« Défis Carte blanche » : les premiers pas de la génération 2.0 du design public ?

Défi Carte blanche
Animation d’un atelier avec les porteurs de projets Défis Carte Blanche animé par la DITP.
Le 16 janvier 2020

En septembre 2018, la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP) a lancé l'appel à projet « Défis Carte Blanche » destiné à tout acteur public de terrain désireux d’engager une action innovante afin de répondre à un problème rencontré.

 

Présenté comme un programme expérimental d’innovation, ce dispositif se concentre sur les problèmes du terrain pour imaginer de nouvelles solutions en donnant carte blanche aux agents publics. Quels sont les atouts de ce dispositif de design public « bottum-up » dont l'animation des ateliers a été confiée à l'Agence Vraiment Vraiment ? Quelles sont aussi les limites et les difficultés rencontrées par les agents innovateurs ? En quoi peut-il contribuer à faire passer à l’échelle certaines solutions ? Allons-nous assister à l’émergence d’une nouvelle génération d’innovateurs publics dans les territoires, la génération 2.0 du design public ?

 

Horizons publics a mené l’enquête en allant à la rencontre des porteurs d’initiatives (pompier, enseignant, responsable de laboratoire d'innovation) et des chefs de projet en charge de ce dispositif à la DITP, dont la troisième phase d'expérimentation va se dérouler tout au long de l’année 2020.

L’appel à projet Défis Carte Blanche a été lancé en septembre 2018. Six mois plus tard, 24 projets sont sélectionnés par un comité d'experts sur les 54 dossiers déposés. Les projets se répartissent dans les thématiques suivantes : l'accès au droit, faire avec les bénéficiaires, améliorer l'expérience du parcours usagers, s'adapter aux problèmes émergents, changer d'angle de vue. Ils sont destinés à passer par une phase de diagnostic et de prototypage et pour cela recevront une aide de 25 000 euros pour le soutien d'une équipe de design s'ils le souhaitent et les frais engagés, et un accompagnement de la DITP. À la rentrée 2019, cinq projets sont sélectionnés pour participer à la troisième phase d'expérimentation en 2020, en obtenant des aides comprises entre 97 000 et 230 000 euros.

La particularité des Défis Carte Blanche est de s'adresser à des acteurs de terrain et pas nécessairement au plus haut niveau hiérarchique d'une administration. Les porteurs d'initiative sont ainsi pompiers, magistrats, enseignants, chargés de mission d'académies, de collectivités, responsables de laboratoires d'innovation. On peut les apparenter à une génération 2.0 du design public.

Pour les acteurs les plus experts, comme le Ti Lab, laboratoire mutualisé entre la Région Bretagne et l'Etat, les Défis sont une occasion de faire passer à l'échelle des initiatives existantes. Benoît Vallauri, responsable du Ti Lab, est ainsi porteur d'un projet sur la formation professionnelle, sélectionné pour la phase d'expérimentation. « L'appel à projet est très facilitateur pour trois raisons. La première est financière. Le budget du laboratoire est de 200 000 euros. Donc une opération comme celle-là, nous n’aurions pu la mener qu’à une toute petite échelle. Nous ne serions pas allés si loin et si vite. Ensuite, le soutien au niveau national à travers la DITP donne du poids au projet. C'est un appel à défis qui permet une véritable exploration de solutions pour l’usager, le citoyen » explique-t-il.

Les porteurs de projets que nous avons interrogés mentionnent que ces défis permettent de développer une acculturation à l'innovation publique, de faire des rencontres, notamment au cours des ateliers organisés par la DITP. 

Thibaut Reffay est officier sapeur-pompier et porteur d'un projet sur l'agglomération de Melun Val de Seine, consistant à améliorer la qualité des transmissions entre les pompiers (SDIS 77) et la régulation des équipes médicales du SAMU 77. Il explique qu'un « intérêt du défi Carte blanche est de permettre de prendre contact avec d’autres acteurs de l’action publique qui rencontrent des problèmes parfois similaires et d'échanger avec eux sur la manière de répondre à ces sujets. Cela permet une ouverture qui est assez essentielle et de se poser des questions que l'on ne se poserait peut-être pas naturellement ». Ce dernier est par ailleurs co-fondateur de l'association Atraksis spécialisée dans l’innovation et la transformation dans le domaine du secours. 

On note en attendant une différence entre spécialistes et profanes de design. Sindye Dijourte est à l'époque professeur de sciences économiques et sociales au lycée René Cassin à Garges-Lès-Gonesse. Elle est porteuse du projet Communiko destiné à améliorer la communication entre l'établissement et les parents allophones et illettrées. Cette dernière n'est pas familière avec les questions de design public au départ. « J’ai été très bien prise en charge et mon projet a tout de suite plu. J'ai rencontré du beau monde. Mais on nous demande des compétences entrepreneuriales. J’ai un peu pêché à l’oral sur des sujets techniques qu’on ne maîtrise pas », remarque-t-elle.

Partir des problèmes et non pas des idéaux

L'originalité de la méthode des défis Carte blanche, co-élaborée avec l'agence Vraiment Vraiment, tient au fait que les porteurs de projet doivent répondre à un problème rencontré sur le terrain (Lire l'entretien avec les chefs de projets en charge du dispositif au sein de la DITP dans le cadre de cette enquête). Le projet dédié à l'accès à la formation professionnelle en Bretagne part ainsi de constats vérifiés qui semblent parfois échapper à la célérité administrative. « Les personnes qui souhaitent faire une formation doivent accomplir une vingtaine de gestes administratifs, par exemple des documents à scanner, ont une dizaine de formulaires à remplir et davantage même pour des personnes en situation de handicap. Des partenaires demandent plusieurs fois les mêmes informations et ne communiquent pas entre eux. On estime qu’aujourd'hui une personne sur deux abandonne le processus d’entrée en formation, parce qu'il est trop complexe » explique Benoît Vallauri. Le projet consiste ainsi à concevoir et à expérimenter un formulaire unique (volontairement papier dans un premier temps) avec des volets dédiés aux différentes étapes de la démarche du point de vue de l’usager et pas des organismes, et qui suivra le demandeur tout au long de son projet.

Pour Sindye Dijourte, enseignante à Garge-lès-Gonesse le projet part d'un diagnostic personnel, comme enseignante. « Je me rendais compte, à la réunion parents-profs annuelle, qu’il y avait des parents qui ne venaient pas. Ou alors j'étais la dernière à terminer car je prenais le temps d'échanger avec les parents allophones. L’idée m'est venue de les inclure dans l'école pour qu'il n'y ait plus cette barrière qui aboutit à une succession de difficultés. Tout le monde savait qu’on avait des difficultés à communiquer mais ce n'était jamais une priorité » explique-t-elle. Une fois le projet sélectionné l'enseignante n'attend pas que aides de la DITP arrivent et met en place un projet pédagogique avec les élèves, qui vont l'aider à élaborer un nouveau bulletin et règlement intérieur avec les parents. Un langage universel à base de symboles et de pictogrammes (comme par exemple un pouce levé et des codes couleurs) sera utilisé pour le bulletin. Le projet aura aussi recours à la bande dessinée.

Carine Bonnerave est de son côté conseillère jeunesse à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) du Var. Elle porte un projet sur l’information et l'orientation des jeunes, collégiens et lycéens, issus des zones rurales du Moyen et Haut Var, avec une attention particulière portée aux jeunes déscolarisés. « Ce qui est ressorti du diagnostic et des parcours usagers que nous avons effectués, c'est que c'est au collège que les choses se jouent. Parmi les jeunes que l'on a pu rencontrer, l'orientation se joue parfois dès les classes de 5e et 4e. Pour les jeunes déscolarisés, soit on les a poussés dans une voie qui n'était pas leur choix, soit ils ont fait un apprentissage qui s’est mal passé. Après parfois trois ans d’inactivité, les professionnels doivent déployer une énergie de folie pour remettre ces jeunes dans un parcours d’insertion. C'est pourquoi il faut agir le plus en amont possible dans l’accompagnement pour éviter les ruptures de parcours » constate-t-elle.

Projet d'orientation du Var
Projet d'orientation de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) du Var.

La solution proposée est une offre globale de services (application numérique, chatbot, kit évènementiel…) avec une équipe mobile qui interviendrait le plus en amont possible au niveau du collège. « Elle investirait les bus scolaires pour nouer le contact, les villages pour essayer de toucher ces jeunes déscolarisés dits « invisibles » ainsi que tout jeune en demande d’informations et d’accompagnement. Elle construirait aussi des passerelles et animerait des temps forts avec les équipes des collèges et les professionnels du territoire. L'application numérique permettrait aux jeunes de se renseigner à tout moment. Comme les jeunes décrocheurs disent qu'ils ne vont pas vers le numérique, sauf pour le plaisir, ils ont donc besoin d'interlocuteurs de terrain, bienveillants et à l’écoute, qui les accompagnent » explique Carine Bonnerave. L'équipe mobile ainsi créée constitue une innovation de service qui s'insérerait dans une sorte de vide actuel entre les jeunes ruraux et l'institution, et sur un sujet de société déterminant.

Impacts et limites actuelles du design public de terrain

Même s'il est trop tôt pour évaluer l'impact du dispositif Défis Carte Blanche, on peut entrevoir qu'ils sont de plusieurs ordres. Ces projets de design public « bottum-up » permettent de court-circuiter un tant soit peu l'organisation en silo, de rassembler divers partenaires institutionnels, de repenser les services à partir de l'usager et des problèmes concrets, de travailler à l'optimisation et l'amélioration effective d'un service, de faire émerger enfin des solutions potentiellement transférables.

En ce sens, le projet des sapeurs-pompiers de Melun s'appuie sur la mise en place d'une tablette permettant d'effectuer un pré-diagnostic par les pompiers sur la base d'un standard international. L'objectif est de limiter le nombre de recours aux médecins de régulation, et le nombre de documents à renseigner par les différents acteurs. « On espère diminuer de 15 à 20% les sollicitation des médecins de régulation au niveau du Samu (...) Cela va aussi permette à nos équipes de se dégager des contraintes administratives lourdes pour pouvoir se concentrer sur l'humain » explique Thibaut Reffay. L'expérience initiée à Melun sera généralisée au département de la Seine et Marne en 2020. Par ailleurs, pour Benoît Vallauri du Ti Lab en Bretagne : « On a besoin que les nombreux partenaires de la formation coopèrent de manière sincère et aient des données interopérables. Quand on se centre sur l’usager, on sort des « dispositifs » en silo et on arrive à lever des freins qui sont plus d’ordre politique. Pour nous, c'est un projet qui est transposable : quand on aura livré la recette, elle pourrait être reprise dans une autre région ».   

D'autres projets semblent nécessiter des approfondissements plus spécifiques et ne sont pas transférables aisément. Sindye Dijourte a été mutée dans une autre région et son projet n’a pu se poursuivre au lycée de Garges-lès-Gonesse suite au départ simultané du proviseur adjoint. Elle souhaite néanmoins relancer cette initiative dans sa localité, et prenant un premier recul sur l’expérience, signale que élèves étaient très engagés et que les familles concernées ont exprimé que cette approche était exactement ce dont elles ont besoin. « Il y a des parents que je n’avais jamais vus, qui se sont déplacés pour échanger autour du travail de leur enfant. J'ai de vrais témoignages positifs ». Cependant les conditions de réalisation dans un contexte scolaire traditionnel furent complexes. « Même si j’ai beaucoup été aidée par la DITP, que cela m’a appris beaucoup de choses, cela m’a demandé énormément d’énergie alors que je n'étais pas rémunérée pour cela. Je pense qu’il faudrait indemniser au minimum les personnes dans ce type de projet car on ne sait jamais jusqu’où cela peut mener. Et pour avoir envie de continuer il faut que l’énergie déployée soit reconnue. Dans mon cas j’ai tout de même pu financer un buffet et une sortie pour les élèves qui ont participé au projet.».

Carine Bonnerave de la DDCS du Var dont le projet n'a pas été sélectionné pour la phase d'expérimentation souligne l'ambivalence de ces expériences lorsqu'ils portent sur des projets sociétaux complexes. « Actuellement la temporalité n'est pas idéale. Les échéances entre les différentes phases ne sont pas respectées. Les financements arrivent après coup et les prestataires doivent accepter d'être payés plus tard. Je pense qu'une délégation interministérielle chargée d’innovation devrait être plus réactive car cela génère une déperdition d'énergie et une démobilisation des acteurs de terrain. Pour la troisième étape, la DITP nous a dit que le projet était trop ambitieux pour pouvoir le déployer sur une année et arriver à en mesurer l'impact, que la tendance n’était pas au financement de services nouveaux. La démarche d’implication des usagers n’est pas non plus prise en compte. C’est pourtant une des clés de la réussite du projet. Du coup, cela peut donner l'impression d'être dans l'affichage. Pour ce qui est de la méthode en revanche, c'est super. Cela m'a donné un véritable coup de pouce pour avancer. J’ai également beaucoup appris des points de rencontres organisés à chaque étape ».

Si l'on voit bien que la « génération 2.0 » de l'innovation publique est un levier réel et puissant pour prendre en compte des problèmes de terrain autour de solutions techniques reproductibles, l'innovation adressant des contextes humains plus sensibles et complexes semble plus épineuse à ce stade. La limite apparaît autour des questions éducatives et sociales par exemple, où l’on peut observer que la simplification administrative et l'usage des technologies ne suffisent pas à répondre aux problèmes et déficits de l’action publique.

Pour le dire autrement, il est pertinent de repenser le langage administratif pour des publics éloignés, mais si les porteurs d’initiatives sont un peu seuls à défendre ces questions dans un environnement où les convictions ont été altérées, que les personnels clés sont mutés au milieu du processus, les projets auront du mal à prendre et s’inscrire dans la durée. L'entretien qui suit avec les chefs de projets de la DITP permet de mieux appréhender l'état des réflexions de la DITP sur ces défis d’innovation, notamment face aux situations nécessitant en plus d’une démarche, une forme de résilience collective.

«Sans impact concret dans la vie de nos concitoyens, il n’y a pas d’innovation »

Entretien avec Nicolas Journo et Jean-Baptiste Bodin qui sont chargés d'animer le dispositif Défis Carte Blanche à a la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP). Nous avons aussi échangé avec Baptiste N'Tsama qui a aussi contribué au lancement et à l'animation de ce projet, mais qui a aujourd'hui quitté la DITP.

Comment sont nés les Défis Carte Blanche et quels sont leurs principes fondateurs ?

Le programme est né d’un constat : les organisations publiques se prévalent de plus en plus d’innover. Pour autant les usagers n’en ressentent pas toujours les conséquences. Les démarches d’innovation peinent parfois à se traduire en amélioration concrète du service public. Avec le programme Défis Carte Blanche, nous voulions rendre l’innovation utile, c’est-à-dire mettre l’innovation au service des grands défis d’intérêt généraux qui se posent à l’action publique, renforcer l’exigence d’impact des projets innovants. Sans impact concret dans la vie de nos concitoyens, il n’y a pas d’innovation. C’est le premier principe fondateur du programme : partir d’un problème plutôt que d’une solution. Les idées ne manquent pas : chaque hackathons, challenges aboutit à son lot d’idées révolutionnaires censées résoudre tous les problèmes. Pour des résultats finalement très décevants. La solution est bien souvent contenue dans le problème ; mais ces problèmes sont d’une telle complexité qu’ils exigent de consacrer un temps important à établir un diagnostic, comprendre les tenants et les aboutissants, interroger et comprendre les usagers. Le second principe : mettre les agents publics et « ceux qui font » sur le terrain au cœur du dispositif. Parce ce qu’ils sont au contact quotidien des usagers, les agents publics sont celles et ceux qui savent le mieux à quel endroit l’action publique peut être améliorée, là où les services publics qui demeurent sont difficilement accessibles à certains, là où la satisfaction usager pourrait être renforcée. Ils sont également les plus à-même pour concevoir des réponses pertinentes face à ces améliorations, pour peu qu’on leur en donne les moyens. Le troisième et dernier principe, c’est de se tenir au plus près des usagers sur le territoire afin que les solutions soient conçues là où les difficultés se posent afin de s’assurer qu’elles soient adaptées à celles et ceux à qui elles sont destinées.

Le design public est encore une affaire d'experts, comment êtes-vous parvenus à susciter des projets de terrain ?

Nous n’avons pas mis le design en avant. Nombre d’appels à projets promeuvent une méthode, une technologie (IA, nudge, etc.). Résultat : plutôt qu’évaluer la pertinence du problème soulevé dans les projets candidats, on recherche des cas d’usages susceptibles de démontrer la pertinence de la méthode. Ici nous voulions expérimenter l’inverse, à savoir inviter les agents à soulever des problèmes qui les indignent, tels qu’ils se présentent à eux. Dès lors que le cahier des charges était très concret, il a intéressé des agents publics de terrain – enseignants, sapeur-pompiers, soignants, procureurs, etc. Charge à nous ensuite, avec les équipes lauréates, de réfléchir aux approches les mieux adaptées aux problèmes soulevés. Dès lors que les défis portaient souvent sur des problématiques de non-recours ou d’insatisfaction usagers, le design est rapidement apparu comme une méthode adaptée à l’accompagnement de nombreux projets. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes adjoint les services de l’agence de design Vraiment Vraiment lors de cette étape.

L’enjeu consistait aussi à faire connaître le programme Défis Cartes Blanches auprès des acteurs de terrain que nous ciblions. Nous avons activé nos relais auprès des territoires comme les laboratoires d’innovation territoriale des Préfectures, la 27e Région, les départements modernisation des ministères et opérateurs, les communautés professionnelles, etc. Nous avons aussi communiqué sur les réseaux sociaux. Au final, les candidatures sont venues pour un tiers de contacts de la DITP, un tiers par bouche-à-oreille et un tiers des candidatures étaient spontanées. Nous avons enfin mis en place une cellule d'accompagement avec un numéro de téléphone, joignable tous les vendredis après-midi et des ateliers d'accompagnement et avons fait quelque chose d'assez nouveau en demandant aux administrations de nous appeler avant d'envoyer le dossier pour requalifier le problème avec eux.

La démarche est inédite en France, vous êtes-vous inspiré d'expérimentations étrangères ?

Nous souhaitions nous-mêmes innover dans la gestion de nos programmes d’innovation. L’objectif était de stimuler l’initiative et d'encourager la prise de risque en ne finançant que chaque étape d’un projet. A chaque étape, une nouvelle sélection permettait de ne retenir que les projets les plus robustes. Les financements nécessaires aux premières étapes d’un projet étant réduites, les porteurs de défis étaient incités à faire preuve d’audace compte tenu du risque financier limité. Nous nous sommes inspirés du fonds de financement incrémental 10x mis en place par le gouvernement américain pour soutenir l’innovation numérique au sein de son administration.           Eux, vont encore plus loin car ils disposent de la capacité de financer le passage à l’échelle et le déploiement de solutions qui ont démontré leur impact. Nous nous sommes par ailleurs inspirés des démarches Entrepreneur d'intérêt général ou Les start-ups d'Etat.

Quels enseignements tirez-vous de ces deux premières phases ?

Nous avons fait une évaluation intermédiaire. Le premier enseignement c'est que le fait d'accompagner et de bien identifier le problème dans la partie initiale permet de déboucher sur des projets de grande qualité. Le deuxième enseignement transmis aux porteurs de projet c'est que concevoir une solution pour tout le monde, cela revient à faire des solutions qui ne sont adaptées à personne. C'est difficile de viser juste quand on vise très large. Autre enseignement, l’innovation naît parfois de la rencontre avec des acteurs « inhabituels » . Plusieurs participants du programme ont ainsi co-construit une solution avec des acteurs associatifs et de l’ESS. Dernier enseignement, si une enveloppe de 25 000 euros peut paraître modeste, pour un territoire c'est un levier gigantesque. Avec ces financements, nous avons réussi à mettre en mouvement 24 équipes et quasiment toutes poursuivent leurs travaux.

Quels ont été les critères de sélection des cinq projets lauréats ?

Les projets candidats à la phase d’expérimentation du programme Défis Cartes Blanches ont été évalués lors de trois comités de sélection réunis en juillet 2019. Ces comités étaient composés d'experts en matière de transformation publique, d’expérimentation et d’évaluation des politiques publiques. Les projets étaient évalués sur la base de quatre critères : le caractère innovant de la solution proposée ; l’impact potentiel de la solution pour les bénéficiaires de la politique publique ou les usagers du service ; la faisabilité du protocole d’expérimentation ; la perspective de pérennisation des résultats.

Comment voyez-vous l'essaimage à venir de la culture du design public  sur le terrain?

Notre évaluation a montré que les équipes ont vraiment le sentiment d'être montées en compétence en matière d’outils de conception de service orienté usagers, mais aussi que cela a fait tâche d'huile et essaimé au sein de leur structure. Elles ont créé une forme de mouvement qui a permis à leur organisation d'identifier concrètement ce que sont le design et l'innovation. Ces acteurs ont souvent fait leur première expérience au sein des projets de la DITP. On peut voir par ailleurs qu'il y a de plus en plus un besoin des administrations de développer leurs propres offres de service au plus proche du terrain, avec une vision réflexive sur ce qu'elles peuvent améliorer, notamment en lien avec la réforme des organisations territoriales de l'Etat. On constate à ce jour que là où il y a des laboratoires d'innovation, il y a plus de projets et ils sont de meilleure qualité parce qu'il y a cette culture de l'intelligence collective et l'idée que parler des problèmes n'est pas forcément mauvais. Il y a aussi un mouvement plus large au sein des administrations qui se forment de plus en plus à ces méthodologies. Ce que nous constatons à ce jour c'est que quand tout l'environnement autour des agents est favorable, cela semble plus légitime de prendre ce risque-là, qui est juste une nouvelle manière de penser et de concevoir.

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