Quand Mouans-Sartoux réussit le pari des cantines bio et locales

Le 4 avril 2019

Fin janvier 2019, les chefs de cuisine et responsables de restauration scolaire des villes de Troyan (Bulgarie), Rosignano-Marittimo (Italie), Torres Vedras (Portugal), Pays des Condruses, (Belgique), Vaslui (Roumanie) et Trikala (Grèce) sont venus visiter pendant trois jours la commune de Mouans-Sartoux. Pourquoi ? Car la ville est une des pionnières dans le domaine de l’alimentation bio et locale. Depuis 2011, elle a embauché un maraîcher municipal qui fournit 80 % des légumes mangés dans ses cantines.

En 2009, la municipalité de Mouans-Sartoux a décidé de prendre le virage du bio pour ses écoles. Se pose alors une question : comment réussir à trouver tous les aliments nécessaires ? « Nous voulions du bio et du local, raconte Gilles Pérole, l’adjoint au maire responsable du programme. Mais nous nous sommes rapidement rendu compte que pour nous approvisionner, aucun agriculteur bio du coin ne pouvait nous fournir une quantité de légumes suffisamment importante pendant toute l’année. Nous avons donc décidé d’ouvrir cette ferme et d’embaucher un agriculteur municipal. » Et pour lui trouver un terrain, la mairie décide alors de préempter celui qui était sur le point de devenir un lotissement. Le projet peut donc être lancé en 2011.

Désormais, sur ses six hectares, la ferme produit vingt-deux tonnes de légumes bio par an. De quoi satisfaire 80 % des besoins de ses écoles. Deux maraîchers travaillent à plein-temps pour réussir à fournir les trois cantines. « C’est un défi quotidien au niveau de l’organisation, car quand on veut un produit, il ne suffit pas de le commander, il faut anticiper pour avoir le temps de le cultiver ». Il faut que tous les acteurs se parlent et se coordonnent, afin de prévoir les menus des prochaines semaines.

Un modèle qui ne coûte pas plus cher à la collectivité

À l’heure du repas, en pénétrant dans la cantine, rien ne laisse supposer de cet ingénieux système. Les enfants se retrouvent face à des assiettes qui ressemblent à celles distribuées dans de nombreuses écoles. Pour arriver à ce résultat, le personnel municipal préparant les repas doit désormais passer davantage de temps en cuisine, pour transformer les légumes bio. « Nous avons dû les convaincre, car avant il suffisait d’ouvrir des poches de surgelés, précise Gilles Pérole. Mais cela n’a pas été compliqué, pour eux, c’est devenu un plaisir et une fierté de travailler avec des produits de qualité. » Pour l’élu, il s’agit également de leur permettre d’être « partie prenante » du projet. « Nous avons travaillé avec eux pour réussir à financer notre pari du 100 % bio. » Car produire plutôt qu’acheter les légumes servis dans les cantines a un coût : 20 centimes de plus par enfant et par repas. À Mouans-Sartoux, ce surcoût est financé par la chasse au gaspillage. « Pour les parents, il n’y a pas eu d’augmentation. Nous avons économisé l’équivalent du surplus, en modifiant les prévisions de quantités prévues, et cette économie finance le coût du projet. »

La mairie a donc réalisé des statistiques pour découvrir les proportions réellement utiles en fonction des légumes et de l’âge des enfants. Une fois cette étude terminée, elle a dit adieu aux normes habituelles conseillées par les organismes spécialisés dans la nutrition, pour se baser sur la consommation concrète des enfants. Résultat : les cantines ont réussi à diminuer de 80 % le poids de leurs poubelles… « Certains nous disent : “Mais comment faites-vous avec les grammages recommandés pour les aliments ?”, raconte Gilles Pérole. Il suffit de se renseigner : ce n’est qu’une recommandation du GEMRCN1, pas une obligation. Il faut savoir prendre ses responsabilités par rapport aux enfants. Savoir sur quoi on peut prendre des libertés. »

©La ferme de Mouans-Sartoux produit
vingt-deux tonnes de légumes bio par an.

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Un modèle pour les autres communes

Face au succès de son système et à la médiatisation qui en a découlé, le village reçoit de nombreuses visites d’autres municipalités désireuses de le dupliquer. Et pourtant, très peu de communes se sont lancées. « Nos visiteurs sont toujours impressionnés et repartent ravis, mais cela finit souvent par coincer quelque part. Nous sommes en train d’étudier pourquoi. Il faut dire que c’est un projet qui ne peut pas être livré clé en main. Chaque commune a ses habitudes et ses obligations. Il faut s’inspirer de notre idée et pas juste la dupliquer pour que cela fonctionne, conclut Gilles Pérole. Ce qu’il faut, c’est commencer par des petites actions. En 2005, nous avons réfléchi à un rééquilibre alimentaire dans les cantines en proposant plus de légumes. En 2008, nous avons décidé de passer au bio, puis il y a eu l’idée de la régie agricole, etc. Cela nous a pris du temps. Il faut privilégier le bon sens. La restauration collective est une succession d’actions, il suffit donc de modifier progressivement les habitudes… »

 1. Groupement d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition.

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