Luc Rouban : «La France est dans une crise profonde du rapport à la démocratie»

Le 16 décembre 2024

Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), membre du centre de recherches politique de Sciences Po (Cevipof), Luc Rouban vient de publier Les ressorts cachés du vote RN1 qui montre comment le Rassemblement national (RN) a notamment su capter un héritage en déshérence, celui du gaullisme, où le culte de l’État est associé à une droite sociale.

Il a publié aussi, en 2022, un essai sur Les raisons de la défiance2 expliquant que la perte de reconnaissance sociale est l’une des clés de la défiance politique en France. Ses recherches portent principalement sur les évolutions de l’État et de la démocratie.

BIO EXPRESS

1987

Entrée à Sciences Po

1996

Entrée au Cevipof

1998

Publication de La fin des technocrates3

2009

Publication de La fonction publique4

2018

Publication de La démocratie représentative est-elle en crise ? 5 et Le paradoxe du macronisme6

2019

Publication de La matière noire de la démocratie7

2022

Publication Les raisons de la défiance

2024

Publication de Les ressorts cachés du vote RN

Quelle distinction faites-vous entre « défiance » et « méfiance » ?

Les deux termes sont presque synonymes. La défiance est néanmoins une version allégée de la méfiance. C’est un état de doute sur la parole ou l’action publique qui implique de prendre des précautions, une certaine distance avec les discours officiels et les prises de position. La méfiance, c’est, en termes probabilistes, la quasi-certitude d’être trompé, de se faire duper, une incrédulité profonde. La défiance implique donc le scepticisme, un regard critique sur le politique. Alors, certes, la démocratie représentative est, en soi, un régime de défiance puisqu’elle impose des contrôles politiques ou juridictionnels sur les lois, les décisions de l’exécutif ou la gestion des budgets. L’idée même de contrôler l’action des gouvernements, afin que ces derniers rendent des comptes et présentent leur bilan ou leurs raisons d’agir, distingue fortement les régimes démocratiques des régimes monarchiques qui les ont précédés puisque la confiance placée dans le roi en France était celle que l’on plaçait en Dieu et en son représentant. Cela étant, se défier de l’action publique ou du politique aujourd’hui c’est aussi douter des contrôles, de leur efficacité et de leur portée. Nous sommes ici au cœur du problème : la défiance, c’est le signe que la démocratie représentative ne fonctionne plus ou ne fonctionne pas de manière optimale. Il ne s’agit pas seulement de douter de son efficacité intrinsèque, mesurée par les résultats obtenus par les politiques publiques, mais encore et surtout de sa capacité à représenter réellement ce que désirent et recherchent les citoyens. Le représentant devient suspect de trahir ses électeurs et d’obéir à d’autres contraintes, comme celle de l’Union européenne, de la mondialisation capitalistique ou de sa propre carrière. En 2024, 41 % des Français pensent que la démocratie fonctionne bien.

La France est devenue le pays de la défiance politique en Europe. Comment expliquer une telle évolution ?

Les enquêtes que l’on mène depuis 2009 dans le cadre du Baromètre de la confiance politique du Cevipof montrent que la France se distingue fortement sur le terrain de la confiance politique de pays européens d’importance socio-économique comparable comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni et qu’elle rejoint l’Italie dans une crise profonde du rapport à la démocratie. On a connu sous les IIIe et IVe Républiques des crises de régime qui s’organisaient autour d’un anti-parlementarisme féroce, les élus étant dénoncés, notamment par l’extrême droite, pour leur corruption, leur carriérisme et leur incapacité à résoudre les problèmes du pays, ce qui appelait au renforcement du pouvoir exécutif. En revanche, la confiance est revenue sous la Ve République, du moins jusqu’au septennat de Valéry Giscard d’Estaing. C’est en effet à partir de 1974 que les courbes de confiance dans le personnel politique commencent à s’infléchir sérieusement pour ne plus remonter par la suite et descendre de plus en plus bas. Rappelons qu’en 2024, seuls 20 % des Français font confiance aux partis politiques et que 27 % font confiance à la nouvelle Assemblée nationale élue en juillet de la même année. L’explication qu’on peut donner de cette évolution tient à plusieurs facteurs : l’affaiblissement de l’État dans son autorité, portée au plus haut dans la période gaullienne, l’irresponsabilité politique qui, au détour de la professionnalisation des élus, a rendu les sanctions inapplicables ou inappliquées – quels que soient les scandales, on reste – l’inadaptation des mesures prises au sommet pour résoudre les problèmes rencontrés sur le terrain que ce soit par les électeurs ou par les élus locaux, la confusion croissante entre intérêts publics et privés qui jette le discrédit sur la neutralité et la sincérité des décisions gouvernementales.

Nous sommes ici au coeur du problème : la défiance, c’est le signe que la démocratie représentative ne fonctionne plus ou ne fonctionne pas de manière optimale.

D’une élection à l’autre, le vote se radicalise, l’abstention est au plus haut, etc. Autant de symptômes d’une crise profonde de la démocratie. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

La clarification recherchée par Emmanuel Macron s’est finalement traduite par une impasse [...]. Rien n’a été réglé et la seule issue sera la prochaine élection présidentielle.

Le vote s’est effectivement radicalisé à gauche et à droite, s’opposant à un centre modéré représenté par le macronisme depuis 2017 dans un jeu à trois qui a fortement déstabilisé le fonctionnement des institutions, empêchant la formation d’une coalition stable en 2024. L’abstention s’est affirmée, ou confirmée, lors des élections municipales de 2020, des législatives de 2022 ou des européennes de 2024, mais s’est considérablement réduite aux législatives de 2024 qui ont vu les électeurs se mobiliser massivement bien que pour des raisons différentes, qu’il s’agisse de voter contre Emmanuel Macron, contre le RN ou contre le Nouveau front populaire (NFP), ce qui fait beaucoup de raisons négatives. Ce sursaut électoral montre bien que les Français ne se désintéressent pas de la politique lors des échéances cruciales lorsqu’un basculement politique peut être envisagé. Encore faudrait-il qu’ils soient entendus. Car la logique originelle de la Ve République était de soumettre le mandat du président de la République à l’approbation, ou l’improbation, des électeurs, que ce soit à l’issue d’un référendum ou d’élections législatives. La pratique référendaire a été abandonnée depuis 2005 et le retournement de majorité à l’Assemblée nationale a déclenché en 1986, 1993 et 1997 des cohabitations sans que François Mitterrand décide de démissionner alors même que dans ces trois circonstances l’opposition avait obtenu une majorité absolue, ce qui n’est pas le cas en 2024. La clarification recherchée par Emmanuel Macron s’est finalement traduite par une impasse : impossibilité de créer une coalition de centre gauche, volonté de poursuivre le programme présidentiel sans que l’on sache encore si le gouvernement de Michel Barnier aura la volonté et la possibilité de le faire, notamment pour des raisons budgétaires, majorité relative d’électeurs ayant voté pour le RN au premier comme au second tour des législatives. Rien n’a été réglé et la seule issue sera la prochaine élection présidentielle.

Selon vous, la perte de reconnaissance sociale est l’une des clés de la défiance. Pourriez-vous approfondir cette idée ?

Il existe effectivement une très forte corrélation entre la défiance politique, le vote RN ou La France insoumise (LFI) et le sentiment d’injustice sociale. Cependant, cette injustice n’est pas tant perçue en termes d’inégalité qu’en termes d’iniquité. La question de la redistribution des richesses est toujours présente, mais elle est désormais occultée par celle de la règle du jeu social. Le vote de classe a fait place au vote de classement, où la perception subjective de la place que l’on occupe dans la société est désormais bien plus déterminante sur le vote que la catégorie socioprofessionnelle objective à laquelle on appartient. La défiance est le résultat de ce regard critique que les citoyens portent désormais sur leur propre situation ou sur celle de leurs enfants. À ce titre, le mouvement des Gilets jaunes s’est avéré fondateur dans la crise démocratique. C’est un mouvement social qui n’est plus celui qu’organisent régulièrement les syndicats ou les partis de gauche. C’est la protestation de tous ceux qui ne sentent pas reconnus, mais piégés dans une société où les efforts professionnels ne sont pas vraiment récompensés, où les contraintes se multiplient, où le principe de la méritocratie républicaine n’est plus qu’une façade cachant des stratégies individuelles ou collectives de réussite qui ne doivent plus grand-chose aux résultats obtenus. D’une manière générale, la défiance politique est le produit d’un décalage entre le mode réel de fonctionnement de la société française, avec des diplômes perdant leur valeur sur le marché du travail, une mobilité sociale ascendante réduite, une insécurité sociale grandissante et un affichage fanfaron d’un discours sur la nécessité de s’adapter aux effets de la mondialisation. En ce sens, la défiance à l’égard du politique est une défiance à l’égard de la hiérarchie sociale française et de ce qui la justifie. Mais comme cette défiance s’inscrit dans une droitisation des valeurs, notamment sur le terrain pénal ou le terrain économique, elle profite bien davantage au RN qu’à la gauche.

Est-ce que la crise démocratique est liée aux institutions ?

La lecture faite par de nombreux commentateurs en termes purement constitutionnels ne permet ni d’expliquer la situation ni de l’améliorer. La Constitution de la Ve République est souple et autorise trois interprétations : l’interprétation parlementaire, référendaire et présidentialiste. C’est bien cette dernière qui a été retenue par Emmanuel Macron. Cela étant, les institutions de contrôle, comme le Conseil constitutionnel ou les tribunaux, fonctionnent, les règles sont respectées et rien ne permet d’affirmer qu’on serait dans une période de « coups de force » voire de démocratie illibérale sinon de « coup d’État ». Cette crise démocratique est liée à l’interprétation et à la pratique des institutions, qui s’est développée depuis les années 2000, ce qui a conduit à considérer le Premier ministre comme un « collaborateur » ayant parfois moins de pouvoir réel que le secrétaire général de l’Élysée. On a également assisté à la concentration du pouvoir exécutif au niveau de la présidence au détriment des ministères qui se sont réduits à des instances de gestion et ont perdu l’autonomie assez grande qui leur avait été laissée autrefois, notamment durant la période gaullienne. Alors, évidemment, la tentation est grande d’en conclure que la présidentialisation de la Ve République reste le facteur décisif dans la crise de confiance. Mais ce n’est pas l’institution présidentielle qui crée cette défiance, c’est bien le programme politique du macronisme, qui n’est soutenu depuis 2022 que par une part minoritaire des électeurs, comme son mode de fonctionnement très vertical qui contredit les engagements de campagne pris en 2017, où il était question d’une révolution politique douce favorisant l’écoute du terrain et l’horizontalité du travail politique. Cette verticalisation du pouvoir et sa conception, très imprégnées des modes de fonctionnement des entreprises privées, ont fait du président la clé de toute la vie politique. Il ne faut donc pas confondre le contenant et le contenu, les institutions et ce que l’on en fait. En réalité, le problème est bien plus profond. Il touche au rapport que la société française entretient avec le politique dans une tension entre, d’une part, la volonté de s’adapter à la mondialisation, ce qui reste le credo du président de la République, et de l’autre, la volonté de se protéger des nouvelles menaces qui pèsent autant sur le destin collectif que sur les destins individuels. Ce qui est en jeu c’est la possibilité ou non de maîtriser ces destins, ce qui demande à la fois de régler le problème d’émancipation économique des Français, de disposer d’un État qui fonctionne et soit respecté et de construire une stratégie pour travailler avec l’Union européenne et faire face à l’émergence d’une nouvelle géopolitique peuplée de nationalismes guerriers.

Le vote de classe a fait place au vote de classement, où la perception subjective de la place que l’on occupe dans la société est désormais bien plus déterminante sur le vote que la catégorie socioprofessionnelle objective à laquelle on appartient.

Ne faudrait-il pas transformer plus en profondeur nos institutions pour surmonter cette crise de confiance ?

Tous les projets de réforme constitutionnelle visant soit à revenir à un régime parlementaire, soit à développer la démocratie directe, soit à modifier le mode de scrutin constituent, à mes yeux, des placebos démocratiques. Rappelons que c’est bien l’instauration du scrutin proportionnel à l’Assemblée nationale en 1986, prévue par les 110 propositions de la gauche, qui a permis au Front national (FN) de faire élire 35 députés. Rappelons également qu’avec la proportionnelle à un tour, le RN aurait obtenu avec ses alliés 192 députés en 2024, soit 49 députés de plus, sans que ce scrutin ne produise, comme par miracle, une volonté de créer des coalitions. Rien ne permet d’affirmer que les électeurs auront davantage confiance dans des candidats choisis sur des listes dressées par les formations politiques à l’issue d’un « mercato » où l’on va placer ses amis et compenser l’absence de position éligible par d’autres candidatures au niveau local. La proportionnelle est la grande formule des militants et des partis, car ils savent qu’ils en tireront bénéfice. On connaît déjà ce genre de situation avec les élections régionales et les pratiques d’échange et de substitution des candidatures permettant d’organiser la carrière des uns et des autres dans les territoires. Quant à passer au régime parlementaire, en réduisant la présidence à une fonction honorifique ou de conciliation, comme c’est le cas en Allemagne ou en Italie, cela ne va pas faire disparaître la polarisation très forte de l’électorat et le potentiel du RN. Admettons que le Premier ministre ait eu l’essentiel du pouvoir exécutif en 2024 : qui aurait émergé de l’imbroglio électoral ? Je ne crois pas aux solutions institutionnelles qui produisent d’elles-mêmes de la vertu et de l’efficacité. Rappelons que d’éminents constitutionnalistes nous avaient vendu il y a quelques années la fin du cumul des mandats, ce qui a généré des députés hors sol dont tout le monde s’est plaint et ce qui a contribué à aggraver la crise démocratique.

Les Français préfèrent-ils le bien-être économique à la démocratie ?

Les travaux que j’ai récemment menés montrent effectivement que lorsque les Français doivent choisir entre un régime démocratique au risque de la pauvreté et un régime peu démocratique, mais offrant bien plus d’opportunités de s’enrichir, ils préfèrent en moyenne la seconde solution, ce qui n’est pas le cas, par exemple en Italie, où la majorité choisit très généralement la démocratie et cela, quelle que soit la catégorie sociale. Cela ne signifie pas que la démocratie en tant que telle, garante des libertés publiques, est rejetée en France, mais que son mode de fonctionnement, ses débats, ses élections sont regardés désormais avec perplexité : tout cela est fort bien, mais en quoi cela va-t-il améliorer concrètement la situation ? La défiance politique a fini par produire une forme d’indifférence à la scène politique, de mise à distance. On remarque en particulier que les plus jeunes et que tous ceux qui estiment avoir réussi socialement préfèrent la seconde solution. On reste donc au cœur du problème qui reste celui de l’efficacité de l’action publique. À ce titre, les Jeux olympiques, dont le succès a été unanimement reconnu, ont fait figure de contre-exemple, celui d’une réussite de la société civile et des élus locaux sans que les dirigeants politiques y soient mêlés. L’absence de gouvernement est passée au second plan, rendant un peu dérisoire la course aux places qui s’est produite ensuite.

Depuis 2022, le RN est la première force politique en France. S’il échoue en 2024 à obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il augmente de 50 % le nombre de ses députés. Pour reprendre le titre de votre ouvrage : quels sont les ressorts cachés du vote RN ?

Une vision un peu simpliste conduit à penser que le vote RN se résume à un vote raciste ou xénophobe. Cela n’explique cependant pas pourquoi le vote RN s’est progressivement élargi des catégories populaires aux catégories moyennes et supérieures, diplômées et tolérantes sur le terrain sociétal ni pourquoi ce vote s’est également étendu à l’Outre-mer, peut suspect de racisme systémique. L’explication par le populisme tourne également court, car les électeurs RN ne veulent pas d’un chef tout-puissant, mais d’un leadership de proximité. Par ailleurs, ils ne se reconnaissent pas comme faisant partie d’une Nation et d’un peuple uni, mais sont, au contraire, caractérisés par une forte anomie, c’est-à-dire une absence de liens sociaux. Les ressorts de ce vote sont donc à chercher dans le rejet du macronisme, comme porte-parole de la mondialisation, et dans le fonctionnement de la société française, comme je le détaille dans l’ouvrage. Mais derrière ce rejet du macronisme figure la grande incertitude que génère une transformation anthropologique du rapport au pouvoir : désir de retrouver la maîtrise de l’avenir, collectif ou individuel, demande de protection face aux nouvelles menaces que représentent le changement climatique ou le retour de la guerre en Europe.

Un nouveau chapitre historique dans la lutte entre les élites politiques et administratives a donc été ouvert, mais, cette fois, au détriment des secondes.

Quel regard portez-vous sur la transformation publique impulsée par Emmanuel Macron depuis son premier mandat (affaiblissement des grands corps d’État, contractualisation de la fonction publique, rôle croissant des cabinets de conseil, etc.) ?

Le vote RN n’aurait sans doute pas acquis une telle importance sans le macronisme dont il est, en quelque sorte, la figure inversée. Le macronisme est venu entériner une forme de confusion entre public et privé dans la recherche d’une ouverture des carrières et des trajectoires professionnelles, ce qui était un objectif louable, mais très généralement à la seule portée des catégories supérieures. La volonté de rapprocher la relation d’emploi dans la fonction publique de celle qui est en vigueur dans le secteur privé, ce qui a été plus ou moins mis en œuvre par la loi du 6 août 20198 de transformation de la fonction publique, la suppression de certains corps emblèmes historiques de l’État à la française – comme le corps préfectoral, le corps diplomatique, l’inspection des Finances – n’a pas permis de produire un nouveau modèle d’État. L’intervention fréquente de cabinets de consultants privés dans l’élaboration et l’évaluation des politiques publiques a été ressentie comme une intrusion dans un univers qui ne manque ni d’experts ni d’inspections ou de corps de contrôle et comme la marque d’une défiance qui provenait, cette fois, du politique. Un nouveau chapitre historique dans la lutte entre les élites politiques et administratives a donc été ouvert, mais, cette fois, au détriment des secondes. C’est bien le politique qui s’est imposé, comme dans d’autres pays occidentaux, ce qui permet d’ailleurs d’écarter la thèse selon laquelle le macronisme serait une technocratie. La concentration du pouvoir à l’Élysée, et dans quelques cercles dirigeants, a distendu les relations avec une « intendance » qui ne suivait plus. Il ne faut cependant pas en conclure que le macronisme est l’élément moteur du déclin de l’État, il en est le révélateur, car ce processus de dégradation est en gestation depuis plusieurs décennies. La perte d’autorité de l’État ne vient pas seulement d’un manque de moyens, mais également d’un prestige en berne. Le statut social des fonctionnaires n’est plus celui d’autrefois et on peut constater une baisse constante du taux d’attractivité des concours de la fonction publique depuis les années 2000. Il en résulte que la situation française se caractérise sur le terrain soit par des services publics absents, soit par une bureaucratisation de l’économie qui pèse lourdement sur les petites entreprises, soit par une avalanche de normes hétérogènes qui empêchent d’agir efficacement comme on peut le voir en matière d’immigration, de justice pénale ou tout simplement dans le fonctionnement quotidien des collectivités locales et notamment des petites communes. Ce mode d’action publique, ni franchement libéral car trop bureaucratique ni franchement interventionniste, car trop privatisé, n’a généré que des mécontentements. Mais il a également affaibli la société française dont la cohésion a toujours dépendu depuis la monarchie de la force d’intégration, pas toujours aimable, de l’État.

 

La perte d’autorité de l’État ne vient pas seulement d’un manque de moyens, mais également d’un prestige en berne. Le statut social des fonctionnaires n’est plus celui d’autrefois.

  1. Rouban L., Les ressorts cachés du RN, 2024, Presses de Sciences Po, Essai.
  2. Rouban L., Les raisons de la défiance, 2022, Presses de Sciences Po, Essai.
  3. Rouban L., La fin des technocrates, 1998, Presses de Sciences Po, La bibliothèque du citoyen.
  4. Rouban L., La fonction publique, 2009, La Découverte, Repères.
  5. Rouban L., La démocratie participative est-elle en crise ?, 2018, La Documentation française, Doc’ de poche.
  6. Rouban L., Le paradoxe du macronisme, 2018, Presses de Sciences Po, Nouveaux débats.
  7. Rouban L., La matière noire de la démocratie, 2019, Presses de Sciences Po, Nouveaux débats.
  8. L. no 2019-828, 6 août 2019, de transformation de la fonction publique.
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