Les plateformes citoyennes au centre de l'après-Covid19

Forum des plateformes de l'après-Covid
Les plateformes « Notre nouvelle vie » (Bluenove), « Construisons demain » (Civocracy), « Le monde d’après » (make.org), « Le jour d’après » (Parlement ouvert) et « Demain est près de chez vous » (Politiker) sont venues confronter leurs analyses avec celles de France Stratégie, sous le regard de Bruno Cautrès, directeur de recherche au Cevipof, à l'occasion de ce Forum des plateformes de l'après-Covid organisé en format webconférence le 9 juillet 2020.
©France Stratégie
Le 17 septembre 2020

France Stratégie organisait en juillet dernier une Webconférence de 3 heures "Après Covid - Le forum des plateformes" réunissant les principales plateformes de participation citoyenne : « Notre nouvelle vie » (Bluenove), « Construisons demain » (Civocracy), « Le monde daprès » (make.org), « Le jour daprès » (Parlement ouvert) et « Demain est près de chez vous ». Objectif de ce séminaire un peu particulier, en mode participatif et ouvert : débattre et confronter les résultats de toutes ces consultations citoyennes en ligne pour en faire ressortir les principaux enseignements ( l’environnement, le modèle de société et l’avenir de la démocratie) afin d'imaginer le monde d'après.

Chaque plateforme, tout comme France Stratégie avec sa consultation "Covid-19 : pour un « après » soutenable" , a recueilli des milliers de contributions sur de nombreux thèmes concernant la vie citoyenne après le Covid.

Gilles de Margerie, le commissaire général de France Stratégie, ouvre le débat en mettant l’accent sur l’érosion du modèle de démocratie participative en souffrance dans de nombreux pays développés. Les partis politiques y sont balayés et comme, pour l’heure, il n’y a pas de structure trouvant une place dans l’expression démocratique, le processus devient laborieux. Le modèle actuel s’apparente à un « entre deux » où les décisions sont votées par des élus au Parlement alors que l’action publique et la législation doivent apprendre à vivre avec une nouvelle forme de vie démocratique incarnée notamment par les conférences et plateformes citoyennes.

Chaque plateforme prend ensuite la parole tour à tour pour une brève présentation du travail réalisé concernant « le monde d’Après Covid ». Puis vient le temps du partage sur trois sujets-clés ressortant largement dans les contributions reçues par l’ensemble des plateformes: larticulation entre les questions économiques et les questions écologiques, le modèle de société que nous voulons, et lavenir de la démocratie.

La protection de l'environnement

Parmi les propositions les plus marquantes sur le thème environnemental, émises à travers les différentes plateformes, citons la formation des agriculteurs, la révision de la loi contre l’optimisation fiscale vue comme une manière de détruire le tissu social, l’interdiction de la livraison gratuite par les plateformes de e-commerce, concurrençant les circuits courts, l’idée de soumettre toute décision politique au principe de non régression écologique, l’encadrement de la publicité, la prise en compte des défis environnementaux dans la fabrique des politiques publiques.

La plate-forme « Le Jour d’Après » constate des débats vifs et des fortes dissensions sur des thèmes d’actualité comme le véganisme (poussé par l’association L214), le nucléaire, la question des mobilités (voiture individuelle, avion), la 5G, le compteur linky ou encore la dimension de la relocalisation (nationale, régionale, européenne?). Autre constat: au début du confinement, les Français se disent très favorables au télétravail, à la fin beaucoup moins, la notion de temps influant donc sur la réponse.

Quel modèle de société dans l'après-Covid ?

Concernant le modèle de société, l’épidémie a mis en relief un certain nombre de métiers essentiels mais peu valorisés, un constat partagé par l’ensemble des participants.

Parmi les suggestions des citoyens, la création d’un "fonds 0 expulsions", la mise en place d’un véritable congé parentalité, la création d’un revenu universel avec un minimum mensuel garanti, d’avantage de régulation de la couverture médiatique des événements par des collèges citoyens.

Le revenu universel fait là aussi débat. Le sujet peut être considéré comme consensuel, en lien avec la réduction du temps de travail, un temps libéré qui devrait permettre de s’occuper des autres, de satisfaire une partie de ses besoins essentiels ainsi que la gouvernance des communs. Ou au contraire comme un point de dissension, un sujet très discuté, très clivant.

La représentation démocratique en débat

Sur le dernier point à savoir la représentation démocratique, Bruno Cautrès du CEVIPOF souligne plusieurs tendances issues des études d’opinion. L’opinion publique en France n’exprime pas une forte demande d’Europe contrairement à d’autres pays européens. On note d’ailleurs un découplage entre des élites économiques favorables à l’Europe et des citoyens dans l’attente et la déception.

Sur les formes démocratiques, les Français se prononcent largement en faveur du référendum mais ils indiquent aussi que le gouvernement ne devrait pas être obligé de suivre les résultats de ces référendums.

En terme de modalités de l’expression publique le vote écrase tout le reste malgré les niveaux d’abstention, suivi du boycott de produits et des manifestations, 42% des personnes interrogées seraient favorables au tir au sort des parlementaires.

Face à une demande de plus de transparence et d’information et d’une meilleure représentativité des citoyens auprès des pouvoirs de décision, parmi les différentes propositions recensées sur les plateformes, on peut citer: la création de consultations participatives pour les décisions lors des conseils municipaux, d’un réseau de partage de compétences, d’un fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne, le développement d’une démocratie participative de l’instant, la limitation des décisions sur la restriction des libertés individuelles, la multiplication des expérimentations autour du tirage au sort, la régulation des lobbies.

Quelles attentes à l'égard de la puissance publique face aux risques ?

C'est l'un des 7 axes de questionnement posés par France Stratégie dans son appel à contribution, lancé durant le Printemps 2020. Nous publions ici les propositions remarquables mises en avant par les rapporteurs du séminaire "Soutenabilités" de France Stratégie, piloté par Daniel Agacinski.

Quelques propositions remarquables

Quelques propositions portent directement sur la sortie de crise. On remarque ponctuellement une attention portée au travail de deuil collectif, dans lequel l’État aurait un rôle particulier à jouer, en organisant par exemple des funérailles nationales pour les victimes du Covid-19.

D’autres invitent à prendre appui sur l’expérience de l’épidémie pour en tirer des leçons sur le fonctionnement de l’action publique, en l’utilisant comme une sorte de « stress test » ; il est aussi question de s’inspirer de la façon dont certains services publics se sont montrés proactifs et capables de « s’augmenter » en situation d’urgence, en créant par exemple une « réserve civique » pour développer l’adaptabilité de la puissance publique et faciliter l’accès aux services publics.

Les contributeurs ont également soumis des idées pour rendre l’État plus ouvert sur ses agents et sur les citoyens en suggérant :

  • d’investir dans l’autonomie des agents publics pour « débureaucratiser » l’État ;
     
  • d’écouter les agents publics, de les reconnaître et de les rémunérer à la hauteur de leur contribution sociale ;
     
  • d’élaborer des « partenariats public-communs », pour éviter les impasses du « solutionnisme technologique » venu d’en-haut ;
     
  • de développer une « responsabilité sociétale des citoyens » pour mieux reconnaître l’engagement de chacun ;
     
  • d'élargir la communication de l’État en « facile à lire et à comprendre », pour mieux inclure les personnes vulnérables, notamment lors des crises.

Enfin, un nombre significatif de propositions porte sur la façon dont l’État peut se préparer aux grands risques qui nous menacent, en premier lieu en matière climatique :

  • l’anticipation et la gestion des crises pourraient être améliorées en relançant l’exercice de cartographie des risques majeurs, en créant un « Ministère des risques extrêmes » ou encore un « Haut-Conseil pour l’anticipation et la prévention des risques publics » ; 
     
  • la conduite de la transition écologique pourrait être menée en pilotant l’action publique à partir des objectifs de développement durable (ODD) ;
     
  • les clauses sociales et environnementales pourraient être systématisées dans la commande publique ;
     
  • des exercices de « planification territoriale » pourraient concourir à la sauvegarde de la biodiversité;
     
  • un accompagnement à la formation des nouveaux élus pourrait faciliter l’engagement des territoires dans la transition écologique.
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