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Dépasser les clichés sur les services publics

Le 2 mai 2018

Les Français manifestent une sorte d’ambivalence vis-à-vis des agents publics et du service public en général : à la fois les fonctionnaires sont des « fainéants », leur image est parfois caricaturale, mais les enseignants (qui sont pour la plupart des fonctionnaires) peuvent être admirables ou les policiers courageux, comme l’a démontré l’élan de solidarité à destination des policiers lors des dernières attaques terroristes.

Les fonctionnaires sont donc tout à la fois jalousés, car ils bénéficient d’avantages tels que la sécurité de l’emploi et le métier d’agent public de l’État ou de collectivités, et continuent à être attirants et admirés.

Il est à noter que si les Français sont très attachés à leur service public républicain, la question de la quantification des moyens alloués à la fonction publique reste controversée. Trop de dépenses publiques, trop de dettes, il serait nécessaire, selon une opinion largement répandue, de « dégonfler » un État qui prendrait « trop » de place dans l’économie. Or, le niveau élevé de la dépense publique française tient à la singularité de son modèle social : la retraite, la santé, le chômage, etc. Les principaux risques de la vie y sont couverts de manière collective.

L’adaptation de la fonction publique aux exigences de la société ne peut donc se faire sans s’interroger sur la nature de ces exigences (et leur évolution) et questionne également la portée et la définition de l’intérêt général, notion protéiforme et très différente en France des autres pays européens.

Les stéréotypes et les idées reçues sur le service public

Il convient aujourd’hui de dépasser les clichés et de garantir, de manière pérenne, un service public de qualité.

Services publics locaux : une majorité de Français satisfaits mais inquiets quant à l’avenir

Une enquête a été réalisée en février 20171 afin de mesurer le niveau de satisfaction, de perception et les attentes des Français en ce qui concerne leurs services publics républicains, et surtout locaux, et en les comparant à ceux de leurs voisins européens. Menée en pleine campagne électorale de la présidentielle, les résultats de l’enquête ont démontré des lignes directrices qui auraient pu interpeller certains candidats ayant annoncé dans leur programme la suppression de centaines de milliers d’agents publics.

Ainsi, parmi les principaux enseignements, il apparaît en premier lieu que selon les sondés les Français sont majoritairement satisfaits de leurs services publics (à 54 %). Sur ce sujet, la France se situe dans la moyenne des cinq grands pays européens investigués dans l’enquête avec un niveau de satisfaction équivalent à celui observé par exemple au Royaume-Uni (58 %) où le niveau d’exigence sur le sujet est moins fort.

Ensuite, les services publics locaux et nationaux sont les seuls domaines où les Français pensent disposer d’un avantage concurrentiel sur leurs voisins européens. Alors que les Français semblent être pessimistes concernant des questions liées au chômage ou à la sécurité, ils estiment qu’il existe finalement un domaine où ils se pensent mieux servis que leurs voisins européens : leurs services publics. Ainsi, qu’ils soient nationaux ou locaux, les Français sont une nette majorité à estimer que la situation de la France est, sur ces points, plus enviable que celle de ses voisins. Cette singularité de l’optimisme sur ses services publics constitue bien, par ailleurs, une spécificité française : ainsi, les Italiens et les Espagnols jugent négativement la situation de leur pays dans tous les domaines mais ne sont pas plus optimistes ni plus pessimistes sur leurs services publics locaux et aucun des autres pays européens que la France ne fait de ses services publics locaux et nationaux le seul domaine où il excellerait par rapport à ses voisins.

Toutefois, tout n’est pas rose s’agissant des perceptions des Français sur leurs services publics. D’abord si la situation présente les satisfait dans leur majorité, nos concitoyens ne pensent pas qu’elle soit durable : ainsi 75 % anticipent une dégradation, plutôt qu’une amélioration, de leurs services publics locaux. Et si le pessimisme semble être la règle en ce moment en Europe, les Français sont particulièrement sombres sur cette question par rapport à leurs voisins. Et cette inquiétude semble être unanime puisqu’elle est partagée par des personnes se déclarant tant de droite que de gauche.

Pourtant les trois quarts des Français estiment que la question de l’investissement dans les services publics n’est pas évoquée dans les débats électoraux, alors qu’ils jugent unanimement que c’est un aspect important à leurs yeux dans les programmes des candidats.

Une question de perception

Ce qui est assez étrange, c’est la définition du fonctionnariat et du service public aux yeux des Français. Ainsi un sondage réalisé par Deloitte en 2012 illustre les décalages de perception sur les fonctionnaires entre ceux qui le sont et… les autres. Ainsi, être Professeur n’est pas être fonctionnaire dans l’esprit du grand public. Les enseignants, les policiers, les pompiers ou encore les juges sont considérés avant tout, par les Français, comme des professionnels de « terrain » dont l’utilité sociale est reconnue. Alors que les fonctionnaires, ce sont en fait les « administratifs ». Ceux qui exercent des métiers peu visibles, derrière un guichet, et qui sont l’objet de tous les clichés sur la fonction publique (« bureaucrate », « célibataire aigri », « pas jeune », etc.).

L’enquête démontre également les perceptions concernant les salaires des fonctionnaires, tels que vus par les principaux concernés. Ainsi, en ce qui concerne les rémunérations, le panel de fonctionnaires en poste, interrogé par Deloitte, déclare (à 74 %) être satisfait de sa rémunération (jusqu’à 89 % pour les fonctionnaires de catégorie A). Toutefois, s’agissant des enseignants, la faiblesse des salaires est reconnue et perçue surtout au regard des rémunérations des enseignants des autres pays européens. Ainsi, si on se réfère à l’échelle des salaires des professeurs, les enseignants du primaire se retrouvent parmi les plus mal payés d’Europe.

Autre enseignement de l’étude : la sécurité de l’emploi constitue désormais un critère moins attractif qu’hier dans le choix d’une carrière administrative. Les fonctionnaires les plus jeunes (moins de 40 ans) la placent au même plan de leur motivation pour intégrer l’administration que l’attachement aux valeurs (39 %) et aux missions (37 %) du service public. C’est dans ce sens que la DGAFP (Direction générale de l’administration et de la fonction publique) a décidé de se saisir de ces thèmes pour attirer les étudiants brillants vers les concours de la fonction publique et notamment les étudiants issus de la génération Y (très attachés à ce qui fait sens dans leur métier) afin de lutter contre les crises de vocation.

1. Enquête Odoxa, « Regard des Français et des Européens sur les services publics », 2017

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