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Le dialogue social avec la société civile : enjeux et perspectives

Le 3 juillet 2018

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est à la fois la maison des corps intermédiaires et le lieu de la démocratie participative où des dizaines de millions de Françaises et de Français sont représentés (artisans, chefs d’entreprise, commerçants agriculteurs, syndicats de salariés, associations de jeunes et de défenses de l’environnement, etc.). Avec la réforme constitutionnelle portée par le gouvernement1, le CESE va se transformer en Chambre de la société civile.

Résumé

Depuis quelques années, l’avènement de la civic tech a entraîné une multiplication des consultations citoyennes en ligne (ex. : états généraux sur la bioéthique, projets de réformes des retraites plus récemment2). Ces nouveaux outils à disposition des pouvoirs publics contribuent à stimuler les débats et à mieux prendre en compte la parole des citoyens.

Le CESE est déjà engagé dans la voie de la transformation numérique. Le 11 avril dernier, il adoptait en séance plénière l’avis sur l’orientation des jeunes. L’adoption de cet avis marque une véritable innovation puisque les rapporteurs et la section de l’éducation de la culture et de la communication ont eu recours à une plateforme de consultation en ligne. Cette dernière offrait aux citoyens participants de contribuer pour faire évoluer le débat.

Avec la réforme portée par le gouvernement, le CESE va devenir la Chambre de la société civile. Ce changement de nom est emblématique et acte une institutionnalisation de la démocratie participative. D’ailleurs, ce nouveau nom revêt une portée institutionnelle importante et répond à une attente forte des Français. Le terme « chambre » est une appellation courante à l’étranger pour des assemblées constitutionnelles. C’est donc une réelle reconnaissance pour les corps intermédiaires.

Cette nouvelle chambre se verra enrichie de nouvelles attributions. Tous les projets de loi de son ressort – ayant un objet économique, social et environnemental – feront l’objet d’un avis de la chambre et ce avant la transmission du texte par le conseil des ministres au Parlement. Il s’agit d’une évolution majeure qui inscrit la future Chambre de la société civile dans le processus d’élaboration de la loi et lui confère ainsi un rôle incontournable au regard du fonctionnement des institutions, un rôle consultatif. Cette future Chambre de la société civile aura aussi pour tâche d’organiser la consultation du public.

Depuis plusieurs années, la digitalisation de la société s’invite dans le quotidien des citoyens. Il n’est pas rare de se voir demander son avis via des outils numériques et ce, sur tout ce qui aurait trait aux activités quotidiennes (restaurants, cinéma, etc.). Cette digitalisation s’est également invitée dans la chose publique. Le sentiment de défiance que peuvent éprouver certains de nos concitoyens à l’égard des institutions a eu raison d’un éloignement progressif de ces derniers du vote, unique moyen d’expression légitime à ce jour pour faire valoir ses idées.

Or, certains ont su prendre acte de ces déceptions et, par l’innovation technologique, cherchent à rapprocher le citoyen déçu des pouvoirs publics. L’idée de susciter l’intérêt aux décisions publiques passe désormais par le numérique. Civic tech, consultations en ligne telles qu’ont pu être mises en œuvre lors des états généraux sur la bioéthique ou encore sur les projets de réformes des retraites, sont de nouveaux outils à disposition des pouvoirs publics qui contribuent à stimuler les débats et prendre en compte la parole des citoyens. Nous assistons donc à la naissance d’une nouvelle ère, où la démocratie se réinventerait, où la représentation du social semble se doter de nouveaux leviers.

En tant que président de la 3e assemblée constitutionnelle de la République, je vois au travers de la transformation numérique un moyen essentiel pour enrichir nos avis. Il s’agit également d’un souhait de la part des citoyens qui cherchent à faire valoir leurs attentes, ce qu’attestent 79 % de Français qui souhaiteraient donner aux citoyens la possibilité d’utiliser une plateforme de pétition en ligne pour saisir le CESE sur un sujet qui préoccupe la société.

Le CESE : maison des corps intermédiaire

« Quid des corps intermédiaires ? », diront certains. Je suis certain qu’il ne faille pas tomber dans ces travers, bien que nous n’échappions pas à cette défiance que je mentionnais. Toutefois, il convient de se moderniser, de prendre le train de la digitalisation, mais en aucune façon ils ne doivent être remis en cause.

Le Conseil économique, social et environnemental, qui est une assemblée complexe tant par sa composition que dans ses prérogatives, reste néanmoins une assemblée résolument moderne. Elle est la maison des corps intermédiaires. Et plus encore il est le lieu de la démocratie participative et non de la démocratie sociale, où sont représentées des dizaines de millions de Françaises et de Français (artisans, chefs d’entreprise, commerçants agriculteurs, syndicats de salariés, associations de jeunes et de défenses de l’environnement, etc.), au travers des membres de l’assemblée issus des 80 organisations la composant. De concert, ils étudient une question sociale ou sociétale en dressent un état des lieux et expriment le ressenti des citoyens qu’ils représentent par des préconisations partagées.

J’aime à dire que oui, le CESE constitue le trait d’union entre les citoyens et les pouvoirs publics. Il s’empare de sujets préoccupants pour les Français. Les conseillers, issus des 80 organisations, débattent parfois vivement, mais contribuent à l’évolution de notre société par leurs avis.

Le conseil est le lieu où le dialogue peut s’opérer. Oui, le travail de concert entre des organisations qui auraient des intérêts parfois divergents, offre des publications montrant le niveau d’acceptabilité sociale d’un sujet. À ce titre, 85 % des Français estiment à ce jour qu’il est important qu’existe en France, une institution où les différentes organisations de la société civile puissent débattre des enjeux de société. L’assemblée que je préside ne sort donc que renforcée par ces attentes. Nous devons participer à cette modernisation pour pallier le manque de modernité dont souffrent certaines autres.

Le CESE à l’heure de la transformation numérique

Ce qui a déjà été mis en œuvre au CESE :

Le CESE est résolument moderne, et à ce titre il ne doit pas échapper à la transformation numérique. Le 11 avril dernier, nous adoptions en séance plénière l’avis sur l’orientation des jeunes. L’adoption de cet avis marque une véritable innovation puisque les rapporteurs et la section de l’éducation de la culture et de la communication ont eu recours à une plateforme de consultation en ligne. Cette dernière offrait aux citoyens participants de contribuer pour faire évoluer le débat. Je me félicite de la participation sur cette plateforme, et réitère mon engagement d’associer davantage les citoyens au processus d’élaboration des avis. C’est là le sens de mes engagements pris en début de mandat. Par ailleurs, les orientations prévues par le projet de réforme des institutions présenté en conseil des ministres le 9 mai dernier nous prédestinent à devenir le carrefour de la consultation publique.

Ce que la réforme apportera à l’institution :

Le CESE va devenir la Chambre de la société civile. Ce changement de nom est emblématique et acte une institutionnalisation de la démocratie participative. D’ailleurs, ce nouveau nom revêt une portée institutionnelle importante et répond à une attente forte des Français. Je tiens à rappeler que le terme « chambre » est une appellation courante à l’étranger pour des assemblées constitutionnelles. C’est donc une réelle reconnaissance pour les corps intermédiaires.

En effet, dans un sondage Ifop mené en février dernier, 80 % des Français considèrent que les organisations de la société civile sont indispensables pour porter les préoccupations des citoyens, d’autant plus que 86 % d’entre eux pensent que la France doit disposer d’une institution représentative de la société civile.

Aussi, cette nouvelle chambre se verra enrichie de nouvelles attributions. Tous les projets de loi de son ressort – ayant un objet économique, social et environnemental – feront l’objet d’un avis de la chambre et ce avant la transmission du texte par le conseil des ministres au Parlement. Il s’agit d’une évolution majeure qui inscrit la future Chambre de la société civile dans le processus d’élaboration de la loi et lui confère ainsi un rôle incontournable au regard du fonctionnement des institutions, un rôle consultatif. Nous serons situés en amont de la loi, et ce avant toute transmission du texte par le conseil des ministres au Parlement. Cette étape dans le processus de construction législatif accorde une place centrale aux corps intermédiaires et fait de cette instance, le lieu de la démocratie participative. La parole citoyenne sera prise en compte grâce à une compétence rénovée et accrue en matière de pétitions citoyennes. Les citoyens seront également associés aux travaux de l’institution sous différentes formes.

Par ailleurs, la future Chambre de la société civile aura pour tâche d’organiser la consultation du public ; cette mission fait écho à la déclaration du président de la République du 30 janvier dernier dans laquelle il souhaitait que le gouvernement puisse déléguer des consultations publiques sur tout projet de réforme au CESE avec la responsabilité de rechercher la participation du plus grand nombre.

Enfin, l’examen des conséquences à long terme des décisions des pouvoirs publics sera également confié à la Chambre de la société civile qui devra faire appel à l’expertise de la communauté scientifique, pour une meilleure prise en compte de l’avenir dans ses avis.

Cette réforme montre bien cette volonté qu’a l’exécutif d’oxygéner la démocratie. En effet, au regard de la forte demande de participation des citoyens, le CESE, institution indépendante et non partisane, leur permet de trouver ainsi une issue institutionnelle à leur expression.

Ces nouvelles orientations qui se dessinent pour la future Chambre de la société civile réitèrent les annonces du président de la République. En effet, cette révision de la Constitution semble clarifier le rôle des trois assemblées. Elle réaffirme celui du CESE qui se doit d’être un élément de la vitalité démocratique du pays en tentant d’apaiser les débats. Elle est une nécessité pour les corps intermédiaires et la société civile de manière générale. Je le réitère, sa place dans le processus démocratique est indispensable.

Les enjeux contemporains que je mentionnais précédemment nous incitent à moderniser nos outils, avec pour seul objectif qui est de représenter le social. D’ailleurs, dès 2016, nous le préconisions dans un avis sur le développement de la culture du dialogue social en France (co-rapporté Luc Berille et Jean-François Pillard). À ce titre, nous faisions le constat que le développement des technologies numériques, outre de contribuer à la transformation des emplois, des métiers et de l’organisation du travail, ouvrait par ailleurs des perspectives de transformation pour le dialogue social lui-même. Dès lors j’y vois une chance en termes d’engagement citoyen et de mobilisation.

Je tiens cependant à mettre en garde contre une certaine faille démocratique que pourraient façonner ces technologies numériques. En effet, je me félicite d’avoir été élu par une large majorité, ce qui est le gage d’un vote de confiance par les conseillers au CESE. Et par ce contrat moral, je tiens à clarifier la place que doivent occuper ces organisations dans leur participation au débat public. La légitimité des organisations ne doit en aucun cas être remise en cause par l’avènement technologique, qui privilégie les liens directs avec les citoyens. Toutes agrégées, ces organisations se font les porte-voix de plusieurs millions de citoyens, qui par leur engagement et implication en leur sein, légitiment les prises de positions, et des défenses d’intérêts. Ces intérêts sont sans aucun doute parfois divergents, mais c’est bien ça qui fait la force de notre maison, celle de réunir des organisations qui sont capables de dialoguer, travailler de concert et offrir par ce dialogue, des travaux d’une qualité rare.

1. Le Conseil économique, social et environnemental deviendra la Chambre de la société civile. Composée de représentants de la société civile, elle éclairera les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en particulier à long terme. Elle organisera la consultation du public et aura aussi vocation à accueillir et traiter les pétitions dans un cadre rénové. Elle sera systématiquement saisie des projets de loi ayant un objet économique, social et environnemental. Compte rendu du conseil des ministres du 9 mai 2018, « Pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace »

2. Interview de Jean-Paul Delevoye, « Je fais le pari de l’intelligence collective », Horizonspublics.fr 22 juin 2018 ;

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