Quand l’innovation se met au service de la qualité de l’eau

Le 8 juillet 2025

La Régie de L’Eau Bordeaux Métropole a signé en mars 2025 un « aqua prêt » de 35 millions d’euros avec la Banque des territoires pour moderniser son réseau de canalisations. Elle a aussi recours à la robotique pour diagnostiquer sans interruption de service son réseau de canalisation. Entretien avec Françoise Goulard, directrice de la recherche, de l’innovation et de la transition écologique à la Régie de L’Eau de Bordeaux Métropole.

Vous venez de signer un « aqua prêt » de 35 millions d’euros avec la Banque des territoires. Pourquoi la Régie de L’Eau Bordeaux Métropole a-t-elle décidé d’investir massivement dans son réseau de canalisations ?

Depuis le 1er janvier 2023, la gestion du réseau d’eau potable de Bordeaux Métropole a été reprise par une régie publique, remplaçant Suez. Cette régie publique vise à améliorer la gestion du réseau et à réduire les fuites d’eau. Elle espère atteindre un rendement de 84 à 87 % dans les prochaines années, contre une moyenne nationale d’environ 80 %. Ce prêt de 35 millions d’euros souscrit auprès de la Banque des Territoires s’inscrit justement dans cette nouvelle stratégie. Il doit financer le renouvellement, la modernisation et l’extension des canalisations sur la période 2024-2027. Le réseau de canalisation est aujourd’hui vieillissant et les pertes d’eau sont estimées à 20 % sur le réseau, ce qui correspond à la moyenne nationale, mais n’est pas considéré comme très performant. L’objectif de la régie est d’augmenter le taux de renouvellement des canalisations à 1 % par an dès 2025, ce qui représente environ 30 km de réseau sur un total de plus de 3 000 km (3 200 km). Pour atteindre cet objectif de 1 % de renouvellement annuel, la régie a voté une enveloppe budgétaire pluriannuelle de 67,55 millions d’euros, principalement ciblée sur les années 2024 à 2026. L'« aqua prêt » de 35 millions d’euros de la Banque des Territoires est un jalon essentiel dans le financement de ces travaux structurants. Un avantage important de cet « aqua prêt » est qu’il permet un amortissement sur 60 ans, alors que l’on sait que les infrastructures des collectivités ayant des canalisations durent en moyenne entre 60 et 100 ans. La régie prévoit également de souscrire d’autres prêts pour financer ces investissements et souhaite diversifier ses relations avec les partenaires financiers en tant que nouvel acteur public sur le marché bancaire.

La régie a fait appel à l’entreprise corse Acwa Robotics qui développe le robot Pathfinder, capable de diagnostiquer l’état des canalisations sans interruption de service. En quoi cette technologie va-t-elle vous permettre d’innover ?

La Régie de L’Eau Bordeaux Métropole a fait appel à l’entreprise corse Aquarobotics pour tester le robot Pathfinder dans le cadre d’un marché innovant et non d’un achat.

La Régie de L’Eau Bordeaux Métropole a fait appel à l’entreprise corse Aquarobotics pour tester le robot Pathfinder dans le cadre d’un marché innovant et non d’un achat. Cette technologie est innovante pour au moins quatre raisons principales. Première raison : un diagnostic sans interruption de service. Le robot réalise un diagnostic de la canalisation lorsqu’elle est encore en service et sous pression, ce qui ne perturbe pas la distribution d’eau aux usagers et permet un fonctionnement 24 heures sur 24. Contrairement aux inspections traditionnelles nécessitant une coupure d’eau, cette méthode est beaucoup moins contraignante pour les usagers. Deuxième raison : la collecte de nombreuses données pour un diagnostic encore plus précis. Le robot embarque de nombreux capteurs permettant d’obtenir beaucoup de données pour établir un bon diagnostic, telles que l’épaisseur de la canalisation, les fuites éventuelles, le positionnement exact en profondeur et également quelques images. Troisième raison : la maîtrise du déplacement. Contrairement à d’autres solutions où l’outil se déplace avec le débit de l’eau, le Pathfinder peut maîtriser son déplacement et même s’arrêter pour inspecter plus en détail une zone spécifique grâce à des capteurs qui se déploient contre la paroi. Enfin, quatrième et dernière raison : un diagnostic sur toute la longueur. Le robot permet un diagnostic sur toute la longueur de la canalisation et non uniquement ponctuel ou par moyenne de prélèvements, ce qui permet d’identifier précisément les points de corrosion. Cette technologie est considérée comme prometteuse et comme une solution d’avenir.

Avez-vous prévu d’autres investissements dans l’innovation, comme le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour détecter les fuites, par exemple ?

Oui, ma direction travaille activement sur ce sujet avec des sociétés externes et en interne grâce à une data scientiste. Un exemple concret est le test de la société Leakmited, qui combine données, algorithmes et puissance de calcul pour optimiser la recherche de fuites. En fournissant à l’outil de nombreuses données (nature du sol, type de canalisation, etc.), l’IA apprend et devient capable de simuler les zones où il y a le plus de fuites, servant ainsi d’outil d’aide à la décision pour les équipes de recherche de fuites. Une première expérimentation a eu lieu l’année dernière, et une nouvelle expérimentation s’est déroulée au printemps sur un autre secteur pour mieux comprendre le fonctionnement de l’algorithme, car l’IA peut parfois être une « boîte noire ». L’objectif est de vérifier si les algorithmes, initialement développés pour d’autres types de réseaux, sont bien adaptés aux spécificités du réseau de Bordeaux Métropole (type de sol, type de canalisation, pression d’eau, corrosion, etc.).

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