Régulation des réseaux sociaux : les préconisations du Conseil d'État

Le 6 octobre 2022

Face au développement fulgurant des réseaux sociaux et leurs impacts toujours plus forts sur la démocratie et la vie en société, le Conseil d'État formule 17 propositions dans son étude annuelle 2022 pour réequilibrer le rapport de force en faveur des utilisateurs, mieux armer la puissance publique et anticiper les évolutions à venir (métavers, publicité ciblée).

 

Ces propositions arrivent au moment où l’Union européenne vient d’adopter deux règlements européens très importants, le Digital services Act (DSA) et le Digital markets Act (DMA), qui ont mis en place un cadre de régulation européen ambitieux pour les réseaux sociaux visant à préciser les obligations à la charge sur les grandes plateformes.

 

Pour la première fois, la plus haute juridiction administrative en France consacre une étude de fond (320 pages) sur le phénomène des réseaux sociaux offrant une analyse complète au-delà de son traditionnelle périmètre juridique qui intéressera les citoyens comme les décideurs publics.

 

À l'occasion de la parution de cette étude « Les réseaux sociaux, enjeux et opportunités pour la puissance publique », nous sommes allés à la rencontre de Fabien Raynaud et Marie Grosset, les deux co-rapporteur.e.s de l’étude annuelle 2022 pour leur poser quatre questions :

 

- Quels sont les principaux enseignements de cette étude annuelle 2022 sur les réseaux sociaux ?
- Comment améliorer l’organisation des administrations face au phénomène des réseaux sociaux ?

- Comment redonner du pouvoir aux usagers face aux plateformes des réseaux sociaux ?
- Comment penser dès maintenant les réseaux sociaux de demain, notamment l’arrivée rapide des métavers ?

L’enjeu consiste aujourd’hui à rééquilibrer le rapport de force en faveur des utilisateurs face aux plateformes numériques, à mieux armer la puissance publique et à anticiper dès maintenant l’arrivée à grande vitesse des métavers et le ciblage publicitaire toujours plus intrusif.

De nombreuses autorités administratives en France interviennent dans la régulation des réseaux sociaux (Arcep, Arcom, Cnil, Autorité de la concurrence, DGCCRF, DGE). Un véritable mille-feuille administratif qui affaiblit la puissance publique. Les rapporteurs préconisent la création au niveau national d’un service interministériel d’expertise et d’analyse dédié à la régulation des plateformes numériques.

Pour réarmer la puissance publique, une autre proposition préconise la création d'un IHEDN du numérique pour former les décideurs publics et ainsi renforcer la culture du numérique dans l'administration. Il faut aussi doter les administrations d’une véritable doctrine d’usage des données. Enfin, dernier élément, les administrations doivent optimiser et mieux s'organiser dans leur usage des réseaux sociaux (en externe comme en interne).

La relation contractuelle entre l’utilisateur et la plateforme est aujourd'hui très déséquilibrée, et clairement en défaveur de l'utilisateur qui doit accepter les conditions générales d'utilisation sans vraiment y faire attention. Les rapporteurs proposent de favoriser l’émergence d’un droit des utilisateurs à la détermination des conditions d’utilisation des réseaux sociaux comme il existe un droit des travailleurs à la détermination des conditions de travail. Au niveau européen, ce travail pourrait être mené avec le BEUC (Bureau européen de l’Union des consommateurs).

Sur les chantiers à venir, et notamment pour anticiper les problématiques liées à l'irruption rapide des métavers, l'État doit renforcer sa capacité de réflexion et de prospective, le service interministériel d’expertise et d’analyse dédié à la régulation des plateformes numériques. pourrait notamment se doter d'un laboratoire prospectif à l'image du Link, le Laboratoire d'innovation numérique de la Cnil qui joue le rôle d'une task force agile pour proposer des pistes sur les métavers. Enfin, dernier chantier, ouvrir une négociation internationale sur les droits fondamentaux du citoyen à l’ère du numérique, comme par exemple l'émergence d'un droit à la mort numérique. Aucun texte actuel ne permet de répondre à cette question.

 

 

 

×

A lire aussi