Réinventer l’action publique par l’intelligence collective

Réinventer l’action publique : tous en cuisine !
Stéphanie Dupuy-Lyon de la DGALN aux ministères de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires et de la Mer, est venue présenter sa démarche de transformation, lors de la soirée « Réinventer l’action publique : tous en cuisine ! », organisée par bluenove le 23 novembre 2021 lors du mois de l’innovation publique.
©@ellenbarboza
Le 3 mai 2022

Partager les bonnes pratiques, confronter les méthodes, engager la conversation, identifier les controverses et élaborer collectivement des pistes d’action pour « réinventer l’État en 2030 ». C’est la démarche adoptée par une nouvelle communauté engagée dans l’innovation publique, animée par bluenove, une agence pionnière en intelligence collective.

Tout a commencé avec une soirée organisée le 23 novembre 2021 lors du mois de l’innovation publique qui a rassemblé près de soixante participants autour d’un programme alléchant : « Réinventer l’action publique : tous en cuisine ! » 1 : « L’ambition est de mettre en lien toutes celles et ceux qui ressentent la nécessité de contribuer à faire évoluer l’action publique et dresser collectivement le portrait-robot de l’État en 2030 », explique Antoine Brachet, à l’initiative de cette démarche.

Directeur associé de bluenove, une agence experte en consultations publiques (le grand débat national, les états généraux de la justice, habiter la France de demain, etc.), il croit aux vertus de l’intelligence collective et au pouvoir de la communauté pour transformer les organisations publiques comme privées. Il est aussi l’initiateur du mouvement Bright mirror, exercice collaboratif d’écriture de fictions positives, pour se projeter et construire un futur désirable et partagé (plus de 3 000 histoires déjà écrites). Pour cet événement fédérateur, les équipes de bluenove ont pris le soin d’inviter des représentants des différentes échelles de l’action publique (administrations centrales, services déconcentrés, opérateurs, etc.), comme la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), la Cour des comptes, des ministères (Transition écologique, Santé, etc.), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’Institut géographique national (IGN), l’Agence française du développement (AFD), France Stratégie ou encore l’Agence de l’innovation pour les transports (AIT).

Objectifs de cette rencontre pas comme les autres : organiser des prises de paroles et des ateliers collectifs pour partager des visions et des retours d’expérience sur les enjeux de l’action publique, l’apport de l’intelligence collective dans les démarches de transformation et les innovations existantes ou souhaitables pour transformer l’action publique. Pour Camille Andrieu, auditrice à la Cour des comptes, qui a participé à la soirée, « nous avons besoin de ces temps d’inspiration et d’échanges pour avancer. Cela fonctionne un peu comme un cercle de réflexion utile pour transformer l’action publique ». À l’issue de la rencontre, les participants ont collectivement partagé des « recettes » élaborées autour d’une quinzaine d’ingrédients novateurs (méthodes, outils, approches, etc.) pour transformer l’action publique à leur échelle, mais aussi identifier des controverses autour de ces trois grandes questions ouvertes : « Le citoyen doit-il être considéré comme un client comme un autre ? Dans quelle mesure est-ce le rôle de l’État d’identifier et d’anticiper les black swans2 et de s’aventurer sur le territoire de la gestion des incertitudes ? Devons-nous réellement être tous co-acteurs de l’action publique ? »

Les débats sur la controverse du citoyen-client ont été vifs. Par exemple, Stéphanie Dupuy-Lyon, de la DGALN aux ministères de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires et de la Mer, défend l’idée de considérer les citoyens comme des clients à côté des autres usagers de l’action publique. À l’initiative d’une vaste démarche de transformation de sa direction impulsée par l’intelligence collective, elle a mené un important chantier de transformation pendant deux ans pour orienter sa direction vers les usagers « clients des PP » pour plus d’impact et opérer le dernier kilomètre : « Grâce à l’intelligence collective, plus de 600 collaborateurs ont participé à notre plan de transformation. Nous avons imaginé treize offres de service, avec un vrai changement de posture qui s’incarne dans la création de plusieurs structures transverses, dont l’une est consacrée à l’innovation, au conseil interne en mode projet et une autre au relais de l’action publique auprès des territoires et usagers pour répondre aux demandes de nos parties prenantes (administrations, services déconcentrés dans les territoires, etc.) », précise-t-elle.

« Nous avons ainsi pu consolider un certain nombre “d’ingrédients” et de “recettes” novatrices qui nous semblent corroborer les intuitions, testées dans divers cadres, et préfiguratrices de nouveaux modes opératoires de l’action publique, confie Antoine Brachet. L’objectif de l’agence bluenove est de faire vivre cette communauté naissante d’éclaireuses et d’éclaireurs de la transformation publique en s’appuyant sur une plateforme et en organisant d’autres rencontres dans le courant de l’année 2022. » Une initiative à suivre.

Le portrait-robot de l’État en 2030

À l’issue des ateliers prospectifs entre les soixante participants de la rencontre « Réinventer l’action publique : tous en cuisine ! », l’action publique en 2030 sera « citoyenne, responsabilisante, engageante et impactante » :

1. Citoyenne : passage d’un État ultra-centralisé à une approche par la société civile.

« Une action publique qui laisse une place réelle à la participation citoyenne et au débat démocratique à toutes les étapes de la chaîne d’action publique. »

2. Responsabilisante : une mission à l’État d’« encapaciter » les acteurs, être dans l’action, mais aussi laisser faire en donnant les outils et le cadre pour permettre de faire.

« En 2030, l’État n’a plus le monopole de l’intérêt général. L’État peut être une boussole, apporter le sens, la raison d’être. »

3. Engageante : passage d’une logique de contrainte à une logique d’entraînement des collectifs.

« On a besoin d’une mobilisation positive de la société et non de contrainte. »

4. Impactante : une recherche continue de maximisation de l’impact social et environnemental.

« Une action publique qui intègre dans chacune de ses politiques les enjeux de la transition sociale-environnementale » et « Une action publique qui se permet de commencer par de petits projets en vérifiant son impact. »

  1. Le replay est disponible sur la chaîne Youtube de bluenove, « Réinventer l’action publique : tous en cuisine ! ».
  2. Inventée par l’essayiste Nassim Nicholas Taleb, l’expression « cygne noir » est passée dans le langage courant. Plus que le seul imprévisible, elle désigne l’événement statistiquement presque impossible, mais qui se produit tout de même (https://www.franceculture.fr/emissions/signes-des-temps/le-cygne-noir-une-enigme-de-notre-temps-ou-la-prevision-prise-en-defaut).
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