), qui a tancé la SNCF lors du lancement de la saison hiver à Paris en novembre dernier : « Qu’est-ce qu’on attend pour mettre la pression à un organisme de mobilité en France qui est le roi de l’immobilisme, la SNCF ? » Comment fait-on venir les skieurs britanniques, belges et néerlandais en France ? Tel pourrait être le titre d’un colloque, d’une conférence de travail, d’ateliers qui réuniraient les élus des communes de montagnes, les professionnels du tourisme, les associations telles que la FNAUT, etc., pour parler d’une seule voix. « On attend une véritable montée en puissance des organisations qui représentent les élus des territoires de montagne afin de porter de manière un peu plus appuyée une exigence plus forte face aux régions, qui ont une compétence de transport, et à l’État, propriétaire de la SNCF, sur les questions de mobilité en général et de transport décarboné en particulier. La FNAUT porte ces sujets, mais lorsque les élus de la Tarentaise, par exemple, sont à nos côtés, nous sommes bien plus crédibles », estime Antoine Pin, qui met en garde contre un excès de confiance quant à d’éventuelles solutions que pourraient apporter l’organisation des Jeux olympiques, car, à cinq ans de cet évènement, les précisions chiffrées manquent sur le projet et, vu le périmètre et la profondeur des travaux à exécuter en matière de mobilité, le timing lui apparaît peu compatible pour être optimiste.
Par ailleurs, les hébergeurs qui exigent souvent une arrivée et un départ du samedi au samedi contribuent à concentrer sur une même date départs et arrivées pour un grand nombre de personnes. « Si nous pouvions obtenir que les réservations des hébergements et les réservations des trains puissent se faire en même temps, cela faciliterait la préparation du séjour et inciterait davantage les gens à prendre le train, tout comme l’extension des dates d’arrivée et de départ sur le vendredi et le dimanche où la disponibilité dans les trains est bien plus grande », plaide Guillaume Desrues. Le groupe Pierre & Vacances a d’ailleurs lancé lors de la saison d’hiver 2022-2023 une offre de séjour du dimanche au dimanche dans six stations.
Le logement pour les habitants et les saisonniers : Bourg-Saint-Maurice pionnier
Arrivé à la tête de la mairie en 2020, sur une liste citoyenne, Guillaume Desrues et son équipe font figure de pionniers dans l’univers des grandes stations, dont beaucoup sont encore dans la dynamique de construction de logements touristiques qui rapportent bien plus que la location d’habitation ou la location aux saisonniers des stations sans lesquels la station ne pourrait pourtant pas fonctionner.
Ils se sont attaqués à un autre problème majeur des communes et même le problème numéro 1 du point de vue local : le logement, thème majeur de leur campagne. La station des Arcs compte
40 000 lits touristiques avec un taux de remplissage qui varie entre 30 et 75 % selon les semaines. En hiver, les lits sont occupés entre cinq et dix semaines. « Il n’était pas question de continuer la fuite en avant en construisant de nouveaux logements touristiques alors que nous n’arrivons pas à loger les habitants de la commune et les saisonniers qui sont au nombre de 5 000, dont 4 000 qui viennent de l’extérieur du territoire. Nous avons donc décidé un moratoire sur les permis de construire des infrastructures touristiques afin d’optimiser l’utilisation du parc immobilier existant. Nous en retirons les fruits aujourd’hui, puisque sans construire de nouveaux lits nous obtenons de très bons résultats économiques. En revanche, nous avons engagé la construction d’une résidence pour les saisonniers aux Arcs et d’un quartier de 300 logements sur Bourg-Saint-Maurice », détaille Guillaume Desrues. Car l’enjeu ne réside pas seulement dans l’accueil et le confort des touristes, mais aussi dans la qualité de vie des habitants de la commune : « On doit pouvoir vivre et travailler en montagne », affirme Guillaume Desrues.
Il ne s’agit pas d’agir au détriment du ski en particulier et du tourisme en général qui pèse pour 80 % dans le PIB du territoire, le ski comptant pour plus des deux tiers de cet ensemble. La station des Arcs c’est 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et la vente des forfaits génère 80 millions d’euros de recettes. Aucune activité dans la vallée n’a un tel poids, une situation commune à la plupart des stations françaises. En termes d’emploi, les 250 stations réparties sur six massifs représentent 120 000 emplois directs et indirects selon Domaines skiables de France.
En revanche, on peut « desserrer » l’étau du ski – aux Arcs, 25 % des gens ne skient pas – en proposant de multiples activités : « Il nous faut parler à tout le monde. Par exemple les visites guidées pour découvrir la station sous son aspect architectural connaissance un franc succès », souligne Guillaume Desrues. Outre la diversification des activités hivernales hors ski et l’optimisation de l’occupation des lits grâce au mois de janvier et mars qui reviennent en force, l’autre piste de diversification est la saison d’été, afin de parvenir à développer ce que les professionnels appellent le tourisme quatre saisons : « Nous allons agir pour consolider notre modèle estival afin que la saison s’étale dans un premier temps du 15 juin au 15 septembre », précise Guillaume Desrues. Bourg-Saint-Maurice mise beaucoup sur le vélo, qu’il s’agisse des pistes de VTT de descente, du cyclotourisme qui bénéficie de trois cols majeurs des Alpes, ou encore de la création d’évènements. Le développement de cette activité dépasse néanmoins le cadre de la commune, puisqu’il s’agit d’un projet de territoire au niveau de la Haute Tarentaise. Le traditionnel isolement – voir les animosités – d’une vallée à une autre qui empêche parfois les coopérations inter-vallée ne peut plus avoir cours lorsque les activités n’ont de sens qu’à l’échelle d’un territoire plus vaste qu’une seule commune. Le maintien d’une agriculture, du pastoralisme est également un point essentiel.
Un refuge ouvert 10 mois de l’année pour un tourisme 4 saisons
Afin de développer un tourisme 4 saisons sur la commune du Monêtier-les-Bains tout en restant maître de son destin, son maire Jean-Marie Rey, guide de haute montagne, moniteur de ski et directeur ESF, a porté un projet de construction d’un refuge vers 2000 m (voir photo) d’altitude, une infrastructure qui n’existait pas auparavant sur le territoire. Placé à un carrefour de sentiers et destiné à accueillir les randonneurs l’été, les skieurs de randonnées et les randonnées en raquette l’hiver, le refuge d’une capacité de 30 places, qui a coûté 2 millions d’euros, fonctionne 10 mois de l’année ce qui n’est pas très courant.
Dans le cahier des charges puisqu’il s’agit d’une délégation de service public, il a été spécifié que les gardiens devaient tenir un rôle de pédagogie et d’animation ce qui n’est pas possible lorsque les refuges ont de plus grande capacité d’accueil et sont pris d’assaut l’été, ce qui est de plus en plus souvent le cas l’été, les gardiens se transformant alors en restaurateurs au détriment de la convivialité et des conseils qu’ils peuvent apporter aux randonneurs. Exit l’esprit montagne.
« Nous avons mis 5 ans à construire ce refuge et 2 ans pour mettre au point, avec d’autres acteurs tels que le Parc national des Ecrins ou encore l’ONF, le sentier pédagogique qui y conduit et est jalonné de 11 panneaux (voir photo) qui ont coûté 70 000 euros », détaille Jean-Marie Rey. La pédagogie s’avère en effet de plus indispensable en montagne car depuis la fin de l’épidémie de Covid-19 de nouveaux publics fréquentent la montagne l’été pour notamment trouver de la fraîcheur en altitude, ce qui ne va pas sans poser des problèmes de pressions sur la faune et la flore d’un milieu naturel fragile.
L’édile souligne également que des initiatives tels que le refuge, ouvert tout comme les Grands Bains de Monêtier 10 mois de l’année, ainsi qu’une communication forte sur les vacances de la Toussaint sont des moyens de pérenniser le chiffre d’affaires global du tourisme pour le territoire.
Car l’économie du Beaufort, fromage bénéficiant tout comme l’Abondance d’une AOP, représente un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros par an qu’il convient de préserver et qui fait partie des visites touristiques à développer. « Dans cette optique, notre PLU [plan local d’urbanisme] préserve au maximum les terres agricoles et nous continuons à aider les jeunes agriculteurs dans leurs démarches tout en agissant pour la diversification. C’est ainsi que nous avons initié un test pour deux ans afin de développer une activité de maraîchage sur des terrains communaux », explique Guillaume Desrues.
Reste que la terre et l’eau ne sont pas essentielles pour les seuls agriculteurs. Les stations aussi ont besoin d’eau pour la neige de culture et pour leurs clients. Or, la Tarentaise a connu une sécheresse en 2022 et 2023. « Si l’agriculture, telle que les herbes aromatiques, le maraîchage, les volailles, etc., se développait dans les Hautes-Alpes, où les précipitations sont moitié moindres qu’en Savoie, alors l’eau utilisée par les stations pourrait devenir un problème », pense Yannick, le berger.
Au sujet de l’eau, Olivier Erard estime qu’il ne faut pas se tromper de sujet. Certes la neige artificielle consomme de l’eau : « À Métabief, nous faisions fonctionner environ 150 enneigeurs qui consommaient au total 150 000 m3 d’eau, soit environ 1 000 m3/enneigeur, soit 2 000 m3 de neige, ce qui permet d’enneiger environ 3 000 m2 de piste sur la saison avec une première campagne de 40 cm et un complément à 20 cm. Il est, en outre, décevant que les stations n’appréhendent la question de l’eau que par la lorgnette de la production de neige, sans avoir une approche globale de la ressource. Lorsque j’interviens sur des projets d’aménagement, je dois faire beaucoup de pédagogie. Toutefois, la question majeure sur l’eau porte sur son utilisation par les touristes, puisque l’on sait qu’une personne hors de son domicile consomme deux fois plus d’eau que si elle était chez elle. »
Fermeture de station : l’expérience Métabief
Voilà qui nous amène au sujet de la neige artificielle, puisque le manque d’enneigement hiver après hiver fragilise toujours plus les stations de moyenne montagne. Selon une récente étude du Parc national des Écrins9, la température moyenne pour le département des Hautes-Alpes en milieu de siècle (2041-2070), selon un scénario intermédiaire, augmenterait de + 1,5 °C en hiver et de + 2 °C en été, et les vagues de chaleur passeraient à trente-trois jours, tandis qu’au niveau de la ressource en eau les perspectives tablent sur une forte augmentation du débit moyen des versants en hiver et une forte diminution en été. Côté enneigement, l’épaisseur (même période et scénario) serait divisée par deux, avec une élévation de la limite altitudinale et un accroissement de la variabilité interannuelle.
On rappelle également que l’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée et la première à passer le seuil des + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. En cause, l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère due essentiellement à la combustion de charbon, de pétrole et de gaz. Pour autant, les vacances de Noël 2024, marquées par la neige, le froid et le soleil, ont suscité des sourires et des visages radieux chez les vacanciers, conforté une sorte d’amnésie climatique et permis aux stations un très bon début de saison, à l’image de Serre Chevalier qui a enregistré une hausse de 14 % de fréquentation sur la semaine entre Noël et le jour de l’An par rapport à la même période de 2023. « De telles séquences sont favorables à court terme pour les professionnels de la montagne, mais néfastes pour de véritables prises de conscience des effets du dérèglement climatique et de la nécessité de prendre des décisions », relativise Patrick, l’accompagnateur en montagne.
Les données et analyses des scientifiques sont d’ailleurs reprises par la Cour des comptes dans son rapport précité : « Les projections climatiques des scientifiques font état d’une accentuation du phénomène à moyen terme, avec des conséquences plus marquées sur l’enneigement et sur les risques d’origine glaciaire et périglaciaire. Ce constat s’applique tant aux précipitations neigeuses qu’à la neige produite ». La neige artificielle nécessite premièrement qu’il fasse froid pour être produite, et deuxièmement que les périodes de redoux et la pluie associée ne se prolongent pas sous peine de finir par faire fondre la neige produite. Or, « la pluie au mois de janvier devient malheureusement fréquente », constate Bastien, accompagnateur en montagne dans les Hautes-Alpes. Pour les sages de la rue Cambon, il est grand temps de tirer la sonnette d’alarme : « Inégalement vulnérables en fonction de leur exposition au risque climatique, du poids de l’activité économique et de la surface financière de l’autorité organisatrice, toutes les stations seront plus ou moins touchées à horizon de 2050. Quelques stations pourraient espérer poursuivre une exploitation au-delà de cette échéance. Celles situées au sud du massif des Alpes seront en revanche plus rapidement touchées que les autres. » 10
D’ores et déjà de petites stations des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, mais aussi de Haute-Savoie ont fermé. En fait, deux mondes sont en train d’émerger : celui des stations en dessous de 1 800 mètres et celui des stations au-dessus. « Les grandes stations vont réaménager leurs infrastructures : une seule télécabine gros porteur va desservir le domaine où l’on skiera à 2 000 mètres et au-delà, y compris les débutants. C’est inévitable », assure un chef pisteur d’un grand domaine. Raison pour laquelle La Plagne, par exemple, met en avant ses 425 kilomètres de pistes, dont 70 % au-dessus 2 000 mètres, et que d’autres grandes stations en altitude s’aventurent à parler de ski jusqu’à la fin du siècle ! Pour le moment, la technologie (dameuse, drone, outils numériques, etc.) pallie le manque de neige (quelques jours de froid suffisent pour produire de la neige de culture en quantité et l’action des dameuses permet de maintenir les pistes ouvertes), mais qui, à part les grands domaines, peut se payer des dameuses entre 200 000 et 400 000 euros pièce (Serre Chevalier, par exemple, en compte 19), qui « avalent » 30 litres de gasoil à l’heure, et des canons à neige basse pression à 40 000 euros l’unité ?
C’est pour ces raisons (incertitude climatique représentant un risque trop grand pour la rentabilité d’investissements lourds sur de nouvelles remontées mécaniques) que Metabief, station de moyenne montagne du Jura, a annoncé en 2024 la fin du ski entre 2030 et 2035, et fermé 30 % de son domaine en hiver depuis septembre dernier (la station en été a développé le VTT de descente). Mais, contrairement à un alignement de chiffres trop « secs », tel que le document de la Cour des comptes, les fermetures de stations sont avant tout des drames humains qui doivent être anticipés plusieurs années auparavant pour éviter des scénarios type sidérurgie. D’ailleurs, un accompagnement psychologique des personnels a eu lieu au printemps 2024. « Trois ans au moins ont été nécessaires entre le moment où nous avons décidé de ne pas investir 15 millions d’euros dans de nouveaux équipements, mais de trouver des solutions techniques grâce à l’inventivité pour réhabiliter des vieux matériels, ce qui a coûté 2 millions d’euros, et le moment où nous avons communiqué sur cette fermeture. Nous avons plongé dans l’incertitude quant au devenir de la station, alors que la culture du ski est solidement ancrée dans le territoire et que nous n’avions pas de solution », se souvient Olivier Erard.
Trois ans mis à profit pour mettre au point une « ingénierie de la complexité », convaincre certains professionnels et des élus quant à la diversification possible des activités et montrer que la seule certitude était les compétences des personnels de la station. « On a beaucoup travaillé ce volet compétences : un mécanicien de remontées mécaniques est avant tout un mécanicien dont les compétences peuvent être valorisées dans l’industrie, et un conducteur de dameuse est avant tout un conducteur d’engins. Nous avons donc commencé à raconter d’autres histoires », explique Olivier Erard, qui admet avoir réfléchi « en silence », car, si on réunit tout le monde autour de la table tout de suite, on aboutit à des consensus a minima, voire à des blocages. Il faut aussi du courage et accepter que les rapports soient tendus. Jouant le rôle de conseil auprès des entrepreneurs et des commerçants pour élaborer des business plans, saisir des opportunités d’extension, rencontrer des interlocuteurs « hors des murs » de la station, Olivier Erard a, par exemple, permis à un commerçant de faire migrer son activité du ski vers le VTT qui représente désormais plus de la moitié de son chiffre d’affaires : il a réinvesti dans un parc de vélo, embauché deux mécaniciens, propose la location de VTT et a développé des offres en direction des entreprises comme des sorties vélos. À ces initiatives individuelles se sont greffées des actions publiques de la communauté de communes qui a reconfiguré les itinéraires VTT et restructuré l’offre autour de parcours randonnées et cross country. Les foyers de ski de fond ont également été réaménagés pour accueillir des randonnées en VTT avec des produits montés en coopération avec le Parc naturel régional du Haut-Jura. C’est tout un écosystème qui est en train de naître et, au-delà, on peut espérer une véritable mobilité à l’échelle du territoire qui doit encore être développée. « Aujourd’hui, on peut dire que 20 à 25 % des acteurs nous suivent. Certes, il en reste encore entre 75 à 80 %, mais c’est une lame de fond inarrêtable », témoigne Olivier Erard. « Le facteur temps est essentiel lorsque l’on s’engage dans de tels chemins et il ne sert à rien de faire des annonces brutales de fermeture car notre cerveau est conçu pour économiser de l’énergie. Toute transformation va lui demander de mobiliser un surplus d’énergie, alors une telle rupture vous imaginez ! D’un point de vue de la gouvernance, le contrôle et la planification sont plutôt à proscrire. Mieux vaut favoriser l’émergence. On peut s’autoriser à simplifier la complexité, pour peu que les experts se mettent d’accord. Il est par ailleurs vital de ne pas être dupe des jeux d’acteurs, et de savoir à qui l’on s’adresse et à quel moment. Enfin il faut expérimenter des actions en dehors des règles qui viennent ankyloser le système », détaille Olivier Erard, qui dispense désormais ses conseils et fait profiter des fruits de cette méthode d’autres stations.
Pour Olivier Bessy, sociologue du sport et du tourisme, professeur émérite, et chercheur à l’université de Pau et des Pays de l’Adour – pour qui les Jeux olympiques sont une absurdité économique (ne valait-il pas mieux, par exemple, créer un fonds de solidarité pour aider les petites stations à engager leur transition plutôt que d’organiser les JO ?) et environnementale qui ne va bénéficier qu’aux grandes stations –, est l’auteur en 2023 d’un article intitulé « Vers la fin des stations de ski » 11 : « L’enjeu au final est de mieux éclairer les prises de décision, de faire les bons choix et de réorienter les investissements afin d’inventer un nouveau modèle de développement territorial. Entendre et accompagner ceux et celles qui sont sur le point de tout perdre aujourd’hui n’a jamais signifié qu’il faille verser dans la démagogie du court-termisme. Mais, au contraire, nous oblige tous à retrousser les manches, car l’inaction est le meilleur moyen de dépeupler encore plus les territoires de montagne. Ce sont les choix d’aujourd’hui qui conditionnent les réussites de demain. »
Les recommandations de la Cour des comptes
Le rapport de la Cour des comptes, Les stations de montagne face au changement climatique (6 févr. 2024), dresse le constat d’un déclin du modèle économique du ski français et souligne également que les politiques publiques d’adaptation ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il livre six recommandations qui permettraient de trouver des voies pertinentes de diversification.
- Mettre en place un observatoire national regroupant toutes les données de vulnérabilité en montagne accessibles à tous les acteurs locaux (ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires).
- Faire évoluer le cadre normatif afin que les autorisations de prélèvements d’eau destinés à la production de neige tiennent compte des prospectives climatiques (ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires).
- Formaliser des plans d’adaptation au changement climatique, déclinant les plans de massifs prévus par la loi Climat et résilience (autorités organisatrices, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires).
- Conditionner tout soutien public à l’investissement dans les stations au contenu des plans d’adaptation au changement climatique (ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, régions, départements).
- Mettre en place une gouvernance des stations de montagne ne relevant plus du seul échelon communal (ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, collectivités territoriales).
- Mettre en place un fonds d’adaptation au changement climatique destiné à financer les actions de diversification et de déconstruction des installations obsolètes, alimenté par le produit de la taxe sur les remontées mécaniques (ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ministère de l’Économie et des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique).
- Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique, « La montagne, en première ligne face au réchauffement climatique », 12 janv. 2024.
- C’est le constat du rapport de la Cour des comptes, Les stations de montagne face au changement climatique, 6 févr. 2024.
- Arendt H., Condition de l’homme moderne, nouv. éd. 2018, Calmann-Léy, préface Paul Ricœur.
- Les prénoms dans l’article ont été changés.
- Gavoille Y., « Briançon – Serre Chevalier : c’est quoi le projet “Loop 2030” ? », ledauphine.com 18 janv. 2025.
- C. comptes, Les stations de montagne face au changement climatique, préc.
- Hoibian S., « Moins d’un Français sur dix part aux vacances d’hiver », Sourcing Crédoc févr. 2024, no Sou2024-4917.
- Peugny C., « Plus jeunes donc plus verts ? Des effets de l’âge sur le degré de préoccupation environnemental », Revue française de science politique 2024, p. 41-62.
- Diagnostic de vulnérabilité du tourisme au changement climatique dans les Écrins, 2023, ADEME.
- C. comptes, Les stations de montagne face au changement climatique, préc., p. 8.
- Bessy O., « Vers la fin des stations de ski », aoc.media 20 févr. 2023.