Revue

Dossier

Ce que nous apprend le rejet de la loi CO2 en Suisse

Le 12 février 2023

Marcel Hänggi est collaborateur scientifique de l’Association suisse pour la protection du climat, ancien journaliste et auteur d’ouvrages. Engagé depuis 2016 dans une campagne pour une initiative populaire en Suisse visant à interdire le carbone fossile à partir de 2051 (dite « initiative populaire pour les glaciers »), Marcel Hänggi a questionné les limites de son rôle de journaliste – comme d’autres scientifiques et climatologues le font aujourd’hui – pour affirmer « son droit, voire son devoir, de s’immiscer dans le débat politique ». Auteur de La fin de l’âge du pétrole, du gaz et du charbon1, il revient sur les contours et les perspectives politiques, médiatiques et démocratiques à l’issue du rejet de la loi CO2 lors de la votation de la nouvelle version en juin 20212. Des apprentissages utiles à toutes nos démocraties autant qu’à la prochaine campagne Suisse en vue de la nouvelle votation prévue en 2023.

Qu’est-ce que la loi CO2 ?

La loi fédérale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (dite « loi CO2 ») existe en Suisse depuis 1999 et définit les objectifs de la politique climatique du pays pour la décennie à venir. La dernière loi CO2 déclinait les objectifs pour la période allant de 2012 à 2020. En 2021, la votation de la nouvelle version proposée était donc une révision qui permettait à la Suisse de se mettre en conformité avec les engagements issus de l’Accord de Paris jusqu’en 2030. Elle résultait de quatre années de travail et disposait d’un large compromis et soutien de tous les partis de la coalition gouvernementale, à l’exception de l’Union démocratique du centre (UDC, parti conservateur nationaliste). La nouvelle version 2021 visait à définir les mesures à prendre dans tous les domaines émetteurs de CO2 (notamment l’aviation, le secteur financier, la mobilité et le bâtiment) en Suisse (exception faite de l’agriculture, relevant de la politique agricole) pour maintenir un réchauffement entre 1,5 et 2 degrés et réduire de 37,5 % les émissions domestiques d’ici à 2030, afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050.

Il s’agissait notamment de prolonger – et parfois d’augmenter – des taxes incitatives sur les carburants fossiles (fioul et gaz naturel) et mettre en place une taxe sur les billets d’avion au départ de la Suisse, pour redistribuer les recettes aux habitants, aux entreprises et à un fonds pour le climat ; ou encore, promouvoir des investissements, la construction de voitures neuves, un supplément de 12 centimes (francs suisses) par litre d’essence (au maximum) et des encouragements pour les entreprises. Parmi les opposants à cette loi, les conservateurs de l’UDC la jugeaient inefficace et trop coûteuse, surtout pour les ménages les plus modestes, les automobilistes, les familles et les gens aimant voyager. De plus, une minorité des grévistes pour le climat l’ont attaquée sur le fait qu’elle serait anti-sociale, renforcerait les structures climaticides et le capitalisme vert, et ne s’attaquerait pas aux secteurs les plus polluants dont la finance.

La grande faute des médias et des politiciens est d’avoir accepté que l’on pose le cadre du débat de cette politique climatique sur le fait qu’elle allait coûter cher. En réalité, ce qui coûte et qui fait mal c’est le réchauffement climatique !

La proposition de cette nouvelle loi a été soumise à votation populaire en juin 2021, aux côtés de quatre autres sujets, deux initiatives populaires : l’une portant sur l’eau potable et l’alimentation saine, et l’autre, en faveur d’une Suisse libre des pesticides de synthèse et des antibiotiques dans les élevages, et deux autres lois, l’une dédiée au covid-19, et l’autre, aux mesures policières de lutte contre le terrorisme.

Par votation du 13 juin 2021 et avec une participation élevée de 59,7 %, la loi CO2 a été rejetée à 51,6 % par les Suisses, tout comme les initiatives populaires liées à l’eau potable et l’alimentation saine (60,7 %) et à l’arrêt des pesticides (60,6 %).

Qu’est-ce qui explique, selon vous, le rejet de cette proposition de loi CO2 ?

Le débat autour de la loi CO2 s’est concentré et réduit à la question des coûts. Combien cela va-t-il coûter aux personnes, aux familles, aux automobilistes, etc. ? L’augmentation du prix de l’essence a beaucoup occupé l’espace médiatique. Pour un automobiliste, consentir à augmenter le prix de l’essence ne serait-ce que de 1 centime lui semble déjà trop cher, alors cette proposition était d’emblée la source d’un rejet. Payer une taxe de 30 à 120 francs suisses (de 28 à 110 euros) par billet d’avion a également focalisé les discussions sur la question des coûts. Le parti politique de l’UDC – conservateur et nationaliste – a mené une campagne qualifiée d’« assez agressive » contre la loi CO2 : il s’est saisi de l’argument du « porte-monnaie » pour la dénigrer, prétendant qu’elle s’élèverait à plus de 1 500 francs suisses (1 360 euros) par famille et par an, que la voiture serait désormais réservée aux riches, qu’elle appauvrirait la classe moyenne, matraquerait l’industrie, etc.4 Pourtant, sur le plan économique, la transition énergétique ne coûte pas. La Suisse paie environ 8 milliards de francs suisses pour le pétrole et pour le gaz. Si nous avions mis en place une politique de transition énergétique, nous aurions pu mobiliser cette somme pour l’économie domestique. La grande faute des médias et des politiciens, qui étaient favorables à la loi, est d’avoir accepté que l’on pose le cadre du débat de cette politique climatique sur le fait qu’elle allait coûter cher, y compris les facts checker médiatiques qui remettaient en question les hypothèses de l’UDC (avec de bonnes intentions) et disaient « ça ne coûte pas tant que ça, ça va coûter moins ». Ce faisant, ils renforçaient nolens volens l’affirmation principale : « Ça coûte ! » Le message était toujours le même : « Ça coûte, ça fait mal. » Mais en réalité, ce qui coûte et qui fait mal c’est le réchauffement climatique ! À aucun moment n’ont été discutées ni les catastrophes climatiques, ni la fonte des glaciers, ni les injustices sociales qui en résulteront. Nous n’avons presque seulement discuté que des coûts.

Par ailleurs, en 2021, nous avons joué de malchance par le contexte plus général de la votation de la loi CO2. Les conditions climatiques, comme le froid du printemps, un ouragan à Zurich puis la catastrophe des inondations de la vallée de l’Ahr en Allemagne (Rhénanie-du-Nord-Westphalie) à la mi-juillet auraient pu jouer en faveur du « oui ». Si la votation avait eu lieu un mois plus tard, le résultat aurait sûrement été différent. Nous étions encore dans la gestion de la crise du covid-19, avec une accumulation de frustrations et un des cinq sujets de la votation du 13 juin 2021 portait justement sur ce thème.

Par ailleurs, parmi les quatre autres sujets sur lesquels les Suisses devaient se prononcer ce week-end-là, figurait une initiative populaire voulant interdire les pesticides. Celle-ci avait mobilisé les agriculteurs et la population des campagnes conservatrices qui la rejetaient, tandis que la loi sur le covid-19 mobilisait surtout les gens méfiants vis-à-vis l’État. Le « non ! » qui s’exprimait dans l’espace public et médiatique a fini par gagner les esprits. Le clivage ville-campagne s’est accentué en cristallisant les mécontentements et les peurs des habitants des zones rurales, de montagne ou péri-urbaines qui craignaient d’être impactés par l’initiative populaire contre les pesticides – comme par l’augmentation du prix de l’essence avec la loi CO2 –, eux qui dépendent de leurs véhicules pour se déplacer au quotidien. Tout cela a rendu encore plus difficile le vote en faveur de cette votation 2021. Les cinq questions adressées aux Suisses étaient différentes mais furent l’occasion de se prononcer contre le Gouvernement. Comme en France, ou ailleurs, dès lors qu’on est contre la personne qui pose la question (référendum, votation, etc.), on vote « non ! ». Avec un peu moins de malchance, nous aurions gagné cette votation qui a été rejetée avec un résultat assez serré.

Le rejet de la loi CO2 semble consacrer la victoire des lobbies et des conservateurs. Comment réagissez-vous au fait qu’en Suisse – comme ailleurs en Europe et dans le monde (par exemple, au Chili ou aux États-Unis) – la bataille de la communication médiatique et politique se joue en faveur des forces conservatrices et met en échec les propositions progressistes (climat, démocratie, avortement, etc.) ?

Nous vivons un temps de crises multiples et en temps de crises, les gens deviennent très conservateurs. Pourtant, elles sont une chance pour que nous changions notre société pour un monde meilleur. Toutefois, ce message est très difficile à faire passer. Quand la guerre en Ukraine a commencé, j’ai pensé qu’il deviendrait plus facile d’expliquer aux gens le besoin d’abandonner les énergies fossiles. Finalement, c’est la pénurie des énergies et non le climat qui a préoccupé. Au lieu de discuter et traiter ensemble ces deux problématiques, on les oppose. Aujourd’hui, les Suisses réalisent et sont alertés par le prix de l’électricité. Ce constat est une aubaine pour le parti conservateur de l’UDC, afin de justifier de continuer à consommer les énergies fossiles. Le discours est clair : « Surtout, ne changeons rien ! »

Nous préparons désormais la nouvelle votation qui aura lieu probablement en juin 2023. Pour cela, nous tentons de faire passer le message que, justement parce que nous vivons une crise, il est nécessaire d’abandonner les énergies fossiles et d’en être indépendants. Cela est difficile.

Les votations et le référendum sont-ils de bons outils démocratiques pour se prononcer sur ces enjeux climatiques ? Quelles conditions faut-il réunir pour qu’ils le soient vraiment ?

C’est une question difficile. Je dirais que oui, il s’agit d’un bon système démocratique pour se prononcer sur ces enjeux. Cela requiert de faire campagne, de faire débat et d’y mettre les moyens. Un grand problème est en effet l’inégalité des moyens engagés pour faire campagne entre les forces du « oui » et celles du « non ». L’UDC a ainsi mobilisé beaucoup plus d’argent afin d’occuper l’espace médiatique en faveur du « non ». C’est comme si vous organisiez un match de football avec, d’un côté, une équipe de 15 joueurs, et, en face, seulement 5 joueurs.

À cela s’ajoute la responsabilité des journalistes dans le fait de perpétuer, alimenter les termes d’un débat tels qu’ils ont été posés, notamment par les opposants à la loi, empreints de négativité. J’ai été choqué par l’absence de prise de conscience et le choix des expressions. Je vous donne un petit exemple : lors d’un entretien auprès d’un collègue journaliste, j’ai indiqué que, pour résoudre la crise environnementale, nous avons besoin de mesures « ambitieuses ». Or, ce dernier a écrit mesures « incisives ». Ce terme nourrit et renforce cette idée d’une politique climatique douloureuse. Ce n’était qu’un petit changement, mais il évoque des associations très différentes. Il en est de même avec la sobriété qui induit qu’on peut vivre mieux avec moins. Or, les journalistes et les politiciens l’emploient dans un sens désagréable, celui d’une privation. Il y a une dimension sensible qui renvoie aux imaginaires, aux perceptions, aux affects et qu’il faut pouvoir prendre en compte.

Une autre limite est celle de la responsabilité des électeurs. Avec ce type de votation, on peut choisir le « non » sans prendre de responsabilité. Malgré les sondages qui estimaient que les trois-quarts de la population étaient favorables à une politique climatique ambitieuse, la proposition concrète de la loi CO2, impliquant de payer un peu plus – pour l’essence, par exemple – a fini par jouer en faveur du rejet. Les électeurs se sont dit « finalement, je ne veux pas payer plus, donc je vote non ». Dans ce cas, on ne va pas plus loin dans la recherche de solutions et on renvoie la question au Parlement qui devra prendre la responsabilité de trouver une autre proposition.

Comment fait-on pour que la société partage cette prise de conscience, ce besoin de politiques ambitieuses, de changer la consommation et les modes de production ?

Nous, à l’Association de protection pour le climat, faisons des campagnes de sensibilisation en créant, par exemple, un site Internet5 qui montre une Suisse hypothétique de l’an 2050 : une Suisse très belle et sans pollution. C’est un peu utopique et c’est une tentative de montrer un changement positif. Je crois que la population comprend et accepte cette nécessité du changement, y compris dans un monde où règne le paradigme de la croissance sans laquelle, soi-disant, tout irait mal pour l’économie. Je crois que pour la plupart des gens, il est évident que cette croissance éternelle n’est pas possible sur une planète finie… Tout le monde le comprend, sauf les économistes ! Les trois-quarts de la population réalisent que nous avons un problème avec le climat, qu’il faut agir et se doter de politiques ambitieuses. Dès lors qu’on débouche sur un projet concret, la formulation de propositions dans un texte de loi, et qu’il faut voter, c’est l’heure des messages simplistes et réducteurs : « On paie plus cher alors on vote non. »

Dans ce sens, l’exemple du canton de Glaris est intéressant. Ce canton conservateur, qui compte parmi les plus petits du pays, a voté majoritairement contre la loi sur le CO2. Toutefois, il y a une particularité : à Glaris, la mise en débat des lois cantonales se fait sur une grande place publique et débouche sur un vote à main levée. Ce canton a d’abord refusé dans les urnes la loi CO2 en juin 2021 mais, quelques mois plus tard, a adopté la loi sur l’énergie cantonale la plus progressiste du pays. Le gouvernement du canton était à l’origine de cette proposition quand un jeune militant du climat est monté sur la scène et a expliqué pourquoi ça ne suffisait pas et pourquoi il fallait rendre cette loi beaucoup plus ambitieuse. Et il a réussi à convaincre la majorité ! Si cette situation est un peu délicate au regard de la Déclaration des droits de l’Homme, car elle s’oppose à la garantie du secret du vote en se prononçant à main levée en public, elle dit d’autres choses très positives d’un point de vue démocratique. Elle pointe ainsi la vertu du débat (la dispute démocratique), l’échange d’arguments et l’écoute qui permettent de maturer dans nos réflexions et nos positionnements, de conforter ou changer d’avis. Dans cette situation, on ne peut pas prétendre être « contre » et voter « non » sans s’intéresser ni entendre les arguments des autres personnes ou ceux des scientifiques. L’expérience française des assemblées citoyennes est très inspirante de ce point de vue, il faut travailler sur cette base, avoir davantage de démocratie et expérimenter d’autres formes démocratiques.

Est-ce qu’expérimenter de nouvelles formes de démocratie induit de se redéployer à une échelle plus locale, de proximité, comme celle des cantons en Suisse, par exemple ?

Il faut avoir les trois niveaux : le local, le national et le global. Parfois, il est plus facile de commencer sur le niveau local, d’autant plus que les villes sont souvent plus progressistes que le restant du pays. L’exemple de la circulation des voitures, comme à Paris avec Anne Hidalgo ou Grenoble avec Éric Piolle, montre qu’avoir moins d’automobilistes en ville est possible et cela peut être une force d’inspiration pour le reste du pays.

En Suisse, nous avons eu l’exemple avec les politiques de lutte contre la drogue. La ville de Zurich est connue pour avoir été la capitale de la drogue dans les années 1990 avec des faits d’overdoses, de contaminations au VIH, de violences, de criminalité, etc., dans les parcs et les rues. C’est la ville qui a été à l’initiative de nouvelles solutions en dépassant la seule politique répressive pour associer prévention, thérapie et réduction des risques – notamment avec l’utilisation de salles de consommation ou la prescription médicalisée d’héroïne aux toxicomanes. Un changement de politique au local qui a été précurseur, tout en allant à l’encontre de la politique nationale de l’époque. Zurich a finalement réussi et la politique nationale a suivi cet exemple local. Les villes, comme les petits cantons, y compris conservateurs, peuvent entraîner des changements nationaux. Ce sont des échelles inspirantes pour les assemblées citoyennes.

Pensez-vous nécessaire de modifier la Constitution pour répondre aux enjeux climatiques ?

À l’origine de notre initiative populaire pour les glaciers6, nous souhaitions un changement constitutionnel en récoltant des signatures pour déclencher une votation populaire qui le permettrait. Aujourd’hui, nous préférons changer la loi car cela va plus vite. Il n’y a pas besoin de changer de Constitution car elle est déjà bonne. L’article 2, alinéa 4, de la Constitution suisse prévoit en effet qu’« elle s’engage en faveur de la conservation durable des ressources naturelles et en faveur d’un ordre international juste et pacifique ». Si on prenait cet article au sérieux, on pourrait estimer que cela suffit. Dans la Constitution fédérale7, nous avons également l’article sur l’énergie qui engage à produire et consommer l’énergie de façon durable. Donc les dispositions existent déjà au sein du texte.

Il est vrai qu’il serait intéressant d’avoir un article sur le climat dans la Constitution, mais cela n’est pas si nécessaire. Ce qui est nécessaire, c’est d’appliquer vraiment les dispositions actuelles. Pour cela nous préférons finalement passer par la loi. D’une part, car cela va plus vite, et d’autre part, parce qu’il n’existe pas de juridiction constitutionnelle. Nous avons davantage de possibilités de recours contre la loi. La Constitution est supérieure en termes de hiérarchie des normes mais en termes pratiques, la loi est plus importante8.

En France, la voie judiciaire a été saisie comme un levier pour condamner l’État pour inaction climatique avec l’Affaire du siècle. Qu’en est-il en Suisse ?

Le collectif des Aînées pour la protection du climat suisse9 a accusé la Confédération de négligence dans la protection du climat et de ne pas protéger le droit à la vie et à la santé, notamment celui des femmes âgées. Au printemps 2020, le collectif a vu son recours rejeté par le Tribunal fédéral et a décidé de porter son action en faveur de la justice climatique devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg. Il s’agit d’une première en Europe qui pourrait constituer un précédent en la matière et ainsi entraîner des répercussions non seulement en Suisse, mais aussi dans toute l’Europe. Cela témoigne aussi du fait que le mouvement pour la justice climatique est intergénérationnel : il n’est pas réservé aux jeunes générations qui manifestent dans les rues ou font la grève pour le climat.

Quelles sont les perspectives désormais après le rejet de la loi CO2 ?

Après le rejet de la loi CO2 par la votation de juin 2021, le Conseil fédéral a transmis le dossier au Parlement qui a décidé d’élaborer son propre contre-projet indirect, c’est-à-dire non pas une modification constitutionnelle, mais une loi. Il s’agirait d’une loi-cadre intitulée « loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et le renforcement de la sécurité énergétique ». Ce contre-projet indirect10 à l’initiative populaire n’a de « contre » que le nom, car il la soutient dans ses finalités. Il s’agit juste d’une autre façon d’arriver au même but.

Cette nouvelle loi-cadre est très différente. La loi sur le CO2 soumise à la votation de juin 2021 impliquait une augmentation des prix de l’essence, du fioul, etc. Elle reposait sur un paradigme économique qui visait à rendre plus cher le prix du CO2. La loi-cadre souhaite désormais soutenir les entreprises et les particuliers dans l’atteinte de l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 (2040 pour la Confédération et les cantons). Le coût sera supporté par la Confédération et non par les consommateurs. Aujourd’hui, nous avons compris qu’il y a des instruments plus efficaces que le prix du CO211. La nouvelle loi est meilleure que la loi sur le CO2, car elle propose de soutenir des transitions technologiques et systémiques. Elle cherche à les accélérer pour qu’elles puissent vraiment changer la manière de produire et de consommer l’énergie.

L’Association pour la protection du climat a donc procédé à un retrait conditionnel de son initiative populaire en faveur de cette loi-cadre à la condition donc que le contre-projet indirect entre en vigueur. Finalement, passer par la loi permet d’agir plus rapidement en faveur de la protection du climat et de la neutralité carbone, notamment après le rejet de la loi CO2 qui retarde la Suisse dans sa nécessaire adaptation au dérèglement climatique. Désormais c’est le parti de l’UDC qui récolte les signatures nécessaires pour s’opposer à cette loi-cadre par voie de référendum. Une nouvelle votation aura probablement lieu en 2023 et fera office de nouveau rendez-vous climatique devant les urnes. En cas de rejet à l’issue de la votation, nous aurons encore la possibilité de soumettre l’initiative pour les glaciers au vote.

Nous commençons tout juste à organiser la campagne de votation pour 2023. Ce qui est très important, c’est que nous travaillons avec des grands partis politiques, des entreprises, des associations économiques, etc., car demeure une perception, celle que la politique climatique serait de « gauche ». Ce qui n’est pas vrai et il faut le montrer. Cette politique climatique n’est pas anti-économique. Nous devons chercher les alliés avec lesquels on peut organiser cette campagne.

Ces alliances sont d’autant plus nécessaires que la campagne de dénigrement12 a débuté du côté de l’UDC. Le parti conservateur nationaliste va encore débourser plusieurs millions pour la campagne contre la loi-cadre alors que notre association est petite et ne dispose pas de tant de moyens. Il nous faut des soutiens et des moyens pour cette nouvelle bataille.

Il est vrai qu’il serait intéressant d’avoir un article sur le climat dans la Constitution, mais cela n’est pas si nécessaire. Ce qui est nécessaire c’est d’appliquer vraiment les dispositions actuelles.

  1. Hänggi M., La fin de l’âge du pétrole, du charbon et du gaz. Comment fonctionne la politique climatique, 2019, Éditions Charles Léopold Mayer, Essai.
  2. L. fédérale no 641.71, 22 déc. 2011, sur la réduction des émissions de CO2, dite « loi CO2 » (https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2012/855/fr).
  3. Élisabeth Dau est également membre du comité d’orientation de la revue Horizons publics.
  4. Voir notamment (en allemand) : https://ethz.ch/de/news-und-veranstaltungen/eth-news/news/2022/10/blog-klimaschutz-bringt-wirtschaftlichen-Gewinn.html
  5. https://suisse-2050.ch
  6. https://gletscher-initiative.ch/fr
  7. Const., no 1999-2556, 18 déc. 1998, art. 89, sect. 6, al. 1er, 2 et 3 (https://www.fedlex.admin.ch/eli/oc/1999/404/fr).
  8. Boillet V., “Direct Democracy or Climate Litigation ? On the Swiss Right of Initiative as a Tool against Climate Change”, Verfassungsblog 17 mai 2022 (https://verfassungsblog.de/direct-democracy-or-climate-litigation/).
  9. https://ainees-climat.ch/unsere-klage-am-egmr/
  10. https://gletscher-initiative.ch/fr/blog/8-reponses-sur-le-contre-projet-indirect
  11. DePillis L, “Pace of Climate Change Sends Economists Back to Drawing Board”, New York Times 25 août 2022 (https://www.nytimes.com/2022/08/25/business/economy/economy-climate-change.html).
  12. https://gletscher-initiative.ch/fr/blog/udc-affirmations
×

A lire aussi