La transformation numérique en France, un enjeu que le pays peine à relever

Transformation numérique
©Julien Eichinger @ Adobe Stock
Le 26 octobre 2020

« Quelles priorités pour accélérer la transformation numérique de la France ? », c'est le thème de la deuxième table-ronde en ligne à laquelle nous avons assisté dans le cadre des Rencontres digitales pour l’innovation, organisées le 16 octobre dernier. Plan de relance, sensibilisation des TPE/PME, rôle des collectivités locales, enjeu de la formation font partie des propositions avancées par les participants à cette table-ronde présidée par Typhanie Degois, députée de la Savoie et auteur d'un rapport sur la Digitalisation des entreprises : enjeu de notre économie, en présence de nombreux acteurs du numérique.

Dès les premières minutes de la table ronde, le cadre est posé : la crise sanitaire a accéléré les processus de numérisation, il faut que la France rattrape son retard. Typhanie Degois, présidente de la table ronde, députée de Savoie et co-présidente du groupe d’études « Start-up, PME et ETI » à l’Assemblée nationale va même jusqu’à dire qu’« avant la crise, c’était un enjeu majeur, maintenant, c’est vital ». Voici tout l’enjeu de cette table ronde, « Quelles priorités pour accélérer la transformation numérique de la France ? » organisée par M&M Conseil. La députée présente quelques chiffres pour illustrer les opportunités que le pays pourrait saisir : l’emploi numérique progresse 2 à 4 fois plus que dans les autres secteurs et une PME qui passe le cap de la transformation numérique a trois fois et demi plus de chance d’exporter. Mais par où commencer ?

table-ronde quelles priorités pour accélérer la transformation numérique de la France?
24 propositions pour le plan de relance numérique

Pour s’intégrer dans le plan de relance économique, la députée de Savoie a déposé un rapport : Digitalisation des entreprises : enjeu de notre économie. Elle établit 24 propositions visant à soutenir la productivité, la compétitivité et l’innovation des entreprises françaises. Typhanie Degois se réjouit que le plan de relance prenne en compte l’importance du numérique. En effet, 2,3 milliards d’euros vont être débloqués pour la transformation numérique de l'État et des PME. « La majorité ira à l’administration, pour la numérisation de l’État, 295 millions seront consacrés à la transformation numérique des TPE/PME et 300 millions d’euros à la reconversion professionnelle ou à l’orientation des Français vers les métiers du numérique », précise-t-elle.

La sensibilisation en priorité

Pour que ces financements soient utiles, les entreprises doivent d’abord être sensibilisées sur les atouts du numérique. C’est une des priorités du rapport de Typhanie Degois et une des missions de Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles de Google France. Accompagné par des partenaires régionaux, comme les Chambres de Commerce et de l’Industrie (CCI), Google France organise des ateliers de sensibilisation au numérique auprès des TPE/PME.

Ces petites entreprises n’ont souvent pas le temps ni l’effectif suffisant pour se pencher sur la question mais « quand on est dans la restauration par exemple, avoir sa fiche à jour sur Google peut drainer 70% d’affluence en plus dans le magasin », avance Benoit Tabaka.

Lutter contre les géants étrangers

Un autre enjeu est de ne pas se laisser trop happer par les géants étrangers. Pendant cette crise, nous avons utilisé majoritairement des solutions américaines et chinoises. Pour Audrey Soussan, boardmember, représentante de France Digitale lors de cette table ronde, il faut s’appuyer sur les acteurs déjà existants et investir chez eux. « Il ne faut pas confondre souveraineté numérique et privatisation du numérique. StopCovid n’a pas eu l’effet attendu, il ne faut pas que le gouvernement reprenne en interne des solutions comme Doctolib. » Typhanie rejoint les participants sur ce point : “Sur la commande publique, si Google est ce qu’il est, c’est parce que pendant deux ans, ils ont été supportés par l’État. Mais il ne peut pas tout, les collectivités locales doivent entrer en jeu et favoriser les technologies françaises ou européennes. »

Les 130 participants à la table ronde (et parmi eux de nombreux chefs d’entreprises) étaient très actifs en commentaires. L’un écrit qu’il existe pourtant un équivalent de Zoom chez Framasoft et Linagora. Un autre souligne que la France développe Qwant, un moteur de recherche alternatif à Google. Patrick Cocquet, délégué général de Cap Digital expose son point de vue : « on s’attaque à des habitudes de plateforme. On ne va pas changer si on est satisfait. Ça pose la question du monopole, des enjeux techniques sont à pousser autour de ces sujets. Chez nous, nous faisons le lien entre transformation numérique et écologique, il faut changer nos habitudes et donc nos outils. » Typhanie Degois ajoute : « À l’assemblée nationale, nous avons Qwant par défaut, il faut avoir un peu de patriotisme. »

Les collectivités locales ont un rôle à jouer

Afin d’accompagner ces entreprises, la députée souhaite également capitaliser sur la plateforme France Num. Trop peu connue à son goût, elle propose de la mettre en avant auprès des entreprises et du grand public pour en faire un guichet unique. Celle-ci pourrait également nouer des partenariats avec le privé comme les CCI, les organisations professionnelles, Google, Facebook ou encore la French Tech.

Ces propositions ont intérêt à développer des solutions de proximité en impliquant les collectivités locales.

En plus de se digitaliser, elles peuvent accompagner les transformations des entreprises et adapter les outils aux spécificités territoriales. Benoit Tabaka ajoute : « une bonne partie de la dynamique numérique se déroule sur les grandes métropoles, mais il ne faut pas laisser les autres sur le bord du chemin. Nous avons besoin d’égalité des chances sur le territoire. »

La formation, un levier à ne pas négliger

Dernière priorité, et pas des moindres : la formation. De ses 24 propositions, une des plus importantes selon Typhanie Degois est d’assurer aux entreprises des ressources suffisantes, et cela passe par l’apprentissage, « en formation continue et dès l’école primaire ». Une action validée par Audrey Soussan. Pour elle, il y a des talents en France mais il va falloir investir dans les formations « car les Français ne sont pas intéressés par ces secteurs-là ça prendra du temps et en attendant nous devons être plus attractif pour attirer des talents étrangers. » En commentaire, de nombreuses questions se posent autour du rapport entre la technologie et l’humain. L’un d’eux fera cette remarque :

« Quand on demande à Jack Ma, ex-PDG de Ali Baba s'il faut apprendre aux enfants à coder, il répond qu'il faut leur apprendre ce que jamais les ordinateurs ne pourront faire : le sport, l'art, les cultures, l'histoire, la philosophie… ».

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