Revue
CartoscopieTiers-lieux : vers une filière économique d’hyperproximité dans les territoires
Repair café, living-lab, espace de coworking... Des tiers-lieux apparaissent depuis plusieurs années dans toute la France. L’intérêt des acteurs publics à leur égard s’est encore manifesté en septembre 2023 avec l’annonce par l’État d’une nouvelle vague de sélection de Fabriques de territoires (programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » de l’Agence nationale pour la cohésion du territoire). Quels enjeux pour ces structures marquées par une forte hybridité ?
Nous avons échangé avec Patrick Lévy-Waitz, Président du Groupement d’Intérêt Public France Tiers-Lieux. Au-delà des actions ponctuelles récentes, ce dernier insiste sur l’importance pour l’État de faire des tiers-lieux une vraie priorité de long terme, comme véritable vecteur de la planification écologique.
Les tiers-lieux sont-ils un fait métropolitain, et pourquoi se multiplient-ils ces dernières années ?
Si les tiers-lieux étaient connus dans les grandes villes sous la forme d’espaces de co-working, la notion même de tiers-lieux a surtout émergé à l’aune des nombreuses structures existant partout dans le territoire.
Parce qu’ils fonctionnent dans une logique d’hyperproximité, on les trouve aussi bien en ville qu’en zone rurale, dans un quartier prioritaire comme dans un centre-bourg.
De la même façon que les maisons des jeunes et de la culture (MJC) avaient émergé dans la seconde moitié du XXe siècle face à l’évolution de la société et des loisirs, les tiers-lieux constituent une réponse locale à un certain nombre de besoins. Lesquels ? L’impératif de transition écologique, le développement du numérique, l’évolution de nos pratiques professionnelles. Ils apparaissent aussi pour faire face à des disparitions : diminution du tissu industriel, recul des services publics ou désertification rurale.
Quelles relations possibles entre acteurs publics et tiers-lieux ?
Souvent initiés par des collectifs privés, associatifs ou coopératifs, les tiers-lieux intriguent les acteurs publics. Au plan national, les décideurs tâchent de comprendre et de gérer un secteur mouvant et en constante évolution. Les tiers-lieux représentent un vaste réseau de très grande proximité qui s’attelle à imaginer des solutions aux enjeux de notre société.
L’État et les collectivités locales doivent se positionner en accompagnateurs, en facilitateurs – y compris sur le plan financier. Les tiers-lieux constituent un pan de l’économie au même titre que d’autres branches qui bénéficient historiquement de l’accompagnement de l’État, sous forme de subventions ou d’exonérations fiscales par exemple.
Quelles sont les perspectives pour ces écosystèmes ?
Les tiers-lieux sont un fer de lance pour agir, travailler, être solidaire autrement. Pour bâtir des modèles économiques différents. Si certaines fragilités sont parfois observées, les structures expérimentent et cherchent le modèle qui leur convient le mieux, avec la résilience qui est la leur. En 2023, elles ont généré près d’un milliard d’euros de revenus (dont la moitié en privé et non en subventions publiques). Cela ne fera que croître dans les années à venir avec la consolidation d’une véritable filière économique d’hyperproximité qui crée qui du lien dans les territoires.