Le codev en équipe : du manager-coach au collaborateur-coach !

Le 18 octobre 2024

Vous avez probablement entendu parler du manager-coach qui utilise des techniques de coaching pour encadrer son équipe. Le manager-coach ne se contente pas de gérer les tâches et les objectifs, il joue un rôle plus orienté vers le mentorat, le soutien et l’encouragement de son équipe, c’est-à-dire plus d’écoute active, de responsabilisation, de développement personnel, etc. Nous vous proposons maintenant de découvrir la posture de collaborateur-coach avec l’approche du codev en équipe.

Définition : le co-développement, dit « codev », est une technique d’animation de réunion unique puisqu’il s’agit de la seule méthode dans laquelle un groupe doit se poser des questions avant de chercher des solutions. Le codev est aligné sur l’approche du coaching, mais, au lieu qu’un coach pose des questions, c’est le groupe qui les génére. Dans toutes les autres réunions de résolution de problème, on pose un problème et on cherche des solutions sans imposer au préalable des tours de table de questions. Un groupe peut générer de 25 à 50 questions en fonction du sujet et du nombre de participants. Elles sont coconstruites dans le sens où les questions des uns inspirent des idées de nouvelles interrogations aux autres.

En sortant d’une formation au management, comment donner du sens à votre nouveau mode de management ? Comment progresser rapidement ? Comment créer au sein de votre équipe un langage commun et un cadre de référence partagé sur les bonnes pratiques de management ?

Beaucoup de questions, mais une réponse très simple : en formant les membres de votre équipe avec vous ! Votre première objection s’appuiera sur la logique et le bon sens : pourquoi former au management des collaborateurs qui ne sont pas managers ? Cela semble absurde et c’est probablement la raison pour laquelle personne ne le fait ! Dans cet article, nous voudrions vous démontrer le contraire en nous appuyant sur deux constats :

  1. à la différence de l’expertise reliée à des savoirs et savoir-faire, le management est un acte profondément relationnel relié au savoir-être. Si le management est relationnel, on devrait en théorie former un manager avec les personnes avec qui il est en relation plutôt qu’avec ses pairs ou tout seul devant une vidéo. En pratique, nous faisons l’inverse, non pour des raisons d’efficience pédagogique mais pour des raisons culturelles : la culture verticale, hiérarchique ;
  2. un certain nombre de collaborateurs sont de futurs managers que ce soit en mode hiérarchique, transversal ou comme chef de projet. Nous pourrions donc investir sur l’avenir, sur le développement d’un potentiel. Inversement, en s’initiant au management en tant que collaborateurs, certains pourraient découvrir qu’ils ne sont pas faits pour ce rôle grâce à une vision plus globale de tous les comportements attendus d’un manager et du niveau d’exigence que cela implique quand on préfère la technique plutôt que l’humain. Ils pourraient choisir de rester dans des fonctions d’experts durant leur carrière plutôt que de prendre le risque de devenir des mauvais managers par manque d’appétence pour la complexité des relations humaines. Des entreprises proposent déjà des parcours manager et expert afin qu’un expert monte en grade et en rémunération sans jamais avoir à manager qui que ce soit. La posture de collaborateur-coach pourrait aider chacun de nous à faire un choix éclairé pour sa carrière : expert ou manager ?

Si le management est relationnel, on devrait en théorie former un manager avec les personnes avec qui il est en relation plutôt qu’avec ses pairs ou tout seul devant une vidéo.

Votre deuxième objection s’appuiera sur un constat un peu embarrassant. Il existe dans de nombreuses organisations une culture hiérarchique forte dans laquelle, en termes de vision du monde, il n’est pas question qu’un manager se forme en même temps que son équipe, c’est-à-dire des personnes de niveau hiérarchique inférieur. Cependant, les mentalités ont évolué avec l’arrivée de nouvelles générations. La popularité de l’intelligence collective, de la sociocratie, de l’holacratie ou de l’entreprise libérée augmente. La transformation digitale horizontalise les organisations. Le codev managérial entre pairs s’est développé et il est apprécié pour son efficacité. Ensemble, ces éléments permettent aujourd’hui d’innover dans la formation et le coaching des managers avec une nouvelle approche du codev qui ne se fait plus entre pairs, mais avec son équipe dans un contexte hiérarchique.

Modalités pratiques de cette innovation

Ni le manager ni l’équipe ne sont a priori compétents en management, il est donc important de s’appuyer sur un contenu qui propose un référentiel de bonnes pratiques. Imaginons que l’on crée 16 fiches pratiques sur les bases du management. Le manager envoie alors une fiche par semaine à son équipe durant 16 semaines. Voici le processus qui permet à l’équipe de coacher son manager :

  • lundi matin : le manager envoie aux membres de son équipe un message avec la première fiche et un questionnaire en ligne. La lecture de la fiche et le questionnaire prennent environ quinze minutes. Le questionnaire doit être anonyme ;
  • les membres de l’équipe disposent de quatre jours pour lire ce contenu et répondre à ce questionnaire en ligne comprenant deux questions : après votre lecture de la fiche, copier-coller les contenus importants de votre point de vue dans les deux champs de saisie suivants :
  1. analyse de la situation : les éléments sur lesquels vous pensez que les pratiques managériales actuelles au sein de l’équipe sont en cohérence avec le référentiel décrit dans la fiche. Copier-coller le contenu du référentiel sans ajouter un commentaire, des arguments, sans porter de jugement ou vous justifiez avec des faits ;
  2. plan d’action : les éléments sur lesquels vous pensez que les pratiques managériales actuelles au sein de l’équipe ne sont pas en cohérence avec le référentiel décrit dans la fiche. Copier-coller le contenu du référentiel sans ajouter un commentaire, des arguments, sans porter de jugement ou vous justifiez avec des faits ;
    Le questionnaire est créé par le manager et il est le seul destinataire des résultats. Avec les résultats du sondage, il doit préparer un plan d’action qu’il présentera à son équipe le vendredi. Plutôt que le feed-back, nous utilisons la technique du feed-forward qui permet de se tourner vers l’avenir sans juger le passé. On élimine le plus possible les éléments subjectifs comme les jugements de valeur qui sont source de conflits. On reste centré sur le référentiel de bonnes pratiques. Chaque collaborateur-coach propose un plan d’action à son manager. En comparant tous les plans d’action proposés par ses collaborateurs, le manager pourra déterminer objectivement s’il y a une convergence de vue ou pas sur ce qu’il faut changer dans ses pratiques managériales. L’usage du copier-coller offre trois bénéfices : moins d’autocensure, réponse précise et objective, moins de risques de vexer le manager avec des formules maladroites ;
  • vendredi après-midi : le manager anime une réunion d’équipe de vingt-cinq minutes environ. Il ouvre la réunion en remerciant son équipe pour sa participation. Puis, il présente son plan d’action pour améliorer l’efficacité collective. On se tourne vers le futur, on ne juge pas le passé. Il lance ensuite un tour de table avec une question ouverte : « Avez-vous des questions, des attentes ou des remarques sur ce plan d’action ? » La prise de parole est facultative durant ce tour de table. Pour clore la réunion, le manager lance un dernier tour de table. Chaque participant doit répondre à la question suivante : « Avec quoi repartez-vous ? ». Le manager répond à cette question en dernier et met fin à la réunion ;
  • lundi suivant : chaque membre reçoit la fiche 2 et ainsi de suite pendant seize semaines.

On ne retient que 7 % d’une formation, mais avec 7-10 personnes d’une même équipe, on peut tendre vers les 100 % !

Nous sommes dans une démarche de Codev parce que le contenu des fiches proposées doit être questionnant ; le questionnaire du lundi est questionnant sur l’écart entre l’idéal et le réel ; la réunion du vendredi est questionnante avant de finaliser le plan d’action. On se pose beaucoup de questions avant de passer à l’action !

La composition de l’équipe peut changer au fil du temps avec des arrivées et des départs. Le plan d’action du vendredi n’a peut-être pas fonctionné. Comme pour les vaccins, il faut parfois faire des piqures de rappel. Ainsi, un manager devrait utiliser le codev en équipe tout au long de sa carrière en fonction de ses besoins et de ceux de son équipe.

Conditions de réussite

  1. le manager est volontaire : il accepte ce format contre-naturel sur un contenu contre-naturel ;
  2. le manager doit avoir une posture d’humilité, une ouverture d’esprit, une volonté de progresser, le sens du bien commun et surtout de la bienveillance puisqu’on vise à travers ce contenu des relations humaines constructives et positives ;
  3. le manager considère son équipe comme des partenaires et non des subordonnées qui doivent se soumettre à son autorité ;
  4. le manager considère qu’il exerce un rôle avec une responsabilité et non un pouvoir lié à un statut ;
  5. l’équipe et le manager n’ont aucune expertise dans les techniques de management, il est donc indispensable d’utiliser un contenu spécifique et surtout questionnant.

Les conditions de réussite sont nombreuses. Le codev en équipe s’adresse probablement à 10 ou 20 % seulement des managers d’une organisation « normale ». On peut imaginer que cela concerne principalement de jeunes managers et des managers de proximité.

Toute démarche de codev ou de coaching s’accompagne d’un cadre, de règles à respecter. Les conditions énumérées ci-dessus sont le cadre qui doit être connu et accepté par le manager qui se porte volontaire. Par exemple, à défaut d’être humble naturellement, le manager prend l’engagement d’adopter une posture d’humilité durant les vingt-cinq minutes de la réunion de débriefing avec son équipe le vendredi. Après cette réunion, il peut redevenir prétentieux si c’est son état naturel. Cela dit, goûtant aux bénéfices de l’humilité, il aura peut-être envie de renouveler l’expérience d’une manière plus durable et continue !

Les atouts du codev en équipe

On ne retient que 7 % d’une formation, mais avec 7-10 personnes d’une même équipe, on peut tendre vers les 100 % ! Avec les réunions du vendredi, vous allez progressivement créer une dynamique d’équipe en coconstruisant une nouvelle gouvernance au sein de votre équipe. Vos collaborateurs vont devenir des collaborateurs-coachs qui pourront vous accompagner dans la durée, bien au-delà du processus sur seize semaines.

Chaque compétence est l’occasion de discuter indirectement de la répartition des rôles, des responsabilités ainsi que des processus de travail. Il y a donc une dimension « meta » dans ces réunions. Il est probable que des « problèmes » émergeront. Vous ne devriez pas avoir peur. Ce n’est pas cette réunion qui crée les problèmes, c’est elle qui les révèle.

Le retour sur investissement du codev en équipe

Comparé aux formations techniques (métiers), on sait que les formations sur les compétences comportementales posent un vrai problème quand il s’agit de passer de l’intention à l’action. Le codev en équipe est un des remèdes à ce problème : une probabilité proche de 99 % que le manager mette réellement en œuvre les compétences grâce à son équipe composée maintenant de collaborateurs-coachs. Par ailleurs, comparé aux formations classiques où le manager sort de la formation avec de bonnes pratiques « en général », le manager peut plus facilement contextualiser et adapter les pratiques aux besoins de son équipe puisqu’ils ont coconstruit (codéveloppé) ensemble l’efficacité collective.

Durant la rencontre, il n’y a ni coach, ni formateur, ni facilitateur, et pourtant le manager et l’équipe ne sont pas en confrontation directe. Le contenu joue le rôle de médiateur. On échange autour d’un référentiel de bonnes pratiques pour identifier des écarts entre l’idéal et l’existant à partir de faits observés. Les faits sont observés, mais ils ne sont pas partagés puisque le questionnaire est anonyme. Cela dit, plus une compétence est mentionnée dans la partie « plan d’action » par un grand nombre de collaborateurs, plus on peut imaginer qu’il y a des faits !

Pour aller plus loin

Zara O., Le manager contre-naturel. Révélez le super manager qui est en vous, 2016, Axiopole.

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