Xavier Boivert, Directeur général des services de la commune de mordelles (Ille-et-Vilaine)

Xavier Boivert
Le 23 juin 2022

Directeur général des services de la commune de mordelles (Ille-et-Vilaine), Xavier Boivert est le co-pilote des Partenariats des savoirs (PdS). Cette démarche, lancée en 2018 par le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT), convie des cadres dirigeants du privé et des universitaires à se joindre aux DGS pour coconstruire une réflexion aux retombées multiples. Les PdS ont tenu leurs premières assises à Niort les 24 et 25 mars 2022. Xavier Boivert revient pour Horizons publics sur le sens de cette démarche et sur les sujets d'actualité explorés durant ces premières assises : la transition écologique des territoires, l'innovation managériale et la maîtrise des risques.

1 – Les Partenariats des savoirs (PdS), c’est quoi ?

Cette démarche a été lancée par Jacky Benhamou, vice-président du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) en charge des partenariats, qui pilote plus spécifiquement l’axe innovation managériale. Un autre axe, sur la transition écologique, est animé par Corinne Hervé, vice-présidente nationale honoraire, et je pilote le troisième axe consacré à la maîtrise des risques au sens large.

Les PdS ont pour ambition de faire collaborer trois sphères : DGS, cadres dirigeants du privé et universitaires, dans des dynamiques co-construites alors qu’habituellement ces trois sphères fonctionnent en parallèle dans les mêmes écosystèmes territoriaux, se rencontrant notamment à la faveur de la commande publique.

Les Partenariats des savoirs ont pour ambition de faire collaborer trois sphères : DGS, cadres dirigeants du privé et universitaires, dans des dynamiques coconstruites alors qu’habituellement ces trois sphères fonctionnent en parallèle dans les mêmes écosystèmes territoriaux, se rencontrant notamment à la faveur de la commande publique.

C’est pourquoi, par exemple, j’ai piloté un atelier sur la commande publique. Son objet premier a été la maîtrise des risques dans les marchés publics, l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), partenaire du syndicat, a présenté son analyse des risques liés à leur activité. L’atelier en a retiré une matière précieuse et l’a transformée pour la rendre plus accessible et utile aux dirigeants de collectivité et donc pour nos adhérents. Pour nous assurer de la pertinence de cette démarche, nous avons organisé cette année des assises et nous avons notamment proposé un questionnaire aux 150 personnes invitées. Soixante d’entre eux ont répondu et la plupart nous disent que les PdS sont utiles aux DGS. Pour revenir à notre projet, je retiendrais que ce qui fait l’intérêt des PdS est le croisement de ces trois regards, car il permet de dégager des solutions concrètes : l’expert va se diriger vers la recherche-action, le partenaire privé va proposer ses solutions opérationnelles et le DGS va exprimer des besoins et partager son expérience. Les PdS proposent ainsi, d’une certaine manière, de revenir aux fondamentaux, en créant une matière commune aux trois entités.

2 – Communiquer sur les savoir-faire

Nous devons encore mieux communiquer sur les thèmes travaillés, sur les livrables produits, les savoir-faire développés et être en mesure de mieux animer l’écosystème que nous avons créé. Pour ce faire, l’implication de tous les acteurs reste une clé du succès pour dessiner un projet d’avenir. Nous avons aussi prévu de nous doter d’un outil collaboratif dédié pour permettre ce travail d’échanges, qui percole et bouscule certains préjugés pour se transformer en une forme d’incubateur. Certains parlent de mécénat de compétences… c’est un peu tout cela à la fois. Les experts peuvent ainsi enrichir leur champ de recherche, les partenaires tester des solutions pratiques innovantes, le DGS conforter ses domaines de responsabilité.

Un logo a été créé pour renforcer la visibilité de la démarche.

3 – Maîtrise des risques

Pour aller plus loin concernant l’étude sur les risques des marchés publics, nous nous sommes attachés à travailler surtout leurs enjeux stratégiques, là où le DGS peut avoir un réel impact. Il s’agissait ensuite de qualifier les risques, de savoir ceux qui vont concerner un DGS dans son quotidien et d’envisager une façon de les gérer. Lors de nos échanges avec Julien Martin, professeur de droit public, membre de l’atelier et contributeur d’un autre partenaire clé, Lexis Nexis, j’ai été frappé par l’écart entre nos perceptions respectives du risque : un DGS doit en permanence intégrer le risque dans son action alors que pour un professeur, un législateur, un juge, etc., le risque est un vague concept qui cède vite la place aux faits, avérés ou non… Cette connaissance mutuelle des perceptions et des réalités de chacun est précieuse en elle-même et permet de mieux appréhender la pratique à mettre en œuvre pour les DGS. Et je pense que chaque DGS peut faire de sa collectivité un petit laboratoire, en relation avec ses partenaires.

Lors des assises de Niort en mars 2022, nous avons aussi essayé de tracer les pistes pour l’avenir. Concernant la maîtrise des risques, la priorité a été donnée à la notion de souveraineté numérique, de cybersécurité et de son impact sur les risques psycho-sociaux. Nous pourrions notamment envisager la réalisation d’un guide de bonnes pratiques ainsi que d’un outil d’évaluation (ou autoévaluation). Beaucoup de sujets ont été évoqués lors des assises, mais la cybersécurité s’est imposée, car c’est une nouvelle source d’insécurisation de l’agent, qui doit être informé de la manière d’y faire face. Par exemple, l’agent doit être rassuré sur le fait que les règles qu’on lui demande d’observer sont là pour le protéger si, par exemple, il cause malgré lui une attaque de hackers. Cette notion de souveraineté numérique de la collectivité se concrétise également par la pression des réseaux sociaux. Les élus ont l’habitude d’être attaqués par les habitants ou les associations sur les projets qu’ils mènent et c’est une nécessité républicaine. Mais jusqu’où l’élu peut-il aller ? Parle-t-il en son nom ou au nom de la collectivité qu’il représente ? Comment l’agent peut-il gérer cette nouvelle dimension du service public de proximité ?

Les enjeux, tous les DGS et les citoyens les connaissent : quelle action publique pour l’eau, l’énergie, l’air, les émissions de carbone, la pollution liée au bruit, aux odeurs, etc. Nous devons disposer des outils pour assurer ce monitoring dans les meilleures conditions et cela pose plusieurs questions de principe : comment mener à bien un constat de départ ? Comment s’appuyer sur une méthodologie simple et lisible pour les élus, les habitants, les services ? Comment les avancées de ces projets sont-elles relayées dans le débat public ?

Voilà en résumé quelques pistes tracées et il y en a de nombreuses autres, portées par les nombreux participants à cette journée de travail avec les partenaires du syndicat et de nombreux universitaires présents.

4 – Transition écologique des territoires

Sur ce thème, nous avons travaillé lors des assises de Niort autour de plusieurs axes : le monitoring des paramètres environnementaux sur les territoires, la construction et la formation de l’écosystème capable d’agir efficacement à l’échelon local, avec la production future d’un livre blanc et les finances publiques au service du développement durable. Le monitoring est central : comment suivre la transition environnementale, quels sont les critères sur lesquels nous établissons que nous allons dans la bonne direction ? Les enjeux, tous les DGS et les citoyens les connaissent : quelle action publique pour l’eau, l’énergie, l’air, les émissions de carbone, la pollution liée au bruit, aux odeurs, etc. Nous devons disposer des outils pour assurer ce monitoring dans les meilleures conditions et cela pose plusieurs questions de principe : comment mener à bien un constat de départ ? Comment s’appuyer sur une méthodologie simple et lisible pour les élus, les habitants, les services ? Comment les avancées de ces projets sont-elles relayées dans le débat public ?

Je pense que chaque DGS peut faire de sa collectivité un petit laboratoire, en relation avec ses partenaires.

Nous disposons d’outils, dont certains sont proposés par les partenaires du SNDGCT. Nous travaillons notamment avec Enedis pour étalonner une démarche vertueuse en énergie. Le représentant de Lify Air, qui était rapporteur de cet atelier à Niort, rappelait, quant à lui, que nous pouvons agir pour informer les populations des mesures de protection à prendre face aux évolutions naturelles, parfois périlleuses pour l’humain. Sur tous les sujets de la transition, le travail réalisé dans les PdS sur différents sujets nous conduit à constater que l’important est finalement que chaque territoire définisse son plan d’action, en fonction de ses acteurs et de ses dynamiques. Le monitoring dépend d’abord des capteurs disponibles et de notre capacité d’interprétation. Si l’un des acteurs a mis en place des capteurs, il faut essayer de les mettre en commun, les enrichir, en faire des leviers de la transition écologique. S’il manque des capteurs, il faut mobiliser le territoire et trouver la meilleure façon de construire ces données, de façon cohérente avec les politiques visées, mais aussi les réalités du territoire. Cela vaut pour l’énergie, l’eau, les déchets, mais en réalité, cela concerne la santé, les habitudes de consommation et finalement, le fonctionnement de notre société. Nous sommes devant de gros défis à relever et nous devons prendre la mesure de la manière de nous avançons vers un traitement efficace de tous les sujets. L’objectif est bel et bien de franchir une étape importante, car si nous connaissons les urgences, nous avons du mal à les traiter. Nous devons mieux nous former, tous, à la transition écologique. Nous souhaitons ainsi multiplier le partage des cas d’usages et créer les meilleures conditions de leur réplication.

5 – Innovation managériale

Sur ce volet important des PdS, nous avons envisagé un travail sur trois thèmes : le management hybride, l’attractivité des métiers et le management agile.

Sur le management hybride, c’est une réponse à apporter au plus vite face à une notion d’hybridation encore peu connue, mais qui semble la nouvelle norme dans tous les aspects de la vie actuelle et nos processus professionnels sont tout particulièrement concernés. Le télétravail a mis au goût du jour le management hybride et nous devons mieux appréhender cette évolution, pour en faire un outil de qualité, en recréant du collectif là où le télétravail pourrait être perçu comme une menace. Certaines idées ont émergé lors des assises de Niort, comme la généralisation d’une charte de la connexion et de la déconnexion, l’élaboration d’un guide avec des préconisations des directeurs généraux qui clarifient la règle du jeu auprès des agents ainsi que la gestion des risques puisque de nombreux agents, et on en parle moins, ne se sentent pas à l’aise avec le télétravail. Un autre thème semble se dégager de nos réflexions avec les universitaires et nos partenaires : la question de l’attractivité des métiers. La pression observée dans de nombreux secteurs d’activité touche de plein fouet l’administration territoriale et nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer l’attractivité de nos métiers, bien au-delà des seules conditions financières, sur lesquelles nous avons peu de maîtrise. Les enjeux sont connus, mais doivent être rendus prioritaires : favoriser les mobilités internes, miser plus la compétence que sur le métier, faire comprendre à tous les agents qu’ils sont en mesure d’embarquer dans un projet personnel au sein de la collectivité. Enfin, le thème du management agile et toute la littérature actuelle sur le sujet en fait une question privilégiée des PdS et plusieurs partenaires se sont dits « intéressés » pour travailler dessus. La question suivante a été formulée : comment potentialiser tous ces atouts, comment dynamiser une force collective ?

Et maintenant ?

Le bilan des assises de Niort sera présenté à la conférence nationale du SNDGCT qui se réunira le 1er juillet 2022. Le syndicat décidera dès lors des suites à donner à la démarche : « Cette suite devrait se mettre en place dans la seconde partie de 2022 avec la structuration des ateliers et les premières réunions de travail. Un point d’étape sera fait au congrès de Bordeaux du SNDGCT en octobre 2022, explique Xavier Boivert. Pour les prochaines assises, elles seront liées aux travaux à venir et prendront probablement une autre forme, que nous aurons à définir. C’est aussi cela, les PdS : l’adaptation de la démarche aux besoins et aux réalités du terrain », conclut-il.

Créé en 1948, le SNDGCT est une organisation professionnelle qui regroupe des dirigeants territoriaux des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des établissements publics (DGS, DGA, cadres de direction actifs ou retraités). Le syndicat compte aujourd’hui 4 000 adhérents, dont plus de 3 000 en activité. Il se compose d’unions régionales, elles-mêmes déclinées en sections départementales.

Nous avons engagé un travail de fond sur le management hybride, l’attractivité des métiers et le management agile. 

Donner corps aux interdépendances

Dans le n13 d’Horizons publics1, Jacky Benhamou, vice-président du SNDGCT en charge des partenariats, assurait : « Nous sommes en interdépendance avec le monde de l’entreprise et de la recherche. » Le SNDGCT invite des acteurs du privé et de la sphère universitaire à se joindre à lui pour mettre en place un PdS. Une démarche de co-construction dont la finalité est d’apporter aux DGS des collectivités un éclairage de bonnes pratiques relatives aux nombreuses transitions de toutes natures dans nos territoires : « Nous sommes, nous, DGCT, confrontés aux mêmes difficultés que nos partenaires privés et universitaires. Comment travailler sur les transitions en cours, qu’elles soient écologiques, numériques ou sociétales ? Comment croiser nos expertises ? Nos problématiques convergent, les solutions que nous y apportons sont interdépendantes. On ne peut plus réfléchir seul, chacun dans notre coin. Prenons le cas de la gestion des déchets : on construit de plus en plus déchèteries spécialisées et nous produisons toujours plus de déchets. La solution n’est-elle pas de réduire à la source la production des dits déchets ? Comment les professionnels, les universitaires et les collectivités peuvent-ils réfléchir à cette question ? », explique-t-il.

  1. Menu S., « Jacky Benhamou : “Nous sommes en interdépendance avec le monde de l’entreprise et de la recherche” », Horizons publics janv.-févr. 2020, no 13, p. 12-13.
×

A lire aussi