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Marseille engagée dans une vaste transformation managériale

Le 28 octobre 2022

Depuis un an, la réorganisation de la deuxième ville de France se poursuit à marche forcée. Une réorganisation marquée par le renouvellement des équipes, notamment en haut de l’organigramme avec la mise en place de sept nouvelles directions générales adjointes, en lieu et place des 13 DGA précédentes. Le projet d’administration décline également le principe de « la symétrie des attentions » avec l’objectif d’embarquer le plus d’agents possibles en un temps record de six mois, entre mars et octobre 2022.

Cela commence à se savoir : Marseille change, Marseille avance… et pour la première fois dans l’histoire de son administration municipale, chacun des 12 000 agents permanents a la possibilité de se faire entendre, de participer, de proposer ses idées, de contribuer au renouveau d’une des plus grandes collectivités locales de France.

Il faut dire que cette dernière est passée par de nombreuses « crises », endogènes comme exogènes (enquête du Parquet national financier, événements de la rue d’Aubagne, cyberattaque, rapports de la chambre régionale des comptes, crise sanitaire, etc.), qui ont profondément marqué son évolution, mais surtout les femmes et les hommes qui y travaillent et dont beaucoup y sont rentrés « minots »… Faut-il rappeler qu’on entrait souvent à la « ville », comme en religion, souvent par le jeu de relations ou du bouche à oreille.

Comme dans beaucoup de municipalités, l’empreinte des femmes et des hommes est donc très forte au sein de la ville de Marseille. J’ai l’habitude de dire que dans les administrations publiques, les agents sont notre première richesse. Marseille nous montre à quel point, leur rôle, leur engagement, parfois même leur simple présence, est nécessaire et précieuse. Nous constatons chaque jour les affres de postes laissés vacants et d’activités de service public désertées depuis des années ; une situation que la crise sanitaire est encore venue aggraver.

Les dernières années ont évidemment vu de nombreux départs pour les raisons sus-évoquées ou plus « politiciennes ». Depuis un an, la sociologie de l’administration se modifie donc de façon plus structurelle, à la faveur du remplacement des partants comme de la création de fonctions nouvelles, nécessaires pour amorcer la transition et conduire le projet du mandat. Un projet politique qui fait d’ailleurs désormais l’objet d’une feuille de route dénommée « Marseille politiques publiques 2026 » et qui a été en toute logique le point de démarrage de la démarche de transformation que nous menons avec les élus et une direction générale entièrement renouvelée et recrutée par le maire Benoît Payan en personne.

En 2020, au même moment où le monde basculait dans une crise sans précédent, le réveil de Marseille s’est fait grâce à ses habitants, qui ont permis la victoire d’un mouvement porté fortement par la société civile. De la même manière, le renouveau de la « mairie de Marseille » se fera par (et pour !) ses agents1.

Vous êtes les piliers de notre ville, et c’est avec vous que nous voulons inventer notre projet d’administration, grâce à des consultations riches et fréquentes. Écouter vos besoins pour y répondre, identifier les difficultés pour y remédier, distinguer les réussites pour les pérenniser.
Benoît Payan, maire de Marseille

Totalement imprégné de cette conviction, le directeur général des services, Didier Ostré, a proposé au maire, de lancer une démarche de « projet d’administration » mais pas n’importe quel projet. En effet, pour que « la mayonnaise prenne », ce projet doit « coller à l’ADN » de la ville, s’ancrer dans sa culture interne en faisant émerger ce qu’il y a de meilleur en elle ! Pour ce faire, pas le choix : il doit répondre aux besoins2, souvent inexprimés, ou mal compris, des agents.

Ce projet d’administration s’appuie sur quelques éléments-clés qui pour nous signifient beaucoup.

Un pari : embarquer le plus d’agents possible dans un temps record de six mois entre mars et octobre 2022.

Une méthode solide : un accompagnement méthodologique mixant interne et externe (mission Performance et évaluation/DGS, laboratoire d’innovation/DGA Transfo, cabinet extérieur/agence de design Vraiment Vraiment), subtilement orchestré et le temps qu’il faut. Attention aux fausses économies à des moments charnières de la démarche !

Un contexte exigeant et engageant : la réorganisation globale de l’administration marseillaise initiée début 2021 et qui se termine à l’automne 2022, avec un resserrement pour moitié des DGA, qui passent de 14 à 7, et des directions, réduites à 53.

En bonus : un top management largement renouvelé par des profils internes comme externes, junior et senior, issus du territoire comme de la France entière, fonctionnaires et contractuels, choisis notamment pour leurs capacités à conduire de grandes équipes et à traduire en projets la feuille de route des élus municipaux. Ces managers, nouveaux ou confirmés, ont évidemment été embarqués dans la démarche globale au fil de leur arrivée. Ils ont ainsi été mis à contribution active pour décliner la raison d’être de leur direction générale adjoint de rattachement en projet de direction. Un travail mené tambour battant avec leurs équipes, en parallèle de celui sur leur organigramme.

« Un beau baptême du feu et une opportunité », reconnaissent la cinquantaine de directeurs mobilisés. Une opportunité effectivement idéale de s’immerger et de s’obliger à pratiquer la co-construction dans la gouvernance de sa direction et la fixation de ses objectifs.

Zoom sur les raisons d’être des DGA

Ces raisons d’être ont été définies par chaque DGA avec ses directeurs et un panel d’agents volontaires au début de la démarche, en déclinaison avec les objectifs de Marseille politiquespubliques 2026.

  • DGA Ville plus verte et plus durable (économie et emploi, espace public et mobilités, urbanisme, régies, patrimoine, logement et habitat indigne, travaux et équipements, territoire intelligent, etc.) : apporter une réponse à tous les usagers (et notamment aux plus précaires) par l’amélioration de leur cadre de vie en conjuguant les actions sur le temps court et long ;
  • DGA Ville protégée (prévention des risques et bataillon des marins pompiers) : protéger la population de tous les risques de sécurité civile en prévenant leur occurrence, planifiant les réponses opérationnelles, limitant leurs conséquences, auprès des populations ;
  • DGA Ville des petites Marseillaises et des petits Marseillais (petite enfance, éducation, jeunesse et animation éducative) : agir pour permettre à tous les enfants et jeunes de grandir et s’épanouir à Marseille en bénéficiant des mêmes chances et mêmes droits, de façon à construire la ville de demain avec et pour les jeunes générations ;
  • DGA Ville du temps libre (culture, sport, mer, parcs et jardins) : offrir aux Marseillaises et Marseillais des outils d’émancipation pour améliorer leur qualité de vie, créer et alimenter une mémoire de Marseille et l’ériger en exemple en France et dans le bassin méditerranéen ;
  • DGA Ville plus juste, plus sûre, plus proche (sécurité, police municipale, prévention et protection, lien social, engagement et citoyenneté, proximité, santé publique et inclusion, solidarités et action sociale, etc.) : faciliter la vie au quotidien des Marseillaises et des Marseillais en améliorant la proximité, la sécurité et l’équité des services à la population, services plus nombreux et adaptés à tous les âges de la vie ;
  • DGA Maîtrisons nos moyens (finances, affaires juridiques et assemblées, achats et commande publics, contrôle de gestion, services généraux, transports et déplacements, etc.) : apporter des solutions simples, claires et fluides pour sécuriser l’action des directions et des élus en responsabilisant chacun à une gestion écoresponsable des ressources de la ville ;
  • DGA Transformons nos pratiques (ressources humaines, systèmes d’information, transition numérique, communication interne, conseil en organisation, innovation publique, etc.) : prendre soin des agents en facilitant au quotidien leurs pratiques professionnelles et améliorant leur environnement de travail, afin de co-construire le service public municipal de demain.

Cette dynamique verticale (se déclinant de la raison d’être des DGA aux projets des directions puis de services) se double opportunément d’une démarche transversale qui se traduit notamment par la constitution d’une « assemblée des agents ». Représentative de la diversité des profils de l’administration marseillaise, elle se compose de 25 agents, sortes de grands témoins, observateurs avisés de l’ensemble de la démarche. Depuis le démarrage, ils travaillent à faire émerger des « défis communs » qui, selon eux, transcendent les silos administratifs ou le fonctionnement de telle direction ou tel métier et forment en creux un ensemble de valeurs partagées.

Au global, c’est plus d’un millier d’agents qui ont déjà contribué à un ou plusieurs ateliers, relayés par une campagne inédite de communication interne. Si nous approchons du but pour ce projet d’administration en novembre 2022, tout ne s’arrêtera pas là.

Ces défis communs sont au nombre de six :

  1. Être à l’écoute et bien communiquer
  2. Rester disponibles et accessibles
  3. Incarner le service public
  4. S’appuyer sur les savoir-faire et libérer les initiatives
  5. Améliorer le bien-être des agents pour prendre soin
  6. S’approprier le changement

Nos 25 ambassadrices et ambassadeurs ont ensuite été rejoints par plus de 400 agents volontaires lors de séances pleines d’énergie tout au long du mois de mai 2022. À l’issue, ce sont précisément 154 pistes d’actions qui ont émergé de ces 6 ateliers « défis ». Ce qui ressort de leurs choix : c’est la capacité des agents, même peu ou pas habitués à contribuer ou coconstruire, à mettre le doigt sur les vrais soucis qui obèrent la qualité du service rendu et à identifier « les bons sujets » pour eux comme pour les citoyens. En effet, là aussi point de hasard : des séances de travail pensées et animées pour que l’intelligence collective s’exprime, permettent de faire émerger les problématiques pertinentes, puis immanquablement de trouver les pistes de solution non seulement adéquates mais qui génèrent en plus un engagement évident des parties prenantes pour la suite du projet.

Le 17 juin 2022, fut un des temps forts où les deux démarches – verticales et horizontales – ont connu leur premier point de rencontre à l’occasion de la « journée de la grande transversalité » qui a réuni plus de 400 agents volontaires aux côtés des DGA et directeurs, en présence du maire Benoît Payan et de son adjointe Olivia Fortin.

Au global, c’est plus d’un millier d’agents qui ont déjà contribué à un ou plusieurs ateliers, relayés par une campagne inédite de communication interne. Si nous approchons du but pour ce projet d’administration en novembre, tout ne s’arrêtera pas là. L’assemblée des agents s’est montrée si proactive et utile qu’elle a déjà eu l’occasion de contribuer sur plusieurs autres sujets, comme par exemple la refonte des outils de communication interne. Quelle richesse d’avoir une assemblée d’agents prête à participer et à tester les actions que nous souhaitons mettre en œuvre. Elle continuera donc après le projet d’administration à nous accompagner.

La suite, c’est aussi, de façon plus structurelle, poursuivre la transformation profonde et pérenne du fonctionnement de l’administration au travers d’un programme de modernisation qui adresse à la fois des éléments de structuration (organigramme, processus clés, référentiels de gestion, etc.), de culture (cohésion, communication interne, transversalité, mode projet, encapacitation, etc.) et de relations avec l’environnement (co-construction avec les citoyens, mesure de la satisfaction, etc.). Un plan de modernisation ambitieux qui se nourrira notamment de toute la matière récoltée lors des différents ateliers du projet d’administration.

Le plus important dans ce genre de démarche est qu’elle ne soit jamais hors-sol, au risque d’être artificielle et de fait contre-productive. Elle prend ses racines dans la feuille de route politique et s’exprime ensuite très concrètement dans les activités et la vie quotidiennes des agents. Elle doit être palpable et porteuse d’amélioration en « symétrie des attentions », tant pour eux que pour les citoyens qui bénéficieront de leur implication et leur engagement, dans des conditions qui peuvent être difficiles. Face aux adversités passées, il faut avoir conscience que la capacité d’appropriation d’un certain nombre d’agents a été heurtée par des déceptions profondes ; il est donc temps de leur redonner confiance. Confiance en leur administration, mais aussi en eux-mêmes pour relever les nombreux défis actuels et futurs d’une ville qui connaît une accélération sans précédent : ville d’accueil de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux olympiques de 2024, lauréate du programme 100 villes décarbonées en 2030… autant de moteurs pour booster une transformation interne et promouvoir l’utilisation massive de l’intelligence collective !

Il est évident que l’histoire ne se termine pas avec le projet d’administration. Ce n’est d’ailleurs « que » l’ingrédient indispensable, mais non point suffisant, de la transformation des services municipaux marseillais. C’est un préalable et c’est surtout le point de départ, en quelque sorte le détonateur. Il clarifie l’ambition, annonce les feuilles de routes, lève le voile sur les irritants principaux, fixe le cadre nécessaire à la mise en action des agents. Redonne du cadre et de la vision, sécurise et autorise… et c’est déjà beaucoup.

C’est à ce point où l’histoire basculera bientôt dans le fonctionnement plus courant de l’administration que l’action de la DGA Transformer nos pratiques devra courageusement prendre le relais pour traduire en actes sa « raison d’être » : prendre soin des 12 000 agents en facilitant leurs pratiques professionnelles et en améliorant leur environnement de travail, afin de co-construire le service public municipal de demain. Plus que des promesses, les agents attendent des preuves.

Nous leur avons envoyer un signal fort pour exprimer leur pouvoir d’agir. Ils sont des plus en plus nombreux à l’avoir entendu. Mais dans une très grande administration, le travail de mise en actions et en relations est immense et il nous occupera chaque jour des prochaines années ! Redonner le pouvoir d’agir aux agents, au-delà du slogan, c’est vraiment un contexte qui se construit collectivement et méthodiquement, à force de convictions, d’expériences, d’essais/erreurs.

Dans cette optique, c’est tout l’écosystème « transfo » qui se met en ordre de marche aux côtés des élus, de la direction générale et de l’ensemble de la ligne managériale :

  • la DRH qui amène et développe les compétences nécessaires là où il faut et quand il le faut, tout en améliorant les conditions de travail des équipes et leur performance globale ;
  • la DSI qui sécurise le patrimoine informatique et informationnel de la 2e ville de France, en étroite collaboration avec la direction de la transition numérique pour produisent des solutions améliorant la qualité de travail des agents et les services numériques apportés aux citoyens ;
  • la direction des Relations internes qui recrée de la cohésion et de la fierté d’appartenance, valorise les initiatives et développe le collectif, anime des communautés, notamment managériales ;
  • le lab’ d’innovation publique axé transformation interne qui accompagne les agents à devenir artisans de l’évolution du service public et permette d’accélérer les projets à impact ;
  • et enfin, une mission de modernisation et d’organisation qui vient en appui méthodologique là où c’est utile.

Tous les ingrédients sont réunis pour conduire cette transformation qui doit se faire au bénéfice de toutes et tous. Notre objectif est simple : nous devons prendre soin des agents afin qu’ils prennent soin des usagers.

Tous les ingrédients sont réunis pour conduire cette transformation qui doit se faire au bénéfice de toutes et tous. Notre objectif est simple : nous devons prendre soin des agents afin qu’ils prennent soin des usagers.

Dans une fonction publique de carrière, à l’heure où son attractivité fléchit dangereusement, la perspective de bénéficier d’un parcours valorisant et la motivation qui découle de cette marque de reconnaissance, participent fortement de la fidélisation des talents. Tout comme le sentiment de vivre une aventure professionnelle et humaine, hors du commun… Alors, bienvenue à Marseille !

  1. Par le terme générique d’« agent », on entend ceux qui sont là depuis fort longtemps, ceux qui y sont arrivés depuis moins de 5 ans, comme ceux qui nous rejoignent mus par la volonté de participer à une aventure professionnelle et humaine hors du commun.
  2. Tentez la simple question « De quoi as-tu besoin ? » a un collaborateur, un pair ou un ami, pour voir la complexité – et la puissance – de cette question.
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