Transformation publique, territoires et crise sanitaire au menu du Mois de l'innovation publique

Séance d’intelligence collective à la prefecture - Semaine de l’innovation publique
Séance d’intelligence collective à la préfecture de la région Paca lors de la 6e édition de la Semaine de l’innovation publique en 2019. La Semaine de l'innovation publique est devenue le Mois de l'innovation publique en 2020.
Le 2 octobre 2020

La transformation publique au cœur des territoires, c'est le fil conducteur du Mois de l'innovation publique qui se tient du 2 au 30 novembre 2020 et qui succède à la Semaine de l'innovation publique. Orchestré par les équipes de la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP) et ouvert à tout les acteurs publics qui veulent faire connaître leurs initiatives, ce rendez-vous est l'un des temps forts de la communauté des innovateurs publics. En raison des contraintes liées à la crise sanitaire, le format digital (webinaires, conférences en ligne, podcasts, modules de formation dématérialisés...) risque d'être omniprésent.

 

Cette nouvelle édition, étalée sur tout le mois de novembre, sera forcément marquée par les enseignements à tirer de la crise du Covid19 sur l'innovation publique, avec une administration prise de vitesse, une explosion du télétravail, des nouvelles priorités liées à la gestion de crise, des dispositifs de participation citoyenne mis entre parenthèses ou encore une accélération du numérique.

 

Durant cette crise, les territoires et les acteurs de terrain ont aussi joué un rôle essentiel. Le choix du thème de "La transformation publique au cœur des territoires" s'inscrit dans ce contexte avec pour enjeu d'accompagner le passage à l'échelle de toutes ces initiatives et expérimentations locales engagées en réponse à la crise sanitaire mais aussi celles qui seront mises en œuvre pour accompagner le plan de relance.

 

Clémence Pène, Cheffe de projet Innovation publique à la DITP, chargée de coordonner et d'animer ce Mois de l'innovation publique, a accepté de répondre aux questions d'Horizons publics sur les enseignements à tirer de cette crise sanitaire, le rôle de la DITP pendant cette période inédite et les enjeux de l'innovation publique en temps de crise.

 

Clémence Pène

La crise du Covid19 a bousculé l’administration et le monde de l’innovation publique. Quels enseignements tirez-vous de cette crise ?

La crise de la Covid19 nous a amenés à remettre en question nos modes de fonctionnement. Bien sûr, l’un des bouleversements les plus puissants de nos pratiques est le développement massif du travail à distance.

La crise a révélé que l’administration - comme la plupart des employeurs ! - était globalement peu préparée à un tel basculement.

Avec un taux de télétravail de 6,4% avant le confinement, managers et agents n’en étaient pas coutumiers et n’y étaient pas formés. Par ailleurs, seuls 18 à 20% des agents de la fonction publique d’Etat (hors enseignants) étaient équipés d’un ordinateur portable, ils étaient 42% en administration centrale. Cette période de travail à distance forcée et soudaine a été vécue de façon très hétérogène et contrastée par les agents et les managers, dépendant de la pratique du télétravail avant crise, de la culture managériale ou encore de la nature des activités exercées.

L’administration a cependant fait preuve d’une réelle capacité d’adaptation : un important effort matériel et humain a permis de maintenir une certaine continuité dans les activités de l’Etat. Des agents ont été redéployés sur des missions prioritaires (ce qui a été facteur de motivation pour les équipes et  facteur de résilience pour les organisations), les moyens informatiques ont progressivement été déployés (résilience du réseau, visio-conférence, PC portables). On observe que la crise a eu un effet accélérateur sur certains sujets : accélération sur les sujets numériques (dématérialisation, dispense de signature manuscrite, outils de communication), agilité des organisations et des agents (simplification, mutualisations, mode projet, travail collaboratif, polyvalence des équipes). Néanmoins, il reste beaucoup à faire en la matière et nous travaillons aujourd’hui à accompagner ces transformations pour les inscrire de manière durable dans les organisations, notamment sur le plan managérial.

Plus globalement, la crise sanitaire a conforté notre conviction en matière de transformation publique, celle de mettre les usagers et les agents au cœur de l’action publique. Les territoires et les acteurs de terrain ont un rôle fondamental à jouer pour assurer la pertinence et la mise en œuvre effective des politiques publiques. Cela suppose de leur donner la parole bien sûr, mais aussi de l’autonomie.

Quel rôle la DITP a-t-elle joué pendant cette crise ? et les laboratoires d’innovation publique dans les territoires ?

La DITP a été mobilisée sur plusieurs fronts : d’une part en renfort à l’effort de gestion de crise, et d’autre part, en soutien à l’écosystème de l’innovation publique.

Dans le cadre de la gestion de crise, la DITP a notamment mobilisé l’expertise de ses équipes accélération et innovation, en les intégrant dans les équipes de l’APHP, par exemple au sein de la mission Covidom, une application qui permet aux patients porteurs ou suspectés du COVID-19 de bénéficier d’un télésuivi, mais aussi sur les missions de généralisation des tests et des masques, et en intégrant la mission nationale de coordination du déconfinement.

En parallèle, les équipes de la DITP ont mobilisé tous leurs réseaux d’innovation et opéré un travail de veille, en menant une cinquantaine d’entretiens auprès de ces acteurs pendant le confinement. Ces échanges sont aussi l’occasion d’un partage accéléré des bonnes pratiques. Cela a été notamment le cas avec le réseau de laboratoires d’innovation publique, qui se sont beaucoup mobilisés sur le terrain, notamment le Siilab à Lille, qui est très actif sur le champ de l’inclusion numérique, le Tilab à Rennes qui a collaboré avec la société civile et les makers, ou encore le LabO en Occitanie, qui a coopéré avec la French Tech. La réflexivité et l’échange de bonnes pratiques sont plus cruciales que jamais dans les périodes de crise et d’incertitude. C’est pour cette raison que nous avons également participé à la grande enquête « Réflexes Publics » de nos partenaires de la 27e Région en menant de nombreux entretiens auprès d’acteurs publics et que nous continuerons à nous investir sur ce projet.

Mois de l'innovation publique

Le thème de ce Mois de l’innovation porte sur la transformation au cœur des territoires. Qu’attendez-vous de ce rendez-vous ?

Le Mois de l’Innovation publique est un moment clé d’apprentissage, de partage et de valorisation des bonnes pratiques. L’une des raisons pour lesquels nous avons décidé d’étendre notre traditionnelle semaine à un mois est le désir de valoriser davantage la diversité des événements et des administrations engagées. Difficile de profiter de 400 événements sur une semaine : nous espérons que la période du mois permettra de multiplier les fertilisations croisées. Pour honorer ce fil rouge des territoires, inspiré à la fois par l’impulsion donnée par le Premier Ministre et par la formidable dynamique engagée par nos relais territoriaux, nous serons présents dans plusieurs laboratoires d’innovation sur les territoires afin de travailler sur les leviers du passage à l’échelle des expérimentations locales. Je pense par exemple au programme Défis Cartes Blanches, qui a permis d’expérimenter des dispositifs innovants sur des sujets cruciaux tels que les interventions d’urgence, la lutte contre la pollution de l’air, la simplification administrative, ou encore la lutte contre la récidive.

Nous devons maintenant passer à l’échelle. Par leur agilité, les territoires sont souvent en avance de phase par rapport à l’administration centrale sur les sujets d’innovation, d’expérimentation et de participation. Ils l’ont d’ailleurs montré dans la gestion de crise.

Je crois que la DITP a aussi un rôle à jouer dans l’identification et la reconnaissance des acteurs et des écosystèmes locaux d’innovation, qu’il s’agisse des labs, des communautés, ou même de makers pour réinventer une action publique partenariale.

L’innovation peut-elle nous rendre résilients face aux crises ?

Nous y travaillons ! Toute la réflexion menée sur l’innovation en temps de crise continue de nourrir le chantier de retour d’expérience sur le sujet du télétravail, engagé dès la sortie du confinement, piloté par la DITP en collaboration avec la DIE, la DINUM et la DGAFP, sur lequel Amélie de Montchalin, la Ministre de la Fonction et de la Transformation publiques est mobilisée. Nous restons également engagés auprès de la 27e Région sur les suites de « Réflexes publics » qui pourra, je l’espère, nous permettre de participer à des chantiers d’expérimentation.

Les retours d’expérience et la diffusion des apprentissages sont les premières étapes vers la résilience.

Les apprentissages viennent aussi de l’étranger : nous sommes engagés avec l’Open Government Partnership (Partenariat pour le Gouvernement ouvert) dans une réflexion pour l’« open recovery » et avec l’OCDE dans le projet « Government after shock ». L’agilité et la frugalité sont deux autres ingrédients cruciaux de la résilience, et je crois que les laboratoires et la culture de l’écosystème de l’innovation publique sont un endroit clé pour en faire l’expérience. Enfin, pour être résilient face aux crises, il faut anticiper : pour cela, nous travaillons à développer nos collaborations avec la recherche et nos pratiques en matière de prospective et d’anticipation.

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