Les entreprises publiques locales, novatrices par essence

Le 4 novembre 2022

« Transitions »… Le terme, au pluriel, est étiré comme du chewing-gum conceptuel. Les entreprises publiques locales (EPL), par l’agilité de leur statut, se considèrent comme les mieux à même de marier urgence et efficacité du service public là où le réchauffement climatique, ou la guerre en Ukraine, nécessitent une adaptation plus rapide que prévu. La Fédération des élus des entreprises publiques locales (FedEPL) organisait du 4 au 6 octobre 2022 son congrès à Tours. L’occasion justement de démontrer que les EPL ont déjà un coup d’avance sur la crise.

La philosophe Gabrielle Halpern, invitée à l’une des plénières du congrès tourangeau, a trouvé dans les EPL un nouveau socle solide pour étalonner son concept de l’hybridation : « Je définis l’hybridation comme l’idée de faire un mariage improbable, c’est-à-dire comme le fait de créer des ponts entre des choses, des métiers, des générations, des compétences, des droits, des matériaux, des activités, des secteurs, qui a priori n’ont pas grand-chose à voir ensemble, voire qui pourraient sembler contradictoires, mais qui, réunis, vont donner lieu à quelque chose de nouveau : un tiers-lieu, un tiers-secteur, une tierce-économie, un tiers-modèle, un tiers-matériau, etc. », assure-t-elle. Sans le savoir, les EPL sont des vectrices d’hybridation. Le congrès de Tours, qui a réuni plus de 1 200 personnes, a été l’occasion de rappeler que les EPL sont déjà en avance sur la transition. Les derniers chiffres de l’EPLscope montrent que ce mouvement se porte à merveille : on dénombre désormais 1 376 sociétés d’économie mixte (SEM), sociétés d’économie mixte à opération unique (SEMOP) et sociétés publiques locales (SPL), présentes dans toute la métropole et l’Outre-mer. Le nombre d’EPL a bondi en un an de 57 créations nouvelles, contre 42 dans les douze mois précédents.

Sécuriser encore plus la place des élus

Pour Patrick Jarry, président de la FedEpl et maire de Nanterre, « cette croissance des EPL est liée à la diversification des domaines dans lesquels elles interviennent, notamment via le déploiement de filiales. Les EPL se créent dans les secteurs jugés prioritaires par les collectivités territoriales : l’énergie bien entendu, tant au niveau des énergies renouvelables qu’à l’échelle de la rénovation thermique. Le tourisme, les loisirs et la culture sont aussi des secteurs où les EPL se déploient : on en compte désormais 357, presque autant que les 380 EPL d’aménagement et d’immobilier, assure-t-il. Les EPL sont à la fin d’un cycle ouvert par le livre blanc1 et clos par la loi 3DS2. Cette loi a permis de rendre la gestion des EPL plus transparente. Mais nous devons aller plus loin encore, pour sécuriser encore plus les élus sur lesquels plane une épée de Damoclès. C’est pour cette raison que nous participons actuellement à la rédaction du décret sur le rapport annuel des représentants des collectivités locales siégeant dans les EPL. En effet, pour l’heure, le cadre de la loi 3DS reste imparfait concernant la gouvernance des EPL. Ce sont les élus qui décident, ils doivent donc présider, notamment les filiales… »

Sans le savoir, les EPL sont des vectrices d’hybridation. Le congrès de Tours a été l’occasion de rappeler que les EPL sont déjà en avance sur la transition.

Un « contrat de confiance » avec l’État ?

Ministre déléguée aux Collectivités territoriales, Caroline Cayeux, dans un message vidéo pré-enregistré, a assuré qu’elle s’engageait « à simplifier » l’action des EPL, volonté ministérielle régulièrement martelée depuis des années, mais rarement traduite dans les faits, « face au mur de Bercy », pour reprendre l’expression du sénateur Hervé Marseille, par ailleurs vice-président de la FedEpl, considérant que le ministère des Finances reste à quai depuis des années sur l’hybridation public-privé portée, dans le sens de l’intérêt général, par les EPL. « Nous devons établir une relation de confiance avec le gouvernement », espère Patrick Jarry, qui a profité du contexte pour reformuler une demande concernant les SPL culturelles et l’interdiction qui leur est faite de recourir au mécénat : « Une discrimination incompréhensible que nous allons essayer de lever », affirme le président. Par ailleurs, la fédération souhaite dupliquer le modèle récent de la société publique locale universitaire (SPLU) pour les hôpitaux. La création du statut de la société publique locale hospitalière (SPLH) est ardemment espérée par la FedEpl. Pour Patrick Jarry, l’époque est favorable à l’accroissement toujours plus grand des EPL : « Prenons la rénovation des bâtiments publics, qui nécessitera la création d’outils ad hoc, ou encore la production d’énergies renouvelables. Le dynamisme et la créativité des territoires apportent sur un plateau des solutions : du photovoltaïque sur les toits des bâtiments publics, à la récupération de chaleur dans les égouts ou encore la méthanisation, chaque territoire a sa solution. La population souhaite à la fois l’efficacité du privé et la sauvegarde de l’intérêt général. Avec les EPL, nous y sommes », conclut-il.

  1. Livre blanc sur l’économie mixte locale. Agilité et transparence, oct. 2019, Fédération des EPL, Études et perspectives.
  2. L. n2022-217, 21 févr. 2022, relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS ».
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