Les territoires en quête de la recette pour que « vieillir dans une ville soit aussi naturel que d’y naître, grandir ou travailler »

François Rebsamen
François Rebsamen, président du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés (RFVAA) et ancien ministre, a ouvert le Congrès des 10 ans du réseau, organisé à Dijon les 06 et 07 juillet 2022.
©Laurine B
Le 16 août 2022

Le Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés a fêté ses dix ans lors de son congrès 2022. Organisé à Dijon les 06 et 07 juillet, il a été l’occasion pour les 200 collectivités françaises (où vivent 17 millions d’habitants) membres du RFVAA de se poser la question de l’adaptation des territoires au défi du vieillissement de la population.

Ici, n’y allons pas plusieurs détours : on est là pour parler des « vieux ». Dans les couloirs du Palais des Congrès de Dijon, l’expression était dans toutes les bouches. Les membres du Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés se sont retrouvés avec un objectif : trouver comment les territoires peuvent « répondre au défi de la longévité ». Et pour cause : depuis 2015, il y a en France une plus grande part de +60ans que de -20ans. Un enjeu que l’on retrouve à l’échelle mondiale puisque d’ici 2030, une personne sur six dans le monde aura 60 ans ou plus. Et quitte à user des bons mots, n’allez pas parler du successeur du Baby-Boom en le qualifiant de Papy-Boom. La majorité de nos aînés sont des femmes. Le défi des prochaines années sera plutôt le mamie-boom.

« En proposant aux participants de signer une tribune commune, notre volonté est de positionner la démarche «  ami des aînés » comme une approche globale et transversale  des politiques publiques en allant au-delà du médico –social. Notre volonté est de déconstruire la perception négative de l'avancée en Âge, en réaffirmant que les plus âgés peuvent être une ressource pour les territoires, au même titre que les autres générations . Cela passe impérativement par le soutien et l'acceptation de l'implication des aînés. Enfin, nous pensons que l'ensemble des collectivités ont une place complémentaire au regard de leurs compétences pour répondre à ce défi démographique » avance Pierre-Olivier Lefebvre, délégué général du RFVAA. Les collectivités membres, les participants du congrès et l’ensemble des associations d’élus (Apvf, Intercommunalités de France, AMF, Régions de France et Départements de France) ont co-signé cette tribune. Avec une réflexion commune : « Comment réussir une politique d’anticipation dans une société de la longévité qui, avec deux ou trois générations de personnes retraitées, modifie les rapports entre les âges et la prise en compte des besoins de reconnaissance et d’accompagnement des plus âgés ? ». Une question reprise dès l’introduction du congrès par François Rebsamen, président du RFVAA. « Il y a dix ans nous avons entamé notre démarche en abordant le problème de la citoyenneté des personnes âgées au sein de notre société. Mais nous sommes allés plus loin en cherchant à mieux comprendre ce que cela veut dire d’être âgé et en luttant contre les préjugés. Le défi démographique n’est pas le plus connu. Pourtant il est constant et invite à réfléchir à la société que l’on veut construire demain. Il faut penser l’avenir de nos territoires en prenant en compte les besoins des ainés ».

C’est bien le premier point qui permettra aux territoires de s’adapter. Faire participer « les vieux » aux réflexions sur les politiques à mettre en place. Agir non pas pour eux, mais avec eux.

« D’autant plus que les aînés savent très bien ce qu’ils veulent. Ils doivent être au centre des processus de décision qui les concernent » complète Thiago Herick de Sa, Docteur en Santé Publique et responsable du secteur “Environnements amis des Aînés" de l’OMS. Et quoi de mieux pour écouter que celles et ceux qui sont à « portée de baffe » : les élus. Même si Emmanuelle Coint, représentante de l’Assemblée des Départements de France, préfère y voir des « oreilles à disposition ». L’idée est là. C’est en co-construisant avec les habitants que les différents échelons des collectivités réussiront leur transition.

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur à l’Inseec. Il est le coauteur, avec Valérie Fournier, de « La Société résiliente. Plongée dans la France du logement social et de l’innovation » (Fauves éditions, 200 pages, 17 euros).

De la transition, il a aussi été question lors de ce congrès avec l’intervention de Serge Guérin. Le sociologue s’est attaché à démontrer les similitudes entre les transitions écologique et démographique. « Le premier point commun, c’est que l’on refuse de les voir venir. Aucune des deux n’est donc traitée. Parmi les réponses proposées en saupoudrage, on trouve aussi bien du green-washing que du grey-washing. Mais si on pousse la comparaison plus loin, on retrouve aussi des pénuries. La pénurie humaine du secteur du « care » prenant la place du manque de matières premières ou de matériaux. » Pour lui, un nouvel acte de décentralisation pourrait donner aux collectivités le pouvoir - et les moyens ? -  d’agir dans l’autonomie pour, mais surtout avec, les aînés.

Pour répondre à un enjeu qu’Etienne Chaufour, le représentant France Urbaine, a nommé « vieillir dans une ville c’est aussi naturel qu’y naître, grandir et y travailler », les territoires peuvent compter sur le fonds d’appui pour des territoires innovants. Lancé le 07 décembre dernier, à l’initiative du Ministère en charge de l’autonomie avec l’engagement financier de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), il est coordonné par le RFVAA. 58 projets ont déjà été sélectionnés pour se partager un million d’euros. Et la dotation globale pour la période 2022-2023 est de 8 millions d’euros. « Le fonds s’est décliné autour de trois axes. Les deux premiers sont déjà lancés. Le premier correspond à de l’ingénierie de développement d’une politique de l’âge pour les territoires. Le second propose un support à la création de projets dans les territoires » indique Corinne Girard, la responsable du Fonds d’appui pour le RFVAA. Le troisième axe intitulé «Faciliter l’accès à l’ingénierie pour accélérer la transformation des projets du territoire» a lui été lancé pendant le congrès avec le soutien de la Banque des Territoires. De belles perspectives avec de rapides échéances puisque les territoires pourront déposer leurs dossiers dès le 05 septembre, avec une deuxième date le 05 novembre.

Le soutien financier de ce fonds d’appui devrait permettre aux collectivités locales qui le souhaitent d’engager des dynamiques avec des projets précis. L’occasion de porter « une voix et une voie à destination de nos plus âgés » pour Mélissa-Asli Petit, docteure en sociologie du vieillissement. L’occasion aussi d’enclencher une démarche de ville amie des aînés et « de tous les âges » préciseront celles et ceux qui n’oublient pas que l’on est (presque) tous le vieux de quelqu’un.

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