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Quand la digitocratie remplacera la technocratie

Le 29 janvier 2019

Le défi de la productivité est au cœur du programme « Action Publique 2022 ». Il implique la recherche de nouveaux modèles de production et de nouvelles chaînes de valeur. Rendre l’État pionnier de la révolution des intelligences, penser les plateformes digitales en partant des usages et définir un new deal managérial sont les trois convictions de l’équipe citizen services de Capgemini Invent, le cabinet leader du marché du conseil au secteur public.

Résumé

La stratégie économique du gouvernement promet une baisse de 3,5 points du poids des dépenses publiques dans le PIB « sans mettre à mal le service public ». Pour y parvenir, cette stratégie a une clé de voûte trop rarement commentée : elle implique d’atteindre, dans les services publics, des gains de productivité nettement supérieurs à 1 %, c’est-à-dire nettement supérieurs à ceux enregistrés dans les services privés. Le défi de la productivité est donc au centre de toute réforme des administrations.

Pour Capgemini Invent, le gain de productivité peut être relevé à condition de changer d’approche en faisant du digital le moteur de la transformation (digitocratie). Il le sera à la convergence de deux défis : rendre l’État pionnier de la révolution des intelligences et repenser le portefeuille des services numériques en partant des usages.

Pour maîtriser les technologies d’avenir, l’État doit faire peu de choix, mais faire les bons choix. Capgemini Invent considère que l’État doit se concentrer sur trois ruptures technologiques : les Intelligences artificielles (IA), l’automatisation (robotic processing automation) et le cloud. L’objectif de « 100 % de procédures dématérialisées en 2022 » peut manquer une partie sa cible s’il ne s’accompagne pas d’une révolution des usages.

Pour accompagner l’État dans sa transformation publique, les cabinets de conseil sont des partenaires d’accélération. La vitesse est leur raison d’être, avec les trois règles d’or définies par Capgemini Invent. La première règle d’or est de ne plus envisager le digital comme un facteur de transformation parmi d’autres, mais bien comme le point de départ de toute transformation. La deuxième règle d’or est de considérer que l’engagement managérial sera la mère de toutes les réformes. La troisième règle d’or est de se souvenir que le chemin compte autant que la cible. Nous devons contribuer à rendre les administrations apprenantes.

Dans ce contexte nouveau, la digitocratie serait-elle l’avenir de la technocratie ? En effet, l’impératif de productivité impose une « technocratie » renouvelée, un mot à envisager au sens premier du terme : une vraie capacité retrouvée à gouverner les technologies digitales, c’est-à-dire à identifier les potentiels technologiques et à les rendre payants. Une digitocratie est une technocratie qui cesse de considérer la société comme une belle endormie et capitalise sur ces projets. Plutôt que de rechercher des potions à administrer, elle tire profit de son énergie.

« Il faut imaginer Sisyphe heureux. » La belle phrase d’Albert Camus pourrait être l’un des mots d’ordre d’Action Publique 2022. Toujours recommencée, mais toujours payante, la transformation de l’action publique prend aujourd’hui un tour inédit.

Le programme Action Publique 2022, lancé par le Premier ministre le 13 octobre 2017, affirme trois objectifs : améliorer la qualité des services publics, offrir un environnement de travail modernisé aux fonctionnaires et maîtriser les dépenses publiques en optimisant les moyens.

L’approche pragmatique des transformations à engager a fait émerger un premier portefeuille de projets, d’ores et déjà ambitieux, tels que la numérisation de l’intégralité des procédures civiles et pénales d’ici 2022, la possibilité d’assurer en ligne les renouvellements de documents officiels, la reconnaissance d’un droit à l’erreur concernant les procédures déclaratives, etc.

Au-delà de ces projets, la colonne vertébrale d’Action Publique 2022 se dessine autour d’un impératif de résultats tangibles pour les citoyens, conçu à partir de l’expérience vécue des utilisateurs et d’engagements de qualité de service transparents et opposables.

Le défi de la productivité

Il y a une chose néanmoins que cette stratégie n’a pas explicitée, c’est la trajectoire de productivité qu’elle veut servir. La stratégie économique du gouvernement promet une baisse de 3,5 points du poids des dépenses publiques dans le PIB « sans mettre à mal le service public ». Pour y parvenir, cette stratégie a une clé de voûte trop rarement commentée : elle implique d’atteindre dans les services publics des gains de productivité nettement supérieurs à 1 %, c’est-à-dire nettement supérieurs ceux enregistrés dans les services privés. Jusqu’à présent les services publics réalisaient leurs gains de productivité par mimétisme ou par rattrapage avec d’autres acteurs de l’économie, ils vont devoir demain monter au front de la frontière technologique.

Le défi ainsi posé est considérable, particulièrement parce qu’il intervient dans un contexte de ralentissement structurel de la productivité dans l’économie, particulièrement dans le secteur des services. Une façon de résumer ce défi est la suivante : il revient à créer les conditions d’un renversement des courbes respectives de la productivité du secteur public et du secteur privé. Cette performance n’a jamais été atteinte depuis 1950 comme l’illustre le graphique ci-dessous :

Depuis 1950, la croissance de la productivité apparente du travail dans la branche des administrations publiques (qui regroupe les services d’administration, d’enseignement, de santé et de protection sociale) a été de 2 points inférieurs en moyenne à la tendance de l’ensemble de l’économie (1,3 pt contre 3,3 pts).

Ce défi n’est pas pour autant hors de portée, mais il nécessite un changement d’approche. Jusqu’à présent, les services publics réalisaient leurs gains de productivité par mimétisme ou par rattrapage d’autres acteurs de l’économie, particulièrement les acteurs industriels. Ils doivent aujourd’hui changer de posture pour :

  1. identifier des gisements de productivité qui sont propres aux activités de service et concernent particulièrement les activités automatisables ;
  2. devenir des acteurs à part entière la frontière technologique et assumer d’y créer de la valeur, y compris en empruntant ses modèles d’affaire.

Le digital sera la clé de ce changement d’approche. Il ne doit plus être envisagé comme un facteur de transformation parmi d’autres, mais comme le moteur de toute transformation. Il le sera à la convergence de deux défis.

Un premier défi est de rendre l’État pionnier de la révolution des intelligences

La croissance exponentielle des investissements dans les Intelligences artificielles (IA) depuis 3 ans s’appuie sur des rationnels de création de valeur qui, presque toujours concernent la collectivité publique, soit parce que les IA promettent une valeur sociale importante (dans l’éducation ou la santé, par exemple), soit parce qu’elles favoriseront une automatisation des tâches reproductibles, qui concernent aussi bien les services publics que privés.

Nous avons ainsi la conviction que les ministères, et leurs opérateurs, doivent aujourd’hui privilégier un petit nombre d’initiatives dans ces domaines à gains rapides, à forte envergure et à très large déploiement.

Des IA appliquées sont en développement dans les services financiers, la gestion des back office, les métiers du droit, la comptabilité, la fiscalité, l’audit, l’architecture, le conseil, le service à la clientèle et le transport, autant d’activité qui concernent le secteur public comme le secteur privé.

Le marché mondial des solutions d’IA pourrait stimuler la productivité jusqu’à 30 % dans certaines industries et générer des économies allant jusqu’à 25 % des coûts d’un processus donné (chiffres de la récente Halle-Pesenti review). La particularité des IA est que ces gains ne sont ni linéaires ni reproductibles. Ils dépendent d’une analyse précise des processus augmentés par l’IA.

Les IA se déclinent au pluriel. Elles impliquent une nouvelle interdisciplinarité, qui mobilise l’informatique, les sciences cognitives, la psychologie, la philosophie, la neurologie, et d’autres ; ces projets posent la question de nouvelles combinaisons entre 3 intelligences :

  • intelligences personnelles ;
  • intelligences collectives ;
  • intelligences artificielles.

Pour maîtriser les technologies d’avenir, l’État doit faire peu de choix, mais faire les bons choix. C’est ce qui nous conduit aujourd’hui à concentrer notre compétence sur trois ruptures technologiques : les intelligences artificielles, l’automatisation (robotic processing automation) et le cloud. L’État doit privilégier aujourd’hui les cas d’usage à portée de main. Des exemples d’IA sont d’ores et déjà arrivés à maturité qui inclut : la communication avec des ordinateurs en langage naturel ; La reconnaissance d’images ; la capacité à stratifier de larges bases de données ; la capacité à exploiter des systèmes robotiques autonomes et adaptatifs (voir RPA cognitif).

Le Capgemini Digital Transformation Institute a procédé à une analyse de la mise en œuvre de plus de 50 cas d’utilisation de l’IA. Ce travail montre que de nombreuses entreprises se lancent directement dans les cas d’utilisation les plus difficiles. Cependant, seules de petites minorités se concentrent sur des cas d’utilisation qui présentent également des avantages élevés. Moins de la moitié des projets (46 %) s’attaquent à ce que nous appelons des cas d’utilisation « indispensables », qui sont à « portée de main », dans le sens où ils sont très utiles et peu complexes. Seulement environ un cinquième (20 %) des entreprises met en œuvre ces cas d’utilisation à grande échelle. Ce défi du passage à l’échelle est celui auquel l’État doit se confronter d’emblée.

Cas d’usage des IA pour le secteur public

Exemples d’IAs arrivées à maturité :

  • aide au diagnostic grâce à la détection de petites variations par rapport à la base de référence de la santé à partir de nouveaux capteurs (IoT ; Google Verily, Sanofi, etc.)
  • recommandations cliniques à partir des données du patient (Watson for oncology)
  • éligibilité d’un patient aux essais cliniques (Watson for Clinical Trials)
  • identification précoce des pandémies potentielles et suivi de l’incidence de la maladie pour aider à prévenir et contenir sa propagation
  • diagnostic d’imagerie (scan ou IRM ; Therapixel, Watson for imagery) ou aide à l’échographie (Philips)
  • aide au détourage des tumeurs en radiothérapie (Microsoft InerEye)
  • préparation interactive de la consultation médicale (Babylon Health)

Solutions en développement :

  • diagnostic basé sur les données et développement de médicaments virtuels (Owkin, Google Verily, BenevolentAI, etc.)
  • gestion des bases de données génomiques, stratification des patients et recommandations cliniques (Philips, Illumina, Watson for genomics, etc.)
  • analyse biologique de tumeurs ou cellules
  • consultation virtuelle (yourMD)

Legal tech :

  • vérification des identifiés (Onfido, Olivia de HSBC, etc.)
  • facilitation de l’accès au droit : recherche accompagnée de textes, jurisprudences, rédaction automatisée d’expertise (Pinsent Masons’ Term Frame, MarginMatrix de Allen & Overy)

Transports et mobilités :

  • flottes autonomes pour le covoiturage et assistance au conducteur
  • maintenance prédictive et autonome des moteurs et infrastructures (National Infrastructure commission, Royaume-Uni)

Éducation :

  • évaluation en continue des performances (sur la base de oneline learning)
  • autograding des enseignants (Gradescop)
  • optimisation des apprentissages mathématiques avec l’IA en détectant les causes d’échec sur un examen en ligne (MEN EdTech avec CapGemini)

L’ensemble de ces cas d’usage semble justifier une animation commune et transversale aux opérateurs publics, permettant de stimuler chaque année 1 ou 2 grands défis, à l’image des grands paris (bets) initiés chaque année par l’agence DARPA aux États-Unis. À titre d’exemple, nous pensons que les IA permettant d’automatiser la lecture de mammographies arrivent à maturité sur le plan technologique et peut permettre de faire face aux pénuries de radiologues, avec un fort retour sur investissement pour le système de santé (potentiel d’économie estimé à 120 M€ par an). Ce projet suscite une forte adhésion des professionnels de santé ; il est porté par une entreprise de la French Tech.

Un second défi est de repenser le portefeuille des services numériques en partant des usages

D’ores et déjà, les administrations françaises sont bien positionnées en Europe dans leur offre de services dématérialisés aux citoyens. Nos administrations ont du retard néanmoins lorsqu’il s’agit d’inventer des services nouveaux conçus à partir des usages. Cette « révolution des usages » doit conduire à inventer des services qui n’existent pas encore et qui émergeront comme une conséquence des attentes des citoyens. Elle doit mettre résolument l’accent sur ceux qui sont aujourd’hui le plus éloigné des services numériques.

L’édition 2018 du classement eGov, que nous réalisons chaque année pour la Commission européenne, souligne notamment nos voies de progrès par rapport à ces pays : accessibilités aux mobiles des plateformes de service en ligne, disponibilité de eDocuments, création d’identités partagées, disponibilité d’un support en ligne interactif (usability).

L’objectif de « 100 % de procédures dématérialisées en 2022 » peut manquer une partie de sa cible s’il ne s’accompagne pas d’une révolution des usages. L’hôpital est un bon exemple de cet attentisme : la prise de rendez-vous en ligne, l’échange de mails sécurisés, la dématérialisation des procédures d’admission, la préparation en ligne des consultations, la télé-expertise, peuvent transformer profondément et positivement le soin. Mais jusqu’alors les établissements n’ont qu’un très faible intérêt à s’y engager.

Les grands portails publics (Ameli, impots.gouv, CAF, Pôle emploi) ont d’ores et déjà atteint à cet égard une phase de maturité, en privilégiant des modèles de développement plus agiles. Le développement de nouveaux services dans ces portails y reste néanmoins bridé. Il est trop souvent envisagé uniquement comme une bascule d’activité du contact physique vers des plateformes numériques. Développer de nouveaux usages implique une vision à 360 degrés du potentiel de valeur des plateformes de services. Cela implique aussi de sortir d’une logique dans laquelle les opérateurs attendent de bénéficier de modèles économiques clarifiés pour créer cette valeur.

Cette révolution des usages nous semble impliquer la diffusion de nouveaux savoir-faire (UX Design et analytics notamment), des systèmes d’information plus agiles, une systématisation des modèles d’APIsation ouverte (type Emploi store) en mettant à profit l’obligation de portabilité des données personnelles posée par le RGPD, des lieux d’accélération et d’innovation (type Lab de Pôle emploi) et une évolution des modes d’organisation des grands opérateurs, pour dépasser la séparation canonique entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre et entrevoir des logiques plus intégrées, mises au service de « promesses utilisateurs » formalisées.

Les cabinets de conseil : partenaires d’accélération

Les cabinets de conseil sont des partenaires d’accélération, parfois comme des starting-blocks au début d’une course intense, parfois comme des relais, parfois même des lièvres d’une course qui promet d’être longue.

La vitesse est notre raison d’être. Elle est ce qui rend nos consultants fiers de ce qu’ils font. Ce qui fait aussi notre différence. « La société a évolué souvent plus vite que l’administration elle-même. » Placée en exergue du récent projet de loi pour une société de confiance, cette évidence sert de mot d’ordre à la nouvelle boîte à outils de l’État pour gommer les irritants et frottements entre l’État et ses usagers. La nouvelle stratégie, que le projet décline dans son annexe, affirme une ambition inédite. Tourner la page à une technocratie trop sûre d’elle-même, habituée à considérer la société comme une belle endormie, plus occupée à lui administrer des potions qu’à partager sa vie.

 Règles d’or

Pour décrire le changement de posture et la rupture de rythme que la transformation de la technocratie implique, on est tenté de définir trois principes, qui seront les règles d’or du consultant.

La première règle d’or est de ne plus envisager le digital comme un facteur de transformation parmi d’autres, mais bien comme le point de départ de toute transformation. Le digital dévore le monde, il doit aussi dévorer les administrations. Prenons l’exemple de l’administration fiscale : contrairement à une idée reçue, la télédéclaration n’a pour l’instant représenté qu’une faible part (15 %) de ses gains de productivité. L’obligation de télédéclaration posée en 2016, si elle atteint 60 % des foyers fiscaux, ne bouleversera pas la donne. Changer d’échelle ne sera possible que si l’on réinterroge le calcul et la liquidation impôt lui-même et si l’on investit massivement dans l’inclusion des 40 % de citoyens qui restent éloignés des services numériques.

La deuxième règle d’or est de considérer que l’engagement managérial sera la mère de toutes les réformes. Une étude conduite à Harvard (par les professeurs Nicolas Bloom et Raffaella Sadun) a montré que dans toutes les économies développées, les gains de productivité sont directement corrélés à la qualité managériale des dirigeants (mesurée dans l’enquête World Management Survey). Identifier les managers, les positionner est souvent un premier défi dans le secteur public. Le second est de leur donner l’autonomie pour innover et la capacité de tester et apprendre.

Quel que soit le secteur d’activité, et plus particulièrement maintenant dans le secteur public, les projets de transformation se multiplient à un rythme sans précédent. Plus que tout autre, les agents publics ont connu ces dernières années des bouleversements dans leurs organisations de travail. Pour un nombre considérable de managers publics, la capacité à réussir ces transformations est devenue un élément de la noblesse du service public. Mais une forme d’incompatibilité semble s’être installée entre trois objectifs :

Il y a trilemme qui s’installe durablement chez les managers publics et qui est bien connu des consultants : l’incompatibilité entre trois objectifs, celui de l’efficience, celui de la qualité de service et celui de l’engagement des équipes. C’est ce nœud qu’il s’agit de dénouer en priorité pour ramener du sens au milieu de ce qui ressemble aujourd’hui à des incompatibilités.

La priorité est d’assurer un engagement massif des agents publics à travers leurs managers de proximité. Cela implique la projection vers une cible faisant sens par rapport à la réalité d’aujourd’hui et la responsabilisation des managers et des agents à travers une dynamique centrée sur leurs rôles et leur laissant des marges de manœuvre. Pôle emploi appelle cette transformation d’un joli nom : le « pari de la confiance ».

La première règle d’or est de ne plus envisager le digital comme un facteur de transformation parmi d’autres, mais bien comme le point de départ de toute transformation. Le digital dévore le monde, il doit aussi dévorer les administrations.

La troisième règle d’or est de se souvenir que le chemin compte autant que la cible. Nous devons contribuer à rendre les administrations apprenantes. Le concept d’organisation apprenante est devenu un élément essentiel des nouvelles stratégies industrielles depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cinq éléments caractérisent ces organisations :

  • la capacité de l’organisation à être réceptive aux informations qui lui viennent de l’extérieur et à les transformer en informations utiles pour améliorer sa performance ;
  • des organisations dynamiques et adaptables pour être capable de répondre rapidement à de nouveaux besoins ;
  • l’expérimentation et la capitalisation du savoir, au terme d’un processus collectif ;
  • la prise d’initiative de tous les acteurs et la protection de moments créatifs ;
  • l’organisation du transfert des connaissances.

En s’inspirant des pratiques les plus efficaces observées chez nos clients les plus avancés, cette approche nous paraît adaptée pour mettre en place une juste articulation entre « métiers » et maîtrise d’œuvre SI. C’est aussi la clé pour encourager les opérateurs à innover et à prendre des risques (droit à l’erreur, droit de s’affranchir de certaines règles, parts variables en fonction des résultats, etc.).

La digitocratie, avenir de la technocratie ?

L’impératif de productivité impose une « technocratie » renouvelée, un mot à envisager au sens premier du terme : une vraie capacité retrouvée à gouverner les technologies digitales, c’est-à-dire à identifier les potentiels technologiques et à les rendre payants.

La société française n’a jamais eu autant besoin de technocratie ! Le paradoxe se résout si l’on revient au sens même des mots. Gouverner les techniques : la technocratie est la façon de retrouver une capacité à prédire le futur et à en décider collectivement, assurer une concrétisation éthique et durable des promesses de l’intelligence artificielle. L’un des plus grands défauts de notre technocratie est de ne plus croire en elle-même. Lorsqu’à l’été 2016, le magazine Les Échos a demandé à deux cents personnalités du monde économique et politique de désigner les livres qui « les aident à préparer l’avenir », la moitié des ouvrages retenus dans le top 6 étaient écrits par des auteurs transhumanistes américains. Dans la galerie de portrait des « techno-prophètes » autoproclamés de l’ère digitale, les Français font profession d’humilité. Nous oublierons presque que les meilleurs chercheurs mondiaux sur l’intelligence artificielle sont nos compatriotes (Yann Le Cun, Stéphane Mallat, Jérôme Pesenti, etc.). À force de péjorer notre technocratie, nous courons le risque de nous en priver.

Une digitocratie est une technocratie qui cesse de considérer la société comme une belle endormie et capitalise sur ces projets. Plutôt que de rechercher des potions à administrer, elle tire profit de son énergie.

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