Revue
Grand entretienHenri Bergeron et Patrick Castel : «Les organisations subissent aujourd’hui un effet ciseaux»

Henri Bergeron et Patrick Castel viennent de publier L’Organocène1 qui s’intéresse à une caractéristique majeure de notre époque moderne : l’omniprésence du phénomène organisationnel. Adoptant l’approche de la sociologie des organisations, les deux chercheurs invitent, dans cet ouvrage, à aller voir « ce qui se passe derrière le miroir des organisations, publiques ou privées, afin d’examiner, d’analyser, de saisir les processus de décisions, les comportements des acteurs, les jeux de pouvoir, de réseaux, mais aussi les fondements et les ressorts de l’action collective ».
Grâce à cette approche, ils démontrent que « les concepts établis de bureaucratie, de hiérarchie, comme les représentations psychologisantes du leadership, perdent leur capacité à saisir la réalité empirique. Quant aux recettes classiques de gestion, tels l’invention de nouveaux modes de gouvernance ou le recours aux technologies digitales, elles ne suffisent plus à porter les nécessaires transformations sociales et environnementales ».
BIO EXPRESS
Patrick Castel
2020
Habilitation à diriger des recherches en sociologie à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines
2021
Directeur de recherche à Sciences Po
2022
Coordinateur scientifique de la chaire Transformation des organisations et du travail
2023
Directeur adjoint du centre de sociologie des organisations, membre du conseil scientifique de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
2024
Codirecteur scientifique de l’executive master Management des politiques publiques
L’Organocène, votre nouvel ouvrage, est sorti un peu plus de quatre ans après le début de la crise sanitaire du covid-19. Ce nouvel opus complète-t-il votre précédent ouvrage Covid-19 : une crise organisationnelle2 ou s’inscrit-il dans un champ et une démarche bien plus vastes ?
Patrick Castel (P. C.) – Covid-19 : une crise organisationnelle était une analyse « à chaud » du fonctionnement des organisations dans un moment très particulier, celui de la pandémie. A contrario, L’Organocène est un essai qui n’est pas focalisé sur un moment particulier, mais ambitionne de tirer les conséquences, pour l’analyse du changement, d’une caractéristique majeure de notre époque moderne : l’omniprésence du phénomène organisationnel. Cette caractéristique explique le titre du livre, par analogie avec l’Anthropocène3 qui désigne le changement d’époque géologique par l’avènement de l’activité humaine.
Dès 1997, Herbert Simon4, prix Nobel d’économie, avait critiqué la tendance à appeler notre société une « économie de marché » alors qu’il s’agissait plus précisément d’une économie d’organisations. Mais, avec l’avènement du néolibéralisme à partir des années Reagan et Thatcher, cette caractéristique fondamentale a été négligée, y compris par de nombreux travaux sociologiques : l’objet de toutes les attentions était le marché, non les organisations et la sociologie des organisations a pu paraître à tort comme une discipline du passé. Depuis Le pouvoir et la règle de Erhard Friedberg5, publié en 1993, il n’est guère paru d’essai théorique dans la discipline en France ! Nous avons donc voulu combler ce manque en écrivant ce livre à destination des académiques, des commanditaires de recherche, mais aussi des étudiants, des cadres et des dirigeants d’entreprises.
BIO EXPRESS
Henri Bergeron
2015
Directeur du master Ressources humaines et gouvernance durable à Sciences Po
2017 à 2024
Directeur de l’executive master Management des politiques publiques au sein de Sciences Po executive education
2020
Co-publication avec Olivier Borraz, Patrick Castel et François Dedieu de Covid-19 : une crise organisationnelle
2022
Création de la chaire Transformation des organisations et du travail, dont il est le titulaire
2024
Directeur académique de l’executive master of public administration
Henri Bergeron (H. B.) – La sociologie des organisations, née aux États-Unis à la fin du xixe siècle, dans le sillage de la révolution industrielle, a une longue histoire derrière elle et des figures majeures telles que James March et Herbert Simon, outre-Atlantique, Michel Crozier et Erhard Friedberg, en France, les auteurs de L’acteur et le système6 paru en 1977. Je rappelle que le centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences Po a été créé par Michel Crozier, dans les années 1960. Reste que dans le domaine académique, les disciplines reines ont toujours été l’économie et la sociologie, au sens « bourdieusien » du terme, celle qui se penche sur la domination, la socialisation, etc. Cela demeure en partie vrai pour certains étudiants qui font la différence entre une sociologie qui serait « noble » et d’autres, moins attrayantes.
Les organisations subissent aujourd’hui un effet ciseaux, à savoir que les exigences de transformation, de changement n’ont jamais été aussi fortes et les difficultés à se coordonner et coopérer n’ont jamais été aussi élevées.
Toutefois, au-delà de ces perceptions, la caractéristique principale de la sociologie, quelles que soient ses différentes « familles », c’est d’aller regarder ce qui se passe « derrière le miroir ». En l’espèce, il s’agit d’aller voir ce qui se passe derrière le miroir des organisations, publiques ou privées, peu importe, afin d’examiner, d’analyser, de saisir les processus de décisions, les comportements des acteurs, les jeux de pouvoir, de réseaux, mais aussi les fondements et les ressorts de l’action collective et, ce qui nous intéresse aujourd’hui avec Patrick, à savoir les structures relationnelles qui se forment autour d’échanges, d’évitements et de points de tension récurrents dans la réalisation concrète des activités. Il s’agit d’une forme de pouvoir négligée et pourtant essentielle à la compréhension des dynamiques de changement, car elle constitue autant un obstacle qu’un levier.
C’est ce que nous développons dans L’Organocène qui montre sur la base de cas empiriques les divers et nombreux points de blocages qui surviennent dans les organisations et entre les organisations dans les champs d’action publics et certains secteurs économiques. À propos de blocage dans les organisations, on peut prendre l’exemple de la crise sanitaire, qui, passé le temps de la mobilisation collective, n’a pas permis d’introduire de manière durable dans les organisations hospitalières certains changements en matière de management, de pratiques professionnelles, de coopérations, etc., qui avaient su être introduits et être efficaces durant la crise sanitaire.
P. C. – J’ajoute qu’il existe bien des façons d’aller regarder « derrière le miroir » ainsi que l’illustre le foisonnement des recherches, souvent anglo-saxonnes, et des théories dont certaines se sont focalisées sur les seuls comportements des individus. Nous avons choisi une approche qui ambitionne de « sociologiser » les explications du changement et du fonctionnement des organisations. Nous nous sommes appuyés sur le concept de pouvoir de Michel Crozier et Erhard Friedberg, et nous avons conceptualisé les relations de pouvoir comme des structures relationnelles pouvant limiter les capacités d’action des individus ou groupes d’individus. Autrement dit, nous nous intéressons moins à l’humain en tant qu’individu qu’à la relation entre humains et collectifs d’humains. Car, le mythe du héros, du dirigeant providentiel, par exemple, encore très présent dans les esprits, n’explique pas pourquoi celui-ci a pu « sauver » une organisation et échouer dans une autre. Nous défendons une approche à la fois verticale du pouvoir qui consiste à examiner l’influence des institutions et des modes de pensée dominants sur les acteurs des organisations et horizontale qui consiste à examiner l’influence des structures relationnelles sur ces acteurs. C’est l’articulation de ces deux composantes, qu’il convient d’observer ensemble, qui retient notre attention.
Pourquoi le « vent » est-il plus favorable à la sociologie des organisations ?
H. B. – On ne compte plus les grands projets de transformation, dans les organisations publiques comme privées, qui se sont heurtés à des difficultés majeures et ont parfois débouché sur des échecs retentissants. Les projets qui ambitionnaient, par exemple, d’aligner un ensemble d’acteurs dans les organisations sur une seule pratique standardisée ont connu de sérieux problèmes. L’omniprésence de la promesse du numérique en faveur d’expériences de transformation fluides, mécaniques, sans accroc, tant pour les agents que pour les citoyens, ne s’est pas révélée être comme telle dans la réalité, qu’il s’agisse de la dématérialisation des procédures administratives, de l’intégration des systèmes d’information ou de la mise en œuvre des progiciels de gestion et des conséquences dans les organisations.
Le CSO est d’ailleurs régulièrement sollicité par des organisations, publiques ou privées, qui font l’expérience de sérieuses difficultés dans leurs projets de transformation et nous demandent un diagnostic afin de les aider à comprendre la situation et débusquer les points de blocage. Or, la transformation, mantra de la modernité managériale, s’est, au fil des décennies, muée en véritable injonction, sous la pression croissante des contraintes économiques, auxquelles se rajoute à présent l’impérieuse nécessité de se transformer pour tenter de préserver l’environnement, alors que le contexte géopolitique mondial s’est particulièrement tendu. Les organisations subissent aujourd’hui un effet ciseaux, à savoir que les exigences de transformation, de changement n’ont jamais été aussi fortes et les difficultés à se coordonner et coopérer n’ont jamais été aussi élevées ! Les vagues successives de plan de transformation ont aussi contribué à déstabiliser les organisations, à faire perdre aux acteurs le sens de leur travail et leur énergie, avec comme résultat l’expérience, pour un grand nombre de personnes, de difficultés d’adaptation aux changements. Néanmoins, pour que les sociétés se transforment, il faut que les organisations, qui en sont désormais la base, se transforment.
P. C. – La crise organisationnelle pendant le covid-19 illustre bien l’effet ciseaux que vient de mentionner Henri : les ministères et administrations nationales et territoriales devaient absolument se coordonner et coopérer pour lutter efficacement contre la pandémie, car ils étaient dépendants les uns des autres. Or, l’examen minutieux de la réalité a montré de grandes difficultés à le faire, les fonctionnements en « silos » caractérisant toujours de très nombreuses organisations. C’est ce qui est notamment ressorti de notre analyse qui a donné lieu à notre ouvrage Covid-19 : une crise organisationnelle, qu’Henri a évoqué plus haut. Mais nous avons également pu observer la création foisonnante d’entités ad hoc dans le but de s’affranchir des lourdeurs des systèmes de décisions classiques et d’entités de coordination chargées de coordonner… des coordinateurs !
On ne compte plus les grands projets de transformation, dans les organisations publiques comme privées, qui se sont heurtés à des difficultés majeures et ont parfois débouché sur des échecs retentissants.
Toutefois, cette tendance à l’inflation des organisations et à la complexité ne date pas du covid-19, tant s’en faut, mais la crise a mis ce phénomène en exergue. D’ailleurs, ce qui nous a conduits à la rédaction de L’Organocène est bien antérieur à 2020 : nous avons commencé à réfléchir à la rédaction d’un tel ouvrage dès le début de la précédente décennie. Les séminaires pour doctorants entre Sciences Po et le Max Planck Institut à Cologne, les cours, les missions, etc., des travaux qui s’effectuent en dehors des lumières, sont les composants de cette maturation qui s’étale sur plus d’une décennie. La chaire Transformation des organisations et du travail, créée en décembre 2022, avec le soutien de grands partenaires publics et privés, est le prolongement de notre démarche et prouve effectivement que le contexte actuel est bien plus favorable à la sociologie des organisations pour les raisons qu’Henri vient de mentionner.
Malgré ce « vent » plus favorable, la sociologie des organisations doit encore convaincre bon nombre de dirigeants quant à sa pertinence par rapport à la conduite des organisations : lors de nos missions, nous constatons la plupart du temps un manque de formation à ce type de savoir par rapport aux savoirs dominants tels que l’économie, la gestion et le management. Un temps de socialisation par rapport à cette démarche sociologique est nécessaire et indispensable pour la compréhension future du diagnostic. En outre, la temporalité de l’action publique affecte nos missions dans les organisations publiques. Nos travaux prennent en effet plusieurs mois, voire une ou deux années avant de poser un diagnostic. Mais, entre-temps, un nouveau dirigeant a pu être nommé et il ne sera pas forcément convaincu par notre démarche comme pouvait l’être son prédécesseur !
Vous avez évoqué plus haut la tendance à l’inflation des organisations qualifiée dans votre ouvrage de « frénésie organisationnelle ». D’où vient-elle et quelles en sont les conséquences ?
H. B. – Enjoindre à la coordination entre acteurs et entre institutions est devenu un geste classique de pilotage des politiques publiques précisément pour tenter de remédier au fonctionnement des organisations en silos, préjudiciables aux politiques transverses, comme le médico-social. Bien souvent, la voie choisie pour traiter ces questions de coordination est celle du « management abstrait », pour reprendre l’expression d’Olivier Tirmarche. Il s’agit d’agir sur une réalité, de tenter de pallier un dysfonctionnement au travers des modifications de la seule organisation formelle, par la création de nouvelles entités, de fusions, de regroupements, de nouvelles procédures, processus, dispositifs d’information, etc. Ce faisant, on peut endosser facilement le costume de la modernité managériale et son vocabulaire typique : « organisation plus souple », « plus agile », « engagée », « projet inspirant », etc.
Il est infiniment préférable, car plus aisé, plus rapide, plus valorisé, de créer des entités, des fonctions, des métiers chargés de la coordination plutôt que d’aller examiner en profondeur, avec minutie et rigueur, ce qui se passe dans l’organisation. Ce management abstrait est l’une des causes de la création d’organisations. L’injonction à se transformer passe par la coordination des organisations (ou unités d’une organisation), qui devient elle-même une injonction, afin de rendre l’action publique et privée plus efficace, coordination qui génère la création de nouvelles organisations.
Ainsi, la multiplication de ces nouvelles organisations, qui souvent ne disparaissent pas en dépit d’une efficacité limitée ou non démontrée, pose de nouveaux problèmes de coordination, que l’on tente de résoudre en créant d’autres organisations coordinatrices ! Soulignons au passage que si de telles organisations n’ayant pas fait leurs preuves demeurent, c’est sans doute parce que les acteurs qui les ont créées, ou dont certains acteurs en tirent des bénéfices, ont intérêt à leur maintien. D’où la résistance au changement.
P. C. – Lorsque le nouveau dispositif de coordination échoue, ou qu’il ne fonctionne pas totalement, ou que les acteurs qui ont créé une nouvelle entité ne réussissent pas à améliorer leur coordination, il serait judicieux de se demander quelles sont les raisons de cet échec, pourquoi les acteurs concernés n’ont pas suivi. Dans cette optique, il faut faire la différence entre la coordination, qui est une affaire technique, d’ingénieur ou d’économiste, une question de paramétrage en quelque sorte, et la coopération où l’on cherche à comprendre pourquoi tel service ne coopère pas avec tel autre : le concept de relations de pouvoir, à savoir des relations d’échanges déséquilibrés, peut aider selon nous à expliquer de telles situations et espérer les modifier. Malheureusement, nous constatons que les organisations se donnent rarement les moyens d’évaluer qualitativement les ressorts du succès ou de l’échec des réorganisations ou des plans de réorganisations.
Ajoutons une difficulté supplémentaire en matière de coopération : pour qu’une coopération fonctionne dans un collectif et entre collectifs, il faut un minimum d’horizon commun, l’envie de se projeter au moins à moyen terme et de faire des compromis ; si l’horizon des nouveaux arrivants dans une organisation ne dépasse pas six mois ou un an, son fonctionnement, et notamment la coopération entre les acteurs et l’intégration des nouveaux arrivants vont s’en ressentir. C’est, par exemple, ce qui passe dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avec le turn-over des soignant·es, une situation encore accentuée dans les territoires en tension sur ce métier.
L’introduction de l’IA pose pas mal de questions comme l’évolution des relations de pouvoir dans les organisations et la formation des professionnels.
Vous avez évoqué les fusions comme l’un des outils de la coordination. Le « big is beautiful » fait-il toujours recette, y compris dans les organisations publiques ?
P. C. – Certainement ! En particulier dans les secteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche ou de la santé, où l’État conditionne son soutien financier à l’adoption d’un type d’organisation censée susciter et améliorer la coopération entre entités existantes telles que Labex, Idex, IHU, etc. Là encore il s’agit de modes : matricielle ou des grands pôles en matière de recherche. Pourquoi n’avoir pas réfléchi au préalable sur la pertinence des modalités de ces pôles pour le système français ? Les professionnels du domaine concerné véhiculent des discours positifs et font la promotion de modèles que l’on va essayer de copier comme cela a été le cas pour les fusions des régions inspirées des Länder allemands. Les fusions sont des mythes rationnels où l’on se convainc que le « nouveau monde » créé sera meilleur !
H. B. – Pour prolonger ce que Patrick vient d’exposer, je considère les fusions comme une articulation entre croyances et intérêts. Par exemple, la croyance que « big is beautiful » s’articule très bien avec les intérêts des grandes universités à être dans le haut des classements internationaux pour attirer des étudiants. Cela étant, les fusions, qui sont avec la création de petites structures de coordination, les deux modalités privilégiées du changement aujourd’hui, sont effectuées sans qu’un diagnostic sociologique préalable soit effectué. On ne se donne pas les moyens de regarder ce qui coince dans les organisations avant de les changer. La pensée dominante est qu’il suffit de créer de nouvelles entités pour que la coordination apparaisse !
Quelles conséquences aura l’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans les structures relationnelles des organisations ?
P. C. – Tout d’abord, l’IA, comme d’autres innovations, est devenue aussi un mythe rationnel ! Il faut que les organisations montrent à leurs publics qu’elle l’adopte ; dans le cas contraire, elles risquent de perdre en légitimité. Ainsi, les hôpitaux ont créé des directions des data. Ensuite, l’introduction de l’IA pose pas mal de questions comme l’évolution des relations de pouvoir dans les organisations et la formation des professionnels. On peut supposer que certains acteurs vont utiliser l’IA pour renforcer leur position dans l’organisation et affaiblir les positions d’autres acteurs et cela, à titre individuel, mais aussi pour le service auquel ils appartiennent. Et contrairement aux autres vagues d’automatisation, qui ont d’abord touché les métiers moins qualifiés, l’IA concerne d’emblée les professions plus qualifiées. Prenons le cas des radiologues, profession qui s’est emparée très rapidement du sujet IA. En effet, cette dernière va-t-elle se substituer aux radiologues ou renforcer les expertises de certains ? Leur nombre diminuera-t-il au profit de super-experts en radiologie qui superviseront les analyses des IA ? Ou, au contraire, l’IA va-t-elle bénéficier à tous les radiologues, mais vient alors la question de leur formation. Autre profession à être impactée, les conseils juridiques : seront-ils moins consultés dans les organisations si l’IA se substitue à eux pour des questions basiques ? En théorie, les experts sont donc menacés par l’IA même si les réalités de chaque profession viendront nuancer cela. Néanmoins, il est fort probable que l’IA va redistribuer les expertises. Comme toute innovation, nous allons l’analyser avec nos outils, théorique et pratique.
Il est fort probable que l’IA va redistribuer les expertises au sein des organisations.
H. B. – Au sein de la chaire Transformation des organisations et du travail, nous menons un travail exploratoire qui va aboutir à un document de cadrage afin de concevoir un projet de recherche sur l’IA générative (IAG) et ses effets sur le management et la prise de décisions, car l’IA est effectivement susceptible de remettre en cause le rôle du management. Ces travaux sont soutenus par les partenaires de la chaire et menés en coopération avec Brieuc du Roscoät (Institut pour la transformation et l’innovation) et Gilles Carel (chaire Gestion de l’innovation du Conservatoire national des arts et métiers [Cnam]).
- Bergeron H. et Castel P., L’Organocène. Du changement dans les sociétés surorganisées, 2024, Presses de Sciences Po, Essai.
- Bergeron H., Borraz O., Castel P. et Dedieu F., Covid-19 : une crise organisationnelle, 2020, Presses de Sciences Po, Essai.
- « Les humains et leurs pratiques génèrent des changements environnementaux sur terre d’ampleur souvent comparable aux forces géophysiques, climatiques, volcaniques ou encore extra-terrestres. C’est la responsabilité de l’espèce humaine dans ces changements que la notion d’anthropocène veut mettre en avant » (https://www.mnhn.fr/fr/anthropocene-l-homme-acteur-des-changements-environnementaux).
- Simon H. A., Administrative Behavior. A Study of Decision-making Processes in Administrative Organizations, 4e éd., 1997, Free Press. Herbert A. Simon a reçu le prix Nobel d’économie en 1978 pour ses travaux sur la rationalité limitée dans un processus de décision des agents économiques.
- Friedberg E., Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, 1993, Seuil, Sociologie.
- Crozier M. et Friedberg E., L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, 2014, Points, Essais.