Un parcours pour les cadres civils de l’armée

Le 26 juin 2022

Depuis 2020, le parcours d’intégration des cadres civils (PI2C) accompagne les jeunes cadres pendant les cinq premières années suivant leur affectation. Mentorat, journées intitulées « Vis mon poste », formation à la prise de poste à l’Institut des hautes études de Défense nationale (IHEDN), séances de co-développement et formation : ce parcours vise à fidéliser les cadres et à les accompagner dans leur évolution de carrière. Rencontre avec Léa Hoyez, chargée d’études mobilité et innovation ressources humaines (RH) au ministère des Armées, lauréate 2021 des Avant-premières de l’action publique1.

Comment ce parcours a-t-il vu le jour ?

Il est né grâce à deux personnes : Gabrielle Touret, coach en développement managérial, et ancienne cheffe du bureau compétences et mobilité et Victoria Orsini, adjointe à la cheffe du bureau politique de formation. L’objectif était de rénover la formation initiale à la prise de poste. On avait constaté le manque d’attractivité pour les cadres qui partaient vers des ministères plus rémunérateurs ou leur fournissant davantage de contacts. Au-delà de la formation initiale, elles ont travaillé sur un parcours pour fidéliser les cadres civils. Conceptualisé à partir de 2017, il a démarré en septembre 2018. Aujourd’hui, il concerne 400 personnes, réparties en quatre promotions, pour l’instant uniquement des cadres dont c’est la première affectation. L’objectif est de l’étendre, à terme, à d’autres corps tels que les ingénieurs civils de la défense et à d’autres modes de recrutement, notamment aux contractuels. Idéalement nous souhaitons le mettre en place pour toutes les catégories d’agents.

Les moments les plus appréciés de ce parcours restent l’immersion dans les armées et la formation à IHEDN. L’immersion avec son côté ludique vise une prise de conscience des fonctions militaires. Elle aide les cadres à se projeter, à mettre leurs missions en perspective. La formation à l’école militaire, prévue pour des profanes, aborde des sujets géopolitiques, de défense, qui ne sont pas forcément dans leurs prérogatives. Ils se réunissent pendant une semaine entière et ont la sensation de participer à la réflexion sur la Défense nationale. Les journées de rassemblement, une par an pour chaque promotion, comprennent des visites de musées, d’établissements patrimoniaux ainsi que des ateliers de co-développement.

Pour les séances de co-développement les attachés choisissent différentes problématiques professionnelles, pas uniquement des projets. Nous avons de bons retours de la part de personnes y participant, ils témoignent repartir avec des outils pour faire évoluer leur situation. Ces séances se déroulent une fois par an, à partir de la deuxième année, soit quatre séances tout au long du parcours. L’objectif est de la sensibiliser à l’impact que peut avoir l’intelligence collective.

Ce parcours répond-il à un objectif chiffré en termes de recrutement des cadres civils ? Quels sont ses objectifs et quels sont les indicateurs d’évaluation ?

La qualité de l’expérience de l’agent prime, car elle va répondre à un double enjeu : la fidélisation des agents et la performance de l’administration. Nous venons d’intégrer notre quatrième promotion, pour l’heure nous n’avons pas clôt un cycle complet. Nous commençons à avoir des chiffres sur les mobilités internes et externes, mais ils sont faussés en raison de la situation sanitaire. Nous avons cependant de bonnes raisons de penser que le programme atteint ses objectifs même si l’on ne fidélise pas l’ensemble de la promotion.

Comment se déroulent les séances de mentorat ?

Le dispositif de mentorat, à l’origine informel, se basait sur un échange avec un référent, permettant au nouvel arrivant d’apprendre les usages, les normes, de poser des questions qu’ils ne souhaitaient pas poser aux ressources humaines. Ce dispositif est en pleine rénovation, nous voulons le « muscler ». Les référents seront désormais plus expérimentés et les échanges se centreront sur le domaine professionnel, l’objectif étant de parler de la diversité des carrières. D’une part, nous retravaillons sur l’appel lancé aux candidats afin de pouvoir présélectionner un vivier de futurs talents, de l’autre, nous œuvrons afin de trouver des contreparties, des avantages, des bénéficies aussi bien pour le mentor que pour le mentoré. S’engager dans un tel dispositif requiert du temps, raison pour laquelle il semble important que les deux parties puissent y trouver un intérêt.

Pourriez-vous nous en dire plus sur le dispositif « Vis mon poste » ?

Ce dispositif est mis en place avec l’employeur, le supérieur hiérarchique direct de la personne concernée. À partir de la fiche de poste, on sélectionne quatre à six interlocuteurs réguliers : un attaché de gestion RH ira voir un gestionnaire RH, un soutien en base de défense, un attaché dans un service. L’objectif : connaître les contraintes des interlocuteurs, ses impératifs techniques afin d’éviter les écueils. Cela permet de travailler de manière à la fois plus confortable et plus efficace.

Qu’en est-il de l’accompagnement au parcours de carrière ?

Des expertes, formées au coaching, reçoivent les attachés en demi-groupes et en individuel à mi-parcours en troisième et cinquième années. Ils travaillent ensemble sur les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour choisir leur futur poste, pour prétendre à l’examen, pour avoir un parcours cohérent. Certains attachés se retrouvent toujours dans les mêmes types de fonctions ou de structures et sans responsabilités managériales. Pour devenir attaché principal, il faut avoir un parcours cohérent, on les accompagne dans la construction d’une stratégie.

Nous sollicitons les « élèves » afin qu’ils nous indiquent ce qu’il faut améliorer, ce dont ils auraient pu avoir besoin, afin que la formation réponde au mieux à leurs besoins. Je fais aussi des sondages via une plateforme en ligne. Si tout le monde ne s’exprime pas, cela permet néanmoins de recueillir des éléments intéressants. Plus qu’un sondage annuel, j’aspire à organiser des enquêtes « flash » plus régulières. J’ajoute que le ministère est labellisé par l’Association française de normalisation (AFNOR), nous souhaitons donner une place de plus en plus grande à l’égalité femme-homme. D’ailleurs si une femme, ou une personne issue de la diversité, veut être mentorée par une femme ou une personne issue de la diversité ce sera bientôt possible, tout en veillant à ne pas enfermer les gens dans leur singularité.

  1. L’association des jeunes agents publics, Fonction publique 21 (FP21), a organisé la deuxième édition des Avant-premières de l’action publique en novembre 2021 pour valoriser le travail de jeunes agents qui œuvrent pour l’innovation managériale (l’éco-responsabilité, l’expérience usager, la gestion de crise et l’intégration des nouvelles générations d’agents).
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