Comment le sexisme dans la vie politique locale agit comme un révélateur d’enjeux de transformation

Les Ambassadrices du réseau Élues locales réunies aux Journées nationales des femmes élues
Les Ambassadrices du réseau Élues locales réunies aux Journées nationales des femmes élues en novembre 2022.
©Clémence Hérout
Le 16 janvier 2023

Les 25 et 26 novembre dernier le réseau national Élues locales organisait à Paris la 11e édition des Journées nationales des femmes élues (JNFE) à Paris. Les deux journées d’échange et de formation commençaient par une conférence de presse sur la question des comportements et violences sexistes dans la vie politique locale. Nous avons rencontré des porte-paroles du réseau afin de mettre en perspective les constats et pistes d’actions proposées par le réseau Élues locales.

Le réseau Élues locales a été créé en 2012 par Julia Mouzon, actuelle présidente. Ce réseau a pour objectif de défendre l’égalité femmes hommes dans la vie politique, de faire en sorte d’atteindre la parité notamment dans les communes de moins de 1000 habitants et plus généralement de soutenir toutes les femmes qui s’engagent dans un mandat local. Ce réseau trans-partisan est constitué d’ambassadrices réparties sur un peu plus de la moitié des départements et propose des formations pour femmes élues sur de nombreux sujets, notamment celui de la prise de parole, des finances, de l’urbanisme.

Un diagnostic général sur les comportements sexistes dans la vie politique locale

Le réseau organisait les 25 et 26 novembre dernier à Paris la 11e édition des Journées nationales des femmes élues (JNFE) dans le cadre de la journée internationale des violences faites aux femmes, sous la forme de journées de formations et de partage d’expérience. Une conférence de presse était organisée en amont de ces journées afin de dresser un bilan, un an après la publication d’une enquête réalisée par le réseau auprès de 1000 femmes élues, sur le sexisme en politique. Cette enquête de 2021 a permis de mettre en lumière que 74% des femmes élues déclarent avoir déjà été confrontées à des remarques ou comportements sexistes. 48% d’entre-elles ont déjà eu le sentiment de ne pas être légitimes à leur poste. La répartition des délégations locales suivrait certaines normes elle aussi ; alors que 39% des femmes ont des délégations dans le secteur de l’enfance, de la culture, du social et de la communication, elles ne sont que 10% à s’occuper de l’urbanisme, l’économie, la finance, le numérique, 6% le transport, la sécurité, le sport et le tourisme, 7% le handicap, l’emploi, la démocratie participative et le logement.

74% des femmes élues déclarent avoir déjà été confrontées à des remarques ou comportements sexistes. 48% d’entre-elles ont déjà eu le sentiment de ne pas être légitimes à leur poste.

Par ailleurs, 47% des répondantes ont eu à subir des interruptions intempestives de prise de parole, 46% des comportements paternalistes, 40% de blagues ou remarques sexistes, 20% des remarques fondées sur l’apparence physique, 7% des attaques sexistes en ligne, 5% du harcèlement, 3% des menaces de mort, de viol ou de coups et 1% des violences physiques. L’enquête fait apparaître que la moitié de ces agissements n’est pas rapportée aux services RH ou à des responsables politiques et que neuf fois sur dix aucune mesure n’est prise. Enfin, ces comportements sont le fait à 82% de collègues élus, 31% de citoyens, 23% d’un responsable politique, 9% de membres de l’administration et 6,5% de journalistes. Il est à signaler que 23% des répondantes ont pensé à abandonner la politique pour ces raisons et 82% n’ont pas reçu de formation sur ces sujets ou d’information sur les procédures à suivre. Le communiqué de presse précise que certaines élues « sont aujourd’hui en grande souffrance. Toutes se heurtent à l’inaction des préfectures et des autorités ».

Certaines élues « sont aujourd’hui en grande souffrance. Toutes se heurtent à l’inaction des préfectures et des autorités ».

Un parcours de légitimation pour les élues locales

Nous avons interrogé Isabelle Gireaud, élue à la mairie de Rochefort en Nouvelle Aquitaine, en charge la Solidarité et l’action sociale ; Solène  Pira-Le Monnier, conseillère municipale à Berric dans le Morbihan, et Peggy Plou, Vice-Présidente aux sports et vie associative à la Communauté de Communes Gâtine-Racan en Région Centre Val-de-Loire, afin de revenir sur les constats et les mises en perspectives au sujet de la place des femmes dans la vie politique locale.

Rappelons que les lois dites « de parité » visant à permettre un égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales, démarrent avec la réforme de la Constitution en 1999 (articles 3 et 4) et sont prolongées par loi d’août 2014. Elles visent les élections locales (communes, départements, régions) et se traduisent notamment pas une obligation de constituer des listes paritaires et une représentativité plus forte. Depuis, la parité est en progression pour ce qui est des postes de conseillères, mais reste encore relative pour les présidences d’exécutifs et les délégations considérées comme « fortes ».

Selon Isabelle Gireaud « les femmes sont arrivées en politique pour deux raisons. La première est qu’elles se sont battues. La deuxième c’est du fait de la loi sur la parité. Or, ce que l’on veut, c’est que l’on vienne nous chercher pour nos compétences ». Elle distingue les listes « Chabada » dont la parité est souvent un affichage et celles où un effort a été fait pour associer parité et compétence. « En ce qui me concerne le maire (candidat) est venu me chercher sur un registre d’action sociale, parce qu’il connaissait mes engagements » explique t-elle. Pour Peggy Plou « la politique est le miroir de la vie sociale, où l’on aura tendance à mettre les femmes dans le secteur de la petite enfance, du social », même si les élues interrogées reconnaissent que ces délégations n’en sont pas moins importantes.

En ce qui concerne les agressions sexistes, pour Isabelle Gireaud « il y a des choses qui ne se voient pas beaucoup et ne sont pas forcément faites consciemment. À nous de faire comprendre ce qui pose problème ». Elle explique que lors des conseils municipaux, lorsque des élues demandent la parole, c’est souvent à l’homme qu’on la donne le premier. Par ailleurs couper la parole des femmes est une pratique courante. Isabelle Gireaud remarque à ce sujet qu’« en général les femmes ont une voix plus aigüe que celle des hommes » et peinent à s’imposer. Une partie des formations du réseau porte de facto sur la prise de parole et le fait d’apprendre notamment à poser sa voix, à s’imposer dans une discussion.

Lorsque des élues demandent la parole, c’est souvent à l’homme qu’on la donne le premier. Par ailleurs couper la parole des femmes est une pratique courante.

Le témoignage de Solène Pira-Le Monnier est assez emblématique de ce qu’il peut se produire quand des femmes élues décident de prendre leur place. « À l’origine, je n’avais jamais pensé faire de la politique. J’étais impliquée dans la vie communale, les parents d’élèves, connue de la jeunesse, des 30-40 ans. Deux listes se sont montées. J’ai hésité, car je suis issue d’une famille très politique. J’avais toujours dit : c’est pas pour moi. C’est un monde qui me fait un peu peur. Quand je me suis lancée, j’ai suivi la liste du maire actuel. J’ai un caractère fort. Je suis très active et rapide dans la mise en action des projets. Je suis un peu trop visible. Je m’en suis excusée. Aujourd’hui je ne m’en excuse plus. Du coup, cela a heurté certains égos et des personnalités un peu complexes. Elles ont œuvré pour m’effacer. J’ai subi des manipulations, du sexisme, des agressions. J’ai hésité à aller à la plainte. Et quand je suis allée à la plainte, c’est parce que je n’en pouvais plus ». L’élue de Berric explique que le maire l’a convoquée et lui a annoncé qu’il lui retirait toutes ses délégations, en précisant qu’il n’avait pas à se justifier. Solène Pira-Le Monnier est restée conseillère municipale, dans un statut aujourd’hui assimilé à celui de l’opposition. Elle s’est engagée au sein du réseau local et pour porter la parole des femmes élues. En novembre 2021, elle signe la tribune dite du « #MeToo Politique » parue dans le journal Le Monde aux côtés de 285 femmes élues, et fera partie de la délégation envoyée auprès de la première Ministre Elisabeth Borne le 14 septembre 2022 afin d’échanger sur la place des femmes dans la vie politique.

Parfois les agressions constatées ne sont pas seulement verbales. Peggy Plou a pour sa part fait deux mandats avec un même maire, qui ne cache pas être « très tactile ». Elle explique avoir su poser les limites pour ce qui la concerne, mais constatant que toutes les femmes n’arrivaient pas à s’extraire de certains débordements, elle décide de s’engager plus largement sur ces questions. « Il y  a un énorme travail à faire. C’est tellement sidérant quand vous vous prenez une main au cul dans un cocktail. Les femmes, on n’arrive pas toujours à réagir sur le coup, car on a été éduquées à ne pas réagir. On est tout simplement sidérées (…) Après, on s’aperçoit qu’on est la chiante (ndlr : quand on réagit). Alors que je me dis que ce n’est plus à nous d’avoir honte ». Depuis l’élue reçoit des témoignages de toutes parts et de tous niveaux hiérarchiques, de la part de femmes qui subissent, et finissent par avoir l’impression d’être « des femmes faciles ». « Seulement, moi je ne bosse pas dans le social » explique t-elle.

Les trois élues du réseau s’accordent à dire qu’il y a souvent un sentiment d’illégitimité chez les femmes élues. Pour Solène  Pira-Le Monnier : « Il y a déjà un problème sociétal. Nous les femmes on doit faire nos preuves. On doit performer pour qu’il n’y ait aucun doute sur notre légitimité. On est nombreuses à vivre le syndrome de l’escroquerie. On a un sentiment d’illégitimité ». Or cette légitimité peut finir par s’établir dans le temps. « À partir du moment où une femme a été légitimée dans un poste de pouvoir, il devient moins important de savoir que c’est une femme » précise-t-elle.

Même si l’étude de 2021 ne fait pas ressortir les nuances issues des courants politiques, Isabelle Gireaud, élue de centre-droit reconnaît que les milieux de droite sont souvent « un peu plus conservateurs ». « Je suis complètement d’accord sur le fait que plus on va à droite, plus on trouve d’abord des hommes qui prennent la place, sont là depuis des années. Sur les terrains plus modernes, comme les écologistes, ou les macronistes, on entend beaucoup plus parler les femmes. Il y  a une prise de conscience de l’importance de la place des femmes et des jeunes ».

La vie politique violente ? Mais au fond pourquoi ?

Ces constats amènent à s’interroger sur les causes de la violence en politique, à commencer par les violences sexistes. La première est d’ordre éducative. Peggy Plou explique qu’au moment de la constitution des listes municipales dans sa commune, des hommes demandaient des postes d’adjoint, alors que des femmes disaient : « Je ne sais pas, je ne serai pas capable ». Pour cette dernière c’est quelque chose qui a trait à l’éducation, lorsque l’on a commencé à dire aux petits garçons : « Allez, vas-y grimpe, tu vas être un héros mon fils ». Elle reconnaît néanmoins que la transformation de ces schémas incombe aux hommes et aux femmes. « Même moi comme féministe, chaque fois que ma fille montait sur un skate, je disais : attention…Aujourd’hui je leur explique que je regrette ».

Ces constats amènent à s’interroger sur les causes de la violence en politique, à commencer par les violences sexistes. La première est d’ordre éducative.

Pour Solène Pira-Le Monnier les médias ont aussi une part de responsabilité forte dans ce problème. « Quand on voit cette cour d’école qu’est l’Assemblée nationale, cela ne donne pas envie de faire de la politique. Nos concitoyens n’entendent parler de la politique qu’au niveau national. Les élu.es locaux ne sont jamais invités sur les plateaux de télévision. Les gens ne sont au courant de rien. Si cela se passe plutôt bien dans leur commue, ils ne se posent pas de question » explique t-elle. Ce violences seraient liées notamment à l’organisation de la démocratie locale « Aujourd’hui, on met tous les pouvoirs dans les mains d’une seule personne. Pouvoirs de police, de décision, de mettre ce qu’il veut dans les comptes-rendus, pouvoir d’invisibiliser tout ce qui se passe (…) il faudrait retirer au maire un peu de pouvoir pour qu’il y ait plus de démocratie ».

Privilégier les compétences, se former, et repenser le statut d’élu·e

Le réseau propose des pistes concrètes pour faire évoluer les mentalités et pratiques. Pour Solène Pira-Le Monnier, du fait de la parité « Des femmes ont été recrutées parfois contre l’avis de la tête de liste. Cela donne des violences psychologiques. On a réussi à inclure les femmes en politique, c’est très bien. Maintenant il faut sécuriser le mandat. Afin de sécuriser les mandats, on souhaiterait que tous les conseils municipaux soient enregistrés, filmés ou en audio. Ce qui permettrait de lever une partie de l’impunité ».

Une seconde piste consisterait à créer un cadre permettant d’enregistrer les plaintes, à travers une cellule d’écoute. « Aujourd’hui, il est très compliqué d’aller à la plainte, parce qu’on n’a pas de hiérarchie. On va à la plainte en tant que citoyens. On se retrouve à la gendarmerie, qui est en porte-à-faux avec les personnalités avec lesquelles elle travaille ». À ce titre, lors de la réunion s’étant tenue à Matignon, le cabinet de la Première Ministre a demandé à Peggy Plou, pourquoi elle n’avait pas déposé plainte. L’élue explique avoir été dissuadée après avoir constaté les pressions subies par des agents ayant porté plainte pour des faits d’agressions. Solène Pira-Le Monnier propose ainsi de mettre en place une cellule d’écoute spécifique, une sorte de brigade, qui ne serait pas impliquée dans les collectivités. Ce type de cellule existe pour les ministres et dans certains partis politiques. Elle aurait pour rôle d’enregistrer les témoignages, de faire un rappel à la loi et d’aller à la plainte le cas échéant. Pour Peggy Plou cette mission relève sans doute des services de l’Etat à travers une mission qui ait une « réelle capacité d’agir ».

Solène Pira-Le Monnier propose ainsi de mettre en place une cellule d’écoute spécifique, une sorte de brigade, qui ne serait pas impliquée dans les collectivités.

Peggy Plou observe qu’il n’y a jamais eu autant de lois en faveur des femmes en France, mais « depuis que l’on a des femmes au pouvoir ». Le réseau réclame désormais une parité au niveau des EPCI. Un sujet sensible de l’avis des élues interrogées, car un tel mouvement pourrait finir par remonter jusqu’au parlement et le pousser à changer son organisation, non paritaire à ce jour. Rappelons que sur la mandature actuelle, deux députés et sénateurs sur trois sont des hommes. Pour Isabelle Gireaud, dans un monde idéal, il ne faudrait pas qu’il y ait de loi de parité. Il faudrait « que cela se fasse naturellement. On ne devrait pas avoir à laisser tomber des compétences ». Solène Pira-Le Monnier estime qu’il faut adopter une approche systémique : « Le travail doit se faire en commun entre hommes et femmes sur ce sujet. Il faut que les femmes acceptent d’occuper des postes de pouvoir, que les hommes évoluent aussi, et qu’on accepte de penser en terme de compétences. On ne devrait pas se gargariser d’avoir une femme au pouvoir ».

La question de la formation des élu.es locaux et notamment des femmes est au cœur des enjeux de transformation culturelle. Comme nous l’évoquions dans une enquête de 2019 dédiée à ce sujet, à peine 1% des élu-es se forment en France (soit 5000 sur 600.000). Pour Isabelle Gireaud, des formations sont indispensables pour « Prendre confiance en soi. Ce que nous n’avons peut-être pas eu pendant des années, écrasées par ce pouvoir masculin et patriarcal ». Pour Peggy Plou : « aujourd’hui les formations que j’ai faites, c’est : comment exceller en recherche de subvention, pour piloter un projet entre les gens, comment monter son dossier  ». Elle estime qu’il serait logique que les élu-es commencent par faire de la formation « avant de piloter l’avion ». « Chaque élu-e commencerait par une semaine de formation. En une semaine on peut apprendre plein de choses sur la manière dont fonctionne une commune ». Par ailleurs elle relève que le réseau des femmes élues préfigure lui-même une nouvelle manière d’échanger. « Nous avons 35 000 communes, chacune nos problématiques, pourquoi on ne pense pas ensemble à comment on fait, à se servir du truc de la voisine, de l’excellence de l’autre ? On s’épuisera moins ».

La question de la formation des élu.es locaux et notamment des femmes est au cœur des enjeux de transformation culturelle. Comme nous l’évoquions dans une enquête de 2019 dédiée à ce sujet, à peine 1% des élu-es se forment en France (soit 5000 sur 600.000).

Enfin Peggy Plou se demande pourquoi une femme maire, ne peut pas à ce jour prendre de congé maternité, à l’instar d’une cheffe d’entreprise. Pour cette dernière, il suffirait qu’un adjoint soit nommé pour assurer la transition. Solène  Pira-Le Monnier pense qu’« il y a nécessité à légiférer (ndlr : sur le statut d’élu), mais  plutôt en améliorant les lois existantes et en les encadrant ». Elle estime que l’on ne vérifie pas assez que les lois sont appliquées et rappelle que le Code général des collectivités territoriales (CGCT) oblige le maire à rendre compte. « Or certains maires n’ont jamais dressé l’inventaire de ce qu’ils ont fait sous délégation. Il faudrait déjà qu’il y ait un contrôle, que tous ces comptes-rendus soient publics. Cela toucherait alors beaucoup plus de personnes ».

La déconstruction de l’imaginaire du pouvoir : boîte de Pandore et/ou clé de transformation publique ?

Les questions posées par les femmes élues semblent être comme l’un de ces arbres qui cache la forêt de transformations plus vastes de la culture politique et du cadre de gouvernance. Nous avons par ailleurs interrogé des femmes élues d’Ile-de-France et de Bourgogne-Franche-Comté, n’appartenant pas au réseau, qui font état de pressions et de mises à l’écart venant cette fois-ci de femmes maires. Pour Isabelle Gireaud  le risque serait d’inverser radicalement le balancier. « Personnellement  je  ne suis pas dans la mouvance MeToo », précise t-elle, « mais cela a permis de libérer la parole. On ne pouvait pas y échapper. Maintenant, on est en train de voir des femmes qui prennent le pouvoir en utilisant les codes masculins. Elles se trompent complètement. On n’est pas là pour effacer les identités ».

Les luttes féministes en politique agissent comme un révélateur de phénomènes culturels plus fondamentaux dans notre rapport à l’imaginaire au pouvoir. Si le débat politique porte souvent sur le déséquilibre des forces, entre femmes et hommes, majorités et oppositions, générations et classes sociales, en amont, le système électoral favoriserait bel et bien des personnes « compétentes pour se présenter à des élections et conserver leur mandat », sur celles capables de « bien » gouverner dans les faits. Une raison profonde, en serait que l’imaginaire politique le mieux partagé, reposerait sur un enjeu de « sacralisation et de légitimation d’un sujet ayant à décidé pour les autres ». En revanche, l’idée de favoriser la précision, la recherche d’efficience dans l’action publique, satisferait moins à « ce besoin de reconnaissance, de puissance et d’impact », dont l’imaginaire collectif du « pouvoir » pourrait être l’autre nom.

Les luttes féministes en politique agissent comme un révélateur de phénomènes culturels plus fondamentaux dans notre rapport à l’imaginaire au pouvoir.

De fait, l’élu-e ferait partie de ces personnages sociaux, ayant plus de difficulté à reconnaître qu’il ne sait pas, et à comprendre que la légitimité issue de l’élection ne représenterait en réalité qu’une partie du chemin à parcourir. Le sentiment d’illégitimité ressenti par des femmes élues ne serait pas tant lié à leur sexe, qu’à une réalité de départ pour tout.e élu.e, qu’elle soit conscientisée ou non. En attendant, la fragilité économique du statut d’élu, la responsabilité pénale des maires, le primat des majorités au sein des exécutifs, les luttes intestines, achèveraient de pousser les pratiques conventionnelles de la gouvernance, vers une culture du « contrôle » plus que de l’ouverture et du lâcher prise.

Est-il alors possible d’imaginer que l’action politique de demain parvienne à faire un pas de côté, pour se référer à un autre type d’imaginaire du pouvoir et de la gouvernance ? Si une telle hypothèse mériterait des enquêtes plus approfondies, parions en attendant que la déconstruction de notre imaginaire collectif du pouvoir pourrait constituer un détonateur conceptuel des plus fructueux pour de futurs chantiers de transformation publique et politique.

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