Les territoires métropolitains au centre des débats

conférence métropoles
Le 6 septembre 2018

Quels types de liens et d’interactions existent (ou devraient exister) entre les métropoles et leurs environnements territoriaux ? Ces questions, entre autres, ont réuni à Paris les auteurs de deux publications récentes consacrées à ces thématiques lors d’une table-ronde organisée par l'Association des Directeurs Généraux des Communautés de France (ADGCF) et ses partenaires sur « les dynamiques métropolitaines contemporaines au prisme de la recherche-action »1.

Ne pas se fier aux impressions ! Si l’imagerie populaire tend à faire de la « métropole » une ville importante aux espaces naturels contraints, la réalité sur le terrain - dans le cadre de la loi MAPTAM (2) du 27 janvier 2014 - est quelque peu différente, comme ont pu en débattre les intervenants à la conférence intitulée « Les dynamiques métropolitaines contemporaines au prisme de la recherche-action ». Une manifestation organisée1 à l’occasion de la sortie de deux ouvrages (voir encadré ci-dessous) consacrés notamment aux environnements territoriaux de ces métropoles, aux dynamiques existantes ou à créer entre les grandes agglomérations et les territoires périurbains / ruraux qui composent ces EPCI, mais aussi aux relations qu’elles peuvent entretenir entre elles, avec les États et les organismes supranationaux.

Des enjeux nouveaux

Bruno Cassette

Chacun en convient, la métropole ne se réduit pas une ville. Bruno Cassette, directeur général des services de la MEL (Métropole européenne de Lille), le montre bien en rappelant que la métropole lilloise se compose de 90 communes dont 60 % de moins de 5 000 habitants, le tout sur un territoire dont la moitié n’est pas « artificialisé ». Quant au rôle à jouer, selon lui, les métropoles doivent aller bien au delà de la délivrance des services et, grâce aux moyens dont elles disposent, devenir des « manageuses de leur territoire » dans un contexte d’alliances de ces territoires en interne, bien sûr, mais aussi vis à vis de l’État et de l’Europe. Aujourd’hui, un « outil » existe (ce statut), conclut-il, qui doit permettre « la construction d’une chaîne de valeur ».

Les métropoles doivent aller bien au delà de la délivrance des services et, grâce aux moyens dont elles disposent, devenir des « manageuses de leur territoire » dans un contexte d’alliances de ces territoires en interne, bien sûr, mais aussi vis à vis de l’État et de l’Europe, selon Bruno Cassette, directeur général des services de la Métropole européenne de Lille.

Pour leur part, aux termes d’une analyse comparée des systèmes de Lille, Nantes et Toulouse, quatre étudiants de l’École urbaine de Sciences Po Paris ont montré que le contexte historique local (géographie, industries, déplacements pendulaires…) joue un rôle très important dans la manière dont les acteurs s’approprient des « outils » tels que  les SCOT, les agences d’urbanisme, les nouveaux contrats de réciprocité, les associations de dialogue, les syndicats mixtes…  Mais il ressort également de cette étude que les acteurs locaux attendent des politiques publiques qu’elles intègrent davantage les enjeux de la « société mobile » d’aujourd’hui où les citoyens vivent en « multi-appartenance » au regard des territoires. Autres demandes émanant des territoires, l’extension des capacités d’ingénierie et le renforcement des instances de dialogue métropolitaines…

Des risques à prévenir

Giuseppe Bettoni

Dans ces conditions, quels éventuels enseignements, tirer des exemples étrangers ? Guiseppe Bettoni, professeur de géopolitique à l’université de Rome Tor Vergata, est clair : il estime que la « superposition » d’un outil administratif et organisationnel sur un existant réel et « vivant » doit se faire avec beaucoup de précaution car un phénomène « d’absorption » de la périphérie par le centre peut très vite se produire. En Italie, explique-t-il, faute de décisions adaptées, beaucoup de situations sont devenues insolubles (excepté Bologne qui a réussi son projet) : Rome est ainsi pour lui « un exemple de non aménagement ». À Montréal, commente un autre intervenant, le centre et la périphérie ne coopèrent pas (peur de ce phénomène d’absorption ) et c’est le gouvernement du Québec qui joue le rôle de médiateur entre eux.

La « superposition » d’un outil administratif et organisationnel sur un existant réel et « vivant » doit se faire avec beaucoup de précaution car un phénomène « d’absorption » de la périphérie par le centre peut très vite se produire, selon Guiseppe Bettoni, professeur de géopolitique à l’université de Rome Tor Vergata.

Assez pessimiste au regard de la situation française actuelle, Jean-Marc Offner, président de l’École urbaine de Science Po (auteur de la postface du second ouvrage) se demande, lui, si les pouvoirs publics ne passent pas à côté de l’enjeu, autrement dit à côté de la « vraie rupture » que pourrait constituer la métropole ; ils ne semblent en effet ne l’envisager que comme « une grande ville en plus grand », plutôt tournée vers « l’introversion ». Or, pour Jean-Marc Offner, si une métropole est « un peu » riche de ses ressources propres, elle l’est « surtout de ses capacités relationnelles et de ses interdépendances » ; ce qui compte, c’est qu’elle se dise : « il est plus important de passer plus de temps avec mes voisins qu’à régler mes problèmes intra communaux ». Pour cela, les pouvoirs publics doivent organiser, réguler, les processus de métropolisation au bénéfice des territoires. Et dans ce domaine les pistes de réflexion ne manquent pas.

(1) Manifestation organisée par l’Association des directeurs généraux de France, l’Assemblée des communautés de France, l’Association des petites villes de France, la Fédération nationale des agences d'urbanisme, Berger-Levrault, la Caisse des dépôts.

(2) Loi de Modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles

Programme : https://lnkd.in/guGMAYa

Les deux publications

  • Métropoles en chantiers n° 2, Ambitions métropolitaines, réalités territoriales, sept. 2018, Berger-Levrault, coll. « Au fil du débat ».
     
  • Les environnements territoriaux des métropoles : quelles stratégies de coopération au service du développement local ? Analyse comparée des systèmes de Lille, Nantes et Toulouse. Projet collectif, École urbaine de Sciences Po Paris.

 

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