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Quand la Carsat Rhône-Alpes fait de la symétrie des attentions le moteur de sa transformation

Le 8 octobre 2022

Directeur général de la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat) Rhône-Alpes (1 800 collaborateurs), Yves Corvaisier revient pour Horizons publics sur la démarche de transformation engagée par son organisme depuis 2015.

Résumé

La Carsat Rhône-Alpes est un acteur réfèrent au sein du réseau des organismes de la sécurité sociale de la région. Elle exerce sa mission auprès des retraités, des salariés et des entreprises. Les 1 800 collaborateurs qui la composent ancrent pleinement leur engagement dans les valeurs fondatrices de cette institution : solidarité, égalité, continuité et adaptabilité. Quatre missions principales lui sont confiées par le législateur : préparer et payer la retraite par répartition ; promouvoir la prévention pour bien vieillir auprès des retraités ; accompagner les assurés fragilisés par un problème de santé ; prévenir les risques professionnels et assurer la santé et la sécurité au travail.

La Carsat Rhône-Alpes est engagée dans une démarche de transformation profonde, placée sous le signe de la symétrie des attentions, qui pose comme principe fondamental que la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est symétrique de la qualité de relation de cette entreprise avec l’ensemble de ses collaborateurs.

Trois grandes actions sont lancées fin 2019 pour accélérer cette transformation : la réalisation d’un baromètre Transfo pour écouter les collaborateurs ; la mise en place d’une dynamique d’amélioration continue pour travailler sur la remontée et la résolution des irritants, mais avec des modalités différenciées selon les directions et leur culture propre et enfin, le lancement d’espaces de discussion dans les collectifs de travail sur des thématiques choisies pour faire s’exprimer les collaborateurs sur ces dernières et leur permettre de décider de telle ou telle modalité de régulation de leur collectif de travail.

Selon Yves Corvaisier, la crise sanitaire a accéléré la démarche de transformation et l’a clairement légitimée via la mise en œuvre du travail hybride qui transforme le regard sur le travail et améliore les conditions de travail de nos salariés.

Aujourd’hui, grâce à cette approche, des avancées réelles sont constatées, notamment le taux de satisfaction des « clients » qui s’est considérablement amélioré en même temps que celui des collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise, même si rien n’est acquis.

La Caisse d’assurance retraite et de santé au travail Rhône-Alpes (Carsat) est un organisme de protection sociale qui assure des missions de service public variées telles que l’instruction des droits à la retraite des salariés du régime général de la sécurité sociale, une action sociale au profit des personnes âgées, un accompagnement social pour la prévention de la désinsertion professionnelle ou encore la prévention des risques professionnels auprès des entreprises. Une telle variété des missions assure une grande richesse dans les métiers exercés et la possibilité d’y vivre des expériences professionnelles diversifiées. Organisme de 1 800 collaborateurs répartis entre des gros sites lyonnais et plusieurs sites dans les huit départements de la région Rhône-Alpes, il est confronté à de nombreux enjeux de gestion : mise en cohérence des missions entre elles pour en donner le sens, fluidité de la gestion entre plusieurs sites, allègement des processus de décision dans une organisation naturellement lourde du fait de sa taille, capacité d’adaptation aux multiples évolutions réglementaires, enjeux RH d’attractivité et de recrutement, de développement des compétences et de promotion de la mobilité professionnelle.

La symétrie des attentions : un collaborateur acteur et citoyen

La démarche de transformation de l’organisme est partie d’une réflexion sur tous ces enjeux et sur le constat d’une satisfaction perfectible tant de la part de nos publics que de celle des collaborateurs en 2019. La concomitance de ces deux constats a fait apparaître l’importance du lien entre la satisfaction des « clients » et celle des collaborateurs. La symétrie des attentions est apparue évidente à l’équipe de direction et à la communauté managériale lorsque nous avons réfléchi collectivement aux évolutions nécessaires, à telle enseigne que la devise de notre projet de transformation en a été déduite naturellement : « Des collaborateurs épanouis pour des publics satisfaits. »

Car il est difficile de demander aux collaborateurs de se dévouer à leurs publics si eux-mêmes ne se sentent pas écoutés. Or, sans attention ni écoute de la part de la ligne managériale mais aussi de la fonction RH, il ne peut y avoir de motivation et d’engagement auprès des publics. C’est pourquoi une expérience collaborateur ne peut être réussie que s’il y a de l’écoute, de l’attention mais aussi la possibilité de contribuer à la vie du service et de l’entreprise. C’est le collaborateur acteur et citoyen de son entreprise.

Une telle évolution est le fruit d’un long processus qui a démarré au sein de la Carsat dès 2015, année au cours de laquelle a été créée la communauté des managers. Le premier livrable de celle-ci a été la rédaction d’une charte managériale coconstruite autour de quatre valeurs cardinales (le respect, l’écoute, l’esprit d’équipe et la volonté d’entreprendre). Des temps de regroupement des managers ont été périodiquement organisés sur des thèmes managériaux et des ateliers du management ont été mis en place ainsi que des « cafés managers » avec la direction. Parallèlement, la fonction RH se transformait et passait d’une administration du personnel au développement des ressources humaines avec la mise en place d’un processus de recrutement et de mobilité exigeant et innovant, ainsi que d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) performante.

La Carsat Rhône-Alpes est engagée dans une démarche de transformation profonde, placée sous le signe de la symétrie des attentions, qui pose comme principe fondamental que la qualité de la relation entre une entreprise et ses clients est symétrique de la qualité de relation de cette entreprise avec l’ensemble de ses collaborateurs.

Trois grandes actions lancées fin 2019

Ces années de travail avec le management et la fonction RH ont été le creuset de la réflexion qui a débouché en 2019 sur la démarche de transformation de l’organisme. Démarche de transformation dont la finalité est d’évoluer vers une performance globale qui soit à la fois métier, sociale et environnementale. La crise sanitaire a évidemment changé la donne mais trois grandes actions ont été lancées fin 2019 :

  • la réalisation d’un baromètre Transfo pour écouter les collaborateurs ;
  • la mise en place d’une dynamique d’amélioration continue pour travailler sur la remontée et la résolution des irritants, mais avec des modalités différenciées selon les directions et leur culture propre. La direction des retraites a notamment mis en place une démarche participative qui associe dans des réunions régulières deux membres de l’équipe de direction retraite et un certain nombre de collaborateurs et managers représentatifs des différents secteurs et niveaux hiérarchiques pour débattre des irritants constatés sur le terrain et proposer les évolutions nécessaires. C’est une démarche appréciée des acteurs concernés et qui s’inscrit désormais dans la durée ;
  • enfin, le lancement d’espaces de discussion dans les collectifs de travail sur des thématiques choisies pour faire s’exprimer les collaborateurs sur ces dernières et leur permettre de décider de telle ou telle modalité de régulation de leur collectif de travail. Ainsi, un protocole de télétravail a été négocié dans le cadre du dialogue social, mais un certain nombre de ses modalités de mise en œuvre ont été décidées par les collectifs de travail au cours des espaces de discussion organisés au cours de l’automne 2021 : modalités de communication dans l’équipe, définition de nouveaux rituels à distance et en présentiel et de jours en commun sur site ; définition de ce qui se fait sur site en collectif et de ce qui doit être fait à distance. Le protocole de télétravail a pu être mis en œuvre finement en partant du travail réel dans chaque collectif de travail. Ces espaces de discussion qui sont désormais utilisés sur divers sujets permettent aux collaborateurs d’être acteurs de leur quotidien de travail et de donner du sens à leurs missions. Les collectifs de travail disposent ainsi d’un périmètre de responsabilité et de décision qui leur est propre mais variable selon les thématiques.

La crise sanitaire a accéléré notre démarche de transformation et l’a clairement légitimée via la mise en oeuvre du travail hybride qui transforme le regard sur le travail et améliore les conditions de travail de nos salaries.

L’impact de la crise du covid-19 sur la démarche de transformation

La crise sanitaire a accéléré notre démarche de transformation et l’a clairement légitimée via la mise en œuvre du travail hybride qui transforme le regard sur le travail et améliore les conditions de travail de nos salariés. Car la démarche de transformation vise à promouvoir la subsidiarité et l’intelligence collective grâce à la mise en œuvre des espaces de discussion, de baromètres internes, d’accompagnement de l’évolution de la posture managériale, en poussant le développement de l’autonomie et de la responsabilisation de chacun dans un cadre clair et défini.

La responsabilisation des managers et des collaborateurs a été facilitée par la réduction de la ligne hiérarchique qui a été entreprise il y a plusieurs années et semble avoir atteint son optimum. Par conséquent, un certain nombre de décisions ne nécessitant pas une supervision de la direction ont été décentralisées : recrutements par les N+1 des collaborateurs et des managers de proximité, contribution aux recrutements de l’équipe de direction par des jurys de N-1, valorisation financière des compétences autres que les promotions professionnelles par les N+1, etc. L’idée est de faire prendre chaque décision par le niveau hiérarchique le plus approprié, sans passer par un processus de délégation formalisé.

L’écoute des collaborateurs se poursuit de différentes manières : développement de « cafés sans filtre » associant régulièrement quelques collaborateurs sur la base du volontariat et un membre de l’équipe de direction, sans ordre du jour précis, dans le seul but de favoriser l’expression des salariés ; reprise des « cafés managers » dans le même esprit, associant quelques managers et le directeur ; recueil de témoignages de collaborateurs sous forme de vidéos pour valoriser les actions innovantes mises en place ; célébration des réussites via notamment une assemblée générale du personnel.

La demarche de transformation doit s’inscrire dans le temps et ne peut en aucun cas être une opération de communication.

L’association des collaborateurs au processus de décision prend une nouvelle forme en amont des consultations du CSE sur les projets de réorganisation. Des groupes de travail sont en effet constitués en phase « pré-projet » pour faire réagir les collaborateurs et amender ces projets le cas échéant. La méthode a été expérimentée avec succès sur un projet important et sensible d’évolution de la politique des rendez-vous au profit des assurés : nous en attendons une amélioration de la relation de service avec les usagers et une meilleure satisfaction de ces derniers. Cette démarche devrait pouvoir être déployée sur tous les projets s’y prêtant, notamment ceux qui visent à améliorer la satisfaction client en associant les acteurs de terrain qui sont au croisement de la relation de service et des contraintes de gestion.

Une démarche qui doit s’inscrire dans le temps

La démarche de transformation doit s’inscrire dans le temps et ne peut en aucun cas être une opération de communication. Elle suppose l’évaluation régulière des actions entreprises via des écoutes clients internes. Incontestablement, les indicateurs de satisfaction se sont améliorés, notamment quant à la confiance accordée à l’équipe de direction, mais celle-ci se doit d’être exemplaire. Elle doit d’abord être le premier ambassadeur de la démarche de transformation au sein des services, en étant beaucoup plus présente sur le terrain pour faire de la pédagogie et écouter les préconisations émanant des collaborateurs. Elle développe des partenariats avec d’autres organismes de sécurité sociale de la région pour favoriser les échanges de pratiques, voire la mobilité inter-organismes. Enfin, elle a fait évoluer sa gouvernance interne : dans une équipe constituée d’une vingtaine de personnes, des binômes de directeurs prennent en charge l’organisation de comités de direction sur des thèmes qu’ils choisissent librement, un comité d’orientation s’est créé au sein de l’équipe pour porter un certain nombre d’évolutions auprès de la direction et approfondir des thèmes que celle-ci lui confie. Le principe est là encore de développer la responsabilité de chaque directeur et de de lui confier la mission de porter la démarche de transformation auprès de l’ensemble des collaborateurs.

La permanence de la démarche nécessite la mise en place d’une comitologie adaptée : c’est ainsi qu’un comité miroir « Transformation » a été créé. Sous la responsabilité de la sous-directrice en charge du développement des ressources humaines et de la transformation, il intègre des collaborateurs issus des différentes directions indépendamment du statut hiérarchique et a pour rôle de réfléchir aux évolutions de la démarche et à sa promotion au sein de l’organisme. Il se réunit tous les deux mois environ pour définir un cadre de confiance et de coopération entre tous les acteurs de la caisse. Son rôle est majeur car il répond aux sollicitations du comité de direction et se fait l’écho des distorsions ressenties entre le travail réel et les ambitions affichées.

Enfin, la réussite à long terme d’une telle démarche passe également par une promesse employeur qui facilite la mobilité professionnelle et des carrières diversifiées au sein d’un organisme qui propose de nombreux métiers : ainsi, une passerelle managériale a été créée pour permettre à des collaborateurs motivés de rentrer dans un vivier de futurs managers via des tests d’aptitude et des mises en situation. Ils suivent ensuite des formations qui les préparent à leurs futures fonctions avant de prendre des postes dans des conditions largement facilitées par leur état de préparation. Fort de la réussite de cette réalisation, une réflexion est en cours pour mettre en place des viviers similaires sur d’autres fonctions.

Des avancées réelles aujourd’hui

Aujourd’hui, les avancées sont réelles : la mise en œuvre du travail hybride est une réussite, la transformation managériale est engagée, le taux de participation aux projets et initiatives portés par la Carsat est en progrès, l’image de marque de l’organisme est meilleure, ce qui lui donne une plus forte attractivité dans un marché de l’emploi plus tendu. Surtout, le taux de satisfaction des « clients » s’est amélioré en même temps que celui des collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise. La progression est lente mais régulière, ce qui traduit la dimension fortement culturelle de la démarche.

Aujourd’hui, grâce à cette approche, des avancées réelles sont constatées, notamment le taux de satisfaction des « clients » qui s’est considérablement amélioré en même temps que celui des collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise, même si rien n’est acquis.

Cela étant, rien n’est acquis : la démarche de transformation doit vraiment s’incarner sur le terrain pour réduire les écarts entre les ambitions stratégiques et les retours des services, et ainsi embarquer les collaborateurs encore éloignés. C’est sans doute la phase la plus délicate, la plus longue à mettre en œuvre et la plus difficile à évaluer. Cette transformation de proximité doit s’accompagner du développement d’une culture de l’innovation, métier, sociale et organisationnelle qui respecte le droit à l’erreur et crée des espaces de respiration pour les collaborateurs confrontés à de multiples évolutions réglementaires, informatiques et organisationnelles.

Enfin, la Carsat a la chance de remplir une mission de service public qui donne du sens au travail de tous les collègues, mais il ne faut pas que ce sens se perde sous le poids des contraintes qui sont les nôtres. D’où la pertinence et le sens profond de notre démarche de transformation.

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