Camille Mialot : «Le droit relatif au climat est en plein développement»

Le 17 mai 2021

Avocat spécialiste en droit public et maître de conférences à l’école de droit de Sciences Po Paris, il appelle de ses vœux la naissance d’un « droit public de l’anthropocène » pour doter les villes de véritables outils juridiques pour faire face au choc climatique.

Quel message avez-vous voulu faire passer dans votre ouvrage La ville face au changement climatique. Nouveaux instruments juridiques ?

L’écriture de mon livre a été motivée par plusieurs raisons. Tout d’abord, la ville est le premier contributeur des gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 77,5 % de la population française vit dans les zones urbaines, selon l'Insee.

Les villes sont les premières causes du réchauffement climatique, c’est à leur niveau que les stratégies d’atténuation et d’adaptation doivent être menées ;

Ensuite, il n’existe pas d’ouvrage de référence recensant les nouveaux et les outils juridiques existants pour mettre en œuvre une stratégie globale. Enfin, je constate depuis cinq ans que le droit relatif au climat est en plein développement et tend à gagner du terrain dans l’urbanisme, la commande publique. De nouveaux outils de planification stratégique émergent, mais sont encore sous-utilisés : plan climat-air-énergie territorial (PCAET), schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), etc.

Les instruments juridiques existants à la disposition des villes sont-ils suffisants pour lutter contre le changement climatique ?

Il y a beaucoup d’outils classiques, comme le plan local d’urbanisme (PLU) qui a un rôle fondamental à jouer. Il détermine la forme urbaine, la perméabilité des sols, etc. Arrêter l’étalement urbain et construire « la ville du quart d’heure » est inévitable. Selon moi, le modèle de l’étalement urbain fondé sur la voiture correspondant à la génération précédente des PLU appartient définitivement au passé. Un autre levier fondamental est la commande publique. Elle représente 15 % du PIB. Si toutes les villes de France se mettent acheter leurs énergies chez un fournisseur d’énergie renouvelable, le changement sera considérable. La ville de Nantes, par exemple, a imposé dans son cahier des charges aux fournisseurs d’énergie d’être à 100 % en énergie renouvelable. La directive européenne de 2014 sur la commande publique offre un nouveau critère de sélection des offres : le coût du cycle de vie d’un produit d’un service ou de travaux. C’est un critère à mettre en œuvre systématiquement dans une stratégie climat.

La naissance d’un « droit public de l’anthropocène » est-elle devenue indispensable face à l’urgence climatique ?

C’est l’idée que le climat n’est pas une nouvelle branche du droit, comme le droit de l’environnement ou un simple domaine de spécialité isolé. Le climat a vocation à irriguer l’ensemble du droit. D’une logique encore actuelle où l’adaptation et l’atténuation sont une option pour les collectivités, nous devons passer à une inclusion systémique du climat dans l’action publique territoriale : de la formation des agents à l’éclairage public en passant par le recyclage, les mobilités, la forme urbaine etc. aucune dimension du quotidien ne va échapper au climat.

La ville face au changement climatique / Nouveaux instruments juridiques

Mialot C., La ville face au changement climatique. Nouveaux instruments juridiques, 2020, Berger-Levrault, Les Indispensables, 55 €

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