Quand les étudiant·es expérimentent le design de services

Durant une journée, le 16 mai 2023, le 1, Saint-Thomas, campus vitrine de Sciences Po Paris – inauguré en 2022, en plein cœur de Paris dans un lieu chargé d’histoire –, a mis à l’honneur les projets d’innovation publique. 116 étudiant·es du master 1 de l’École d’affaires publiques sont venus présenter, et soutenir par petits groupes, leurs solutions et prototypes pour améliorer l’action des services publics : « L’objectif de ce programme est d’inciter les étudiant·es à faire un pas de côté dans la manière de concevoir et de produire l’action publique grâce au design de services », confie Léa Douhard, responsable du policy lab, laboratoire d’innovations publiques de Sciences Po Paris et responsable pédagogique de l’incubateur. Souvent pour la première fois, les jeunes découvrent les méthodologies issues du design aujourd’hui plus largement diffusées dans la sphère publique. Ils s’initient à la cartographie des acteurs, au parcours usager, à l’expérience du citoyen, à la co-conception, au design participatif ou encore au prototypage de dispositifs permettant de tester des politiques publiques avant leur déploiement (expérimentations, projets pilotes).

20 défis d’intérêt général pour la promotion 2022-2023

Fruit de cinq mois d’immersion sur le terrain, de conceptualisation et de prototypage, accompagnés par un coach designer, les jeunes doivent relever les défis lancés par des acteurs publics, partenaires du programme, en proposant des solutions concrètes, tangibles et testables : « Ils sont libres de définir la forme de cette solution qui peut prendre des expressions très variées en fonction de ce qui semble le plus pertinent pour répondre aux besoins réels observés sur le terrain. Ils peuvent, par exemple, prototyper une application mobile, une plateforme web, un jeu, un simulateur, une maquette d’espace, une redéfinition de processus et parcours usager, un livret papier, un podcast, une visualisation de données, une campagne sur les réseaux sociaux, etc. », peut-on lire sur la page de présentation de l’incubateur.

Pour cette édition 2023, les transitions écologiques et numériques occupent une place de choix dans les défis lancés par les acteurs publics. Comment identifier et rendre lisible les évolutions climatiques, sociétales et économiques afin que les services de l’État puissent les intégrer dans leurs missions et aux politiques publiques qu’ils déploient ? C’est le défi lancé, par exemple, par la préfecture de la Loire-Atlantique aux étudiant·es. Après une immersion dans les services préfectoraux, ils ont imaginé un jeu collectif inspiré du design prospectif, « Loire atlantique 2050 », pour embarquer les services préfectoraux et tous les acteurs du territoire sur les enjeux d’adaptation climatique : « L’objectif de cette journée sera de faciliter les échanges avec des acteurs essentiels à l’élaboration des politiques publiques futures, mais qui sont souvent délaissés. Le but est de co-gouverner. L’intelligence collective et le partage des bonnes pratiques permettront alors d’insuffler des idées nouvelles pour réaliser un défi énorme : imaginer la Loire-Atlantique du futur, partagée entre pressions économiques, tensions démographiques et urgence écologique. La confrontation des points de vue aboutira ainsi à la création d’une forme de stress-test (test de résistance) collectif, visant à changer l’imaginaire des agents publics sur la gestion des prochaines crises », expliquent les étudiant·es ayant participé à ce projet.

Pour Jean-Philippe Aubry et Angélique Breton de la préfecture de Loire-Atlantique, ce dispositif est un outil « dans l’air du temps, très pédagogique, qui fait appel à la co-construction, à l’intelligence collective, avec des cartes pour mettre en valeur des solutions, des contraintes, des effets domino et des accidents très concrets… c’est un jeu qui permet d’associer tous les acteurs du territoire ». Ils envisagent de le tester auprès des équipes en interne et de le déployer grâce à un financement du Fonds vert¹.

Parmi les autres défis soutenus ce jour-là, citons en quelques-uns : un service de procuration en ligne, nommé « Mon porte-voix », pour favoriser la participation électorale, une solution sans déplacement et reposant sur la technologie Blockchain ; un bus numérique itinérant à Gennevilliers pour aider les personnes dans leurs démarches administratives ; un dispositif local et réplicable, combinant calendrier et ateliers participatifs, « Écol’Eau », pour sensibiliser les habitants de la métropole européenne de Lille (MEL) sur l’état de la ressource en eau et les aider à adopter des écogestes ; un cycle de formation destiné aux acteurs culturels du département des Côtes-d’Armor, « L’écho d’Armor », pour les accompagner dans une démarche de transition écologique. En 2023, pour la première fois, le coup de cœur du public a récompensé le dispositif « Chrysalide » pour améliorer les conditions d’accueil et de prise en charge des victimes de violences sexuelles et conjugales dans un commissariat de police du XIII^e arrondissement de Paris. Les étudiant·es ont imaginé un « parcours usagère » en trois étapes au sein du commissariat (accueil, salle d’attente, et box de dépôt de plainte), liées entre elles par une signalétique spécifique.

Pour aller plus loin

La bibliothèque des défis 2023 :

1. Nessi J., « Première vague de lauréats pour le Fonds vert », horizonspublics.fr 13 avr. 2023.