Des collectivités à compétences variables ?

Le 12 mars 2018

Dans la perspective d’une réforme constitutionnelle, la possibilité d’attribuer des compétences différentes à des collectivités territoriales d’une même catégorie, est à l’étude. En réponse au Premier ministre, un avis très détaillé du Conseil d’État1 note qu’un tel assouplissement apporterait davantage de libertés et de responsabilité aux collectivités territoriales pour une action plus efficace, innovante et adaptée aux réalités des territoires.

Mais cela passe par des ajustements constitutionnels.

  1. Des possibilités d’adaptation existent déjà. Si les règles d’attribution et d’exercice des compétences sont, en principe, les mêmes au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales, le principe constitutionnel d’égalité «… ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit2 …» Ainsi, les communes n’ont pas les mêmes compétences selon la catégorie de l’EPCI auquel elles adhèrent et les choix faits pour l’exercice de compétences facultatives. Des délégations de compétences sont même possibles entre collectivités territoriales relevant de catégories différentes.
     
  2. Moduler davantage les compétences de collectivités relevant d’une même catégorie ou permettre de transférer des compétences entre catégories différentes nécessite des précautions ou des adaptations. Si des modifications de la Constitution sont envisagées, celles-ci devraient s’inscrire dans la cohérence du titre XII de la Constitution en préservant l’effort de clarification des compétences engagé par le législateur. En revanche, des accords entre collectivités territoriales ne permettent pas de caractériser des raisons d’intérêt général ou une situation particulière propre à justifier objectivement des règles différentes répondant aux exigences constitutionnelles. De même, la loi ne pourrait autoriser les collectivités à transférer à une collectivité d’une autre catégorie, par accord entre ces deux collectivités, des compétences identifiées par la loi, un tel régime particulier perturbant les régimes établis par le titre XII de la constitution. Une disposition constitutionnelle prévoyant que « la loi peut attribuer des compétences différentes à des collectivités relevant d’une même catégorie» introduirait une incohérence au sein de la Constitution, à moins d’avoir un caractère transitoire.
     
  3. Enfin, sur la possibilité permettant de déroger, pour un objet limité, aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences (sauf exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti), le Conseil d’État considère qu’il est nécessaire qu’une disposition constitutionnelle encadre les autorisations données, selon le cas, par la loi ou par le règlement. 

(1) Avis n° 393651 du 7 décembre 2017

(2) Conseil constitutionnel, décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991

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