Six trucs qui marchent dans les territoires

Fédération française des trucs qui marchent
La Fédération Française des Trucs qui Marchent met en lumière des initiatives locales méconnues, portées par des élus, qui ont fait leurs preuves sur le terrain et qui méritent d’être dupliquées partout en France.
©DR
Le 19 juin 2023

100 % de trucs qui marchent pour faire bouger la France. C’est le parti pris de la Fédération française des trucs qui marchent (FFTM), lancée en novembre 2022 par un jeune conseiller municipal et consultant en agence de communication, après un tour de France de 30 000 kilomètres à la rencontre de 150 élus.

« La Fédération française des trucs qui marchent met en lumière des initiatives locales méconnues, portées par des élus, qui ont fait leurs preuves sur le terrain et qui méritent d’être dupliquées partout en France », explique Raphaël Ruegger, consultant au sein de l’agence Évidence de Paris1, et jeune élu local dans le département du Cher. Écologie, solidarité, logement, citoyenneté, culture, etc., toutes les thématiques sont concernées dès lors qu’elles impactent directement les territoires et ceux qui y vivent. Six maires sont montés sur scène, au Théâtre de la Madeleine, le 22 novembre 2022, pour présenter leur initiative.

Fédération française des trucs qui marchent

Le transport à la demande en zone rurale

Dans le Pays de Langres, un territoire hyper-rural (47 000 hab., 168 communes), des élus locaux, dont Sylvie Baudot (maire de Cohons, 250 hab.), ont proposé la mise en place d’un système de transports à la demande pour remplacer toutes les lignes fixes de bus par des véhicules légers (de 5 à 9 places), dont les itinéraires sont beaucoup plus flexibles. Les habitants peuvent réserver un trajet sur Internet ou en appelant un standard téléphonique, les itinéraires des véhicules sont ainsi définis la veille ou l’avant-veille ce qui permet d’aller chercher les habitants chez eux (quand les arrêts de bus étaient parfois assez loin) et de les emmener vers un autre village, un bourg avec commerces et services ou encore vers un hub de mobilité (Langres ou Culmont-Chalindrey). Les bus ne sont plus en circulation et les transports à la demande permettent de réaliser près de 8 000 trajets par an, avec des utilisateurs très variés (de jeunes sans permis à une centenaire), pour un coût moindre et un impact carbone limité.

Un passeport du civisme pour les enfants

Après les attentats de Charlie Hebdo, la France entière était « Charlie ». À l’échelle de sa commune, Maxence de Rugy, maire de Talmont-Saint-Hilaire en Vendée, a souhaité pérenniser cette prise de conscience sur les sujets d’éducation à la citoyenneté et l’encourager. Il a lancé pour les enfants (CM2) de sa commune un passeport du civisme. Concrètement, un petit carnet avec des actions à mener par les enfants : pour l’écologie, la solidarité, le devoir de mémoire, la préservation de la culture et du patrimoine local. Les enfants peuvent à titre d’exemples suivre une mini-formation de premiers secours, réaliser une opération de ramassage des déchets avec une association de défense de l’environnement ou passer des après-midis dans les maisons de retraite aux côtés des résidents. Il a créé une association pour que le passeport du civisme soit mis en place partout en France. Aujourd’hui, 50 000 enfants ont participé au passeport avec un réseau de 400 communes.

Des colocations pour apprentis en Lot-et-Garonne

Alors que le tissu artisanal du Lot-et-Garonne est particulièrement riche, il manquait un chaînon entre la formation et l’emploi : le logement. Les jeunes n’avaient pas les moyens de se loger près de leur école et près de leur lieu d’apprentissage (environ 500 euros de rémunération en première année). Pour résoudre cette équation, la chambre des métiers et de l’artisanat, les maires et un bailleur social (Ciliopée) ont créé Apprentoit, des colocations étudiantes en cœur de village meublées et équipées avec des loyers à partir de 70 euros par mois. Le dispositif existe dans 11 communes, dont Lamontjoie où deux jeunes apprenties cohabitent, une apprentie coiffeuse (Emma) et une apprentie menuisière (Laurène). Et ça marche : plus de 200 jeunes ont été logés dans les communes, le taux d’occupation des colocations est de 100 % et les artisans éprouvent moins de difficultés à recruter.

Une fontaine sèche au pied des tours HLM à Épinay-sur-Seine

L’été, les appartements de ce quartier de la politique de la ville deviennent invivables à cause des fortes températures malgré les efforts en matière de rénovation urbaine, ce qui conduit les jeunes à pratiquer le « street pooling » avec les bouches incendie de la ville (c’est-à-dire les ouvrir pour se rafraîchir). Dans le plan canicule, les habitants sont invités à se rendre au Auchan climatisé pour trouver un peu de fraîcheur. Pour résoudre ce problème, la ville a fait construire une fontaine sèche2 au pied des tours qui attire des centaines de jeunes qui viennent se rafraîchir l’été et une vraie dynamique s’est créée dans le quartier avec l’arrivée de commerces et d’animations.

La Fédération française des trucs qui marchent met en lumière des initiatives locales méconnues, portées par des élus, qui ont fait leurs preuves sur le terrain et qui méritent d’être dupliquées partout en France

« La beauté sauvera le monde » à Saint-Dizier

« La grande menace du covid-19, c’est la dépression collective. À Saint-Dizier, nous utilisons l’espace public pour offrir des oasis de beauté à l’heure où notre culture est enfermée, parce que “la beauté sauvera la monde” », twittait, en avril 2021, Quentin Brière, le maire de la ville de Haute-Marne, en plein confinement. Son initiative, nommée « Révéler Saint-Dizier », consiste à utiliser les panneaux publicitaires de la ville, les façades des bâtiments publics, les rues et les jardins publics comme musées et lieux d’exposition à ciel ouvert. Et ça marche : les 20 plus grands panneaux publicitaires affichent des œuvres monumentales de Gustav Klimt, Sandro Botticelli ou Paul Cézanne pour moins de 10 000 euros. Des fresques et pochages restent en héritage et s’accumulent d’édition en édition, et ce pour le bonheur des 25 000 habitants, spectateurs des expositions dans leurs trajets quotidiens.

« Magasin Libre », une immense friche transformée en quartier estival festif et culturel à Reims

Dans les anciens magasins généraux de la ville, une immense friche reprend vie depuis 2018 grâce à l’alliance entre le maire Arnaud Robinet et l’entrepreneur Arnaud Bassery. Le second a transformé les lieux pour y créer « Magasin Libre », un quartier estival festif et culturel a été créé sur 8 000 m2 avec bars, terrasses, restaurants, marché de créateurs, musée à ciel ouvert (2.500 m2 de fresques réalisées par l’entreprise de production d’art urbain Quai 36), mini-golf... L’installation s’est faite en trois temps : exploitation gratuite en occupation temporaire, exploitation en location (avec auto-financement des activités) puis achat à venir d’une partie du site pour s’inscrire dans la durée. Et ça marche : près de 50.000 visiteurs en 2021, 83.000 en 2023 et une préfiguration qui a permis d’engager de nouveaux acteurs au sein du futur projet immobilier. Grâce à la Fédération Française des Trucs qui Marchent, des élus ont pris connaissance de ce projet et souhaitent développer sur des sites en friche de leur ville le même type de transformation, aussi bien sur le temps court avec une occupation temporaire que sur le temps long avec l’implantation d’une offre mixte : commerces, art, bureaux…

  1. Un cabinet de conseil en stratégie et communication (https://www.evidenceparis.fr/).
  2. Une fontaine sèche n’a pas de bassin, la rendant invisible, et constituant un espace piétonnier à part entière.
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