Florence Jardin, maire de Migné-Auxances

Florence Jardin
Le 19 février 2018

Florence Jardin est maire de Migné-Auxances (Vienne, 6 000 habitants) depuis 2008. À 52 ans, elle est également vice-présidente de la communauté urbaine Grand Poitiers (40 communes, 196 000 habitants), en charge de la transition énergétique, de la qualité environnementale et de la gestion du domaine immobilier communautaire. Elle était auparavant coordinatrice famille dans un centre socioculturel. Elle a démissionné de ce poste afin de se consacrer exclusivement à ses deux mandats.

La ville et l’agglomération

Passé de 13 à 40 communes en janvier 2017, Grand Poitiers est devenue une Communauté urbaine (CU) en juillet 2017, en lieu et place de la communauté d’agglomération et de quatre communautés de communes, des EPCI aux niveaux d’intégrations très divers. La CU regroupe des collectivités urbaines, rurales et périurbaines, pour une population d’environ 196 00 habitants.

Depuis deux ans nous travaillons intensément à harmoniser et mettre en place les nouvelles compétences de la CU. La voirie devient une compétence communautaire et c’est un grand bouleversement pour les communes qui géraient leur voirie en propre, entre les réflexes communaux et l’identité que l’on souhaite préserver. Il a fallu déterminer le niveau des transferts de charge et le montant des reversements à la CU : c’est long et compliqué ! Les mairies restent le point d’entrée du public concernant toutes les compétences : elles remontent les informations à la CU. Mais les questions, autrefois débattues localement, sont désormais tranchées au sein d’une commission de 40 communes. Les programmes déjà engagés seront, eux, respectés jusqu’à fin 2020. Après, on verra ! L’avantage du système CU tient aux compétences internes qu’elle apporte et sur lesquelles s’appuient les petites communes. Mais celles-ci ont perdu de leur souplesse d’intervention et de leur libre choix sur les priorités. Au niveau des ressources humaines, nous ne transférerons qu’un agent voirie (sur un total de 1,75 équivalent temps plein concerné) pour soulager nos services par ailleurs. Mais nous versons la différence à la CU !

La baisse des dotations, un boulet

Aux termes de loi de finances pour 2018 et de la deuxième loi de finances rectificative pour 2017, le niveau de la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités reste stable, s’établissant au total à environ 29 milliards d’euros, après plusieurs années de baisse.

Précision préalable : située en Nouvelle-Aquitaine la ville de Poitiers a perdu son statut de capitale régionale mais a bénéficié d’une dérogation pour devenir CU, bien que n’atteignant pas le seuil de population requis. Conséquence, sa dotation est passée de 42 à 60 euros par habitant. Pas de lien avec la dotation forfaitaire de Migné-Auxances qui, elle, a baissé depuis 2012 de plus de 400 000 euros sur un total de 930 000 euros. Pour information notre budget est de l’ordre de 6 millions (fonctionnement) et de 2 millions (investissement). Face à cela, nous avons réduit nos investissements. Concernant les dépenses de fonctionnement, nous avons dû faire des choix aussi, hors des services obligatoires à délivrer. Concrètement, nos politiques sont plus difficiles à mettre en œuvre : culture, animation, etc. Notre marge de manœuvre se trouve dans les recettes générées par la commune : par l’augmentation – malgré nous – de l’impôt, par la création de richesse (construction de logements, accueil d’entreprises, etc.). Nous avons, en outre, mis en place la taxe locale sur les publicités extérieures. En fait, cette mesure s’appuyant sur le déclaratif avait été votée depuis assez longtemps mais seulement dix entreprises, sur cent vingt, effectuaient leur déclaration. Nous avons remis ce dossier en ordre, ce qui procure des recettes supplémentaires. Quant à la réforme de la taxe d’habitation, la moitié de notre produit d’impôt, nous avons de grandes interrogations sur l’avenir : quelles compensations au regard de nos efforts sur la dynamique en construction de logements notamment ?

Pas de frein au logement social

Aux termes de loi de finances 2018, les bailleurs sociaux vont devoir réduire le montant de leurs loyers, d’environ 1,5 milliard d’euros par an, afin de compenser les diminutions des Aides personnelles au logement (APL). La mesure doit être mise en place en principe début février.

Il y a là une contradiction entre, d’une part, la loi SRU qui, bonne chose, encourage le secteur en imposant aux communes comme la nôtre de disposer d’un parc de 20 % de logements sociaux et, d’autre part, le désengagement progressif de l’État depuis déjà plusieurs années. En plus, l’État fait aujourd’hui peser cette baisse des APL sur les bailleurs qui voient leur capacité d’autofinancement diminuer, tant dans la construction que dans l’entretien. À Migné-Auxances, sur deux projets de logements sociaux prévus, un seul risque de voir le jour – peut-être même un demi – alors que la commune est, elle, toujours tenue par ses obligations. On tourne en rond ! Conséquence, si la commune a une politique volontariste, elle va devoir participer au financement des logements. Au détriment d’autres investissements. On n’est plus dans l’égalité des territoires. En outre, cette réforme est un coup porté contre la mixité sociale. Ici, la population vit en majorité en pavillon mais 80 % des habitants, en raison de leurs revenus, peuvent prétendre à un logement social (chômage, précarisation, séparations, etc.). Or, avec un taux de 12 %, nous ne disposons pas d’une telle offre. Le parc existant (environ 300 logements) est cependant en bon état.

Avec les agriculteurs contre les pesticides

Le Gouvernement a présenté, le 18 janvier 2018, son plan d’action pour réduire la dépendance de l’agriculture française aux pesticides. Une concertation est prévue, avec comme objectif d’aboutir à la fin du premier trimestre à une feuille de route sur le sujet.

Nous sommes en zone périurbaine avec, cependant, un territoire classé à 80 % zone agricole pour une dizaine d’exploitations agricoles que l’on peut très schématiquement classer en trois catégories : les gros agriculteurs qui perpétuent le modèle pesticides ; des agriculteurs jeunes nouvellement installés et sensibilisés à la question, plutôt spécialisés dans le bio ; enfin, des agriculteurs traditionnels qui sont en train d’opérer un vrai virage. En tant qu’élus, notre mission est de les accompagner autour de la consommation de l’eau, des pesticides (comment en sortir) et des nitrates, de la diversification des productions. Conscients de la fragilité de leur modèle économique, des nouvelles attentes du public et des enjeux écologiques, un groupe d’agriculteurs très impliqués porte un projet de réalisation d’unité de méthanisation. Ils ont également mis en place un groupe de travail sur la question de l’eau auquel sont associés, entre autres, les élus, Grand Poitiers, la chambre régionale d’agriculture, l’agence régionale de santé, la DDT, etc. Cette initiative fait suite à l’opposition d’associations et à l’avis mitigé de la commune sur la création d’une retenue d’eau, pour avancer ensemble. On est vraiment dans le dialogue.

Migrants : on attend le feu vert

Le projet de loi asile et immigration devrait être présenté en février 2018 en conseil des ministres, pour arriver à l’Assemblée nationale en mars, en vue d’un vote en juin.

À Migné-Auxances, nous voulons agir mais nous avons une difficulté. Un propriétaire privé dispose de locaux inoccupés où historiquement étaient reçues des personnes sous tutelle, mais aussi des retraités… Ce particulier est prêt à laisser s’y réaliser (location ou vente) un projet pour l’accueil de migrants. Des associations reconnues comme Coallia, audacia ou l’ADSEA (Association départementale de la Vienne pour la sauvegarde de l’enfant à l’adulte) déposent régulièrement des dossiers afin de pouvoir utiliser ces locaux. Mais rien n’y fait : les appels à projets sont rejetés et des gens dorment dans la rue. C’est révoltant et intolérable. À l’époque du Grand Poitiers à 13 communes, tous les maires avaient clairement et solidairement affiché leur volonté d’accueillir des migrants. Cela m’a valu quelques tracts bien sympathiques de la part des extrémistes ! Mais nous avons reçu beaucoup de soutiens de la part de la population, avec des exceptions bien sûr : quid de la détresse de certains Français ? Sur ces points, notre propos et simple : nous ne pouvons accepter que quelqu’un, migrant ou non, soit dans la rue, souffrant de faim et de froid. Pourquoi pas un pôle un multi-accueil ? Au fond, beaucoup de projets restent à inventer et des lieux existent. Quant aux moyens à mobiliser, nous attendons les dispositions de l’État. Concernant l’insertion des personnes, l’étape suivante, l’association Citoyens solidaires a réuni des personnes compétentes, expérimentées ou de bonne volonté pour intégrer un tel projet s’il se concrétisait. Abriter les gens, ça ne suffit pas.

TGV : ne pas rester à quai

La nouvelle Ligne à grande vitesse (LGV) Paris-Bordeaux, qui traverse Poitiers, est entrée en service en juillet 2017. Un véritable effet « coup de canon » d’après les responsables du TGV Atlantique, puisqu’en six mois le nombre de voyageurs entre Bordeaux et Paris a augmenté de 70 %.

Disposant sur leur territoire d’un nœud ferroviaire et d’un nœud autoroutier (A10), Migné-Auxances et plus généralement Grand Poitiers, sont des villes intéressantes en termes de desserte, ce qui favorise l’implantation d’entreprises par exemple. Mais la LGV ne nous fait gagner que quelques minutes sur le trajet Poitiers-Bordeaux, la belle affaire ! Ceci résume en fait la question du devenir des villes intermédiaires traversées par la LGV. Comment font celles et ceux qui n’habitent pas les grandes métropoles ? Il y a un vrai équilibre des territoires à trouver. Quant aux nuisances, le couloir de la LGV est comparable à celui de l’A10. Cela fait que certaines populations doivent subir la LGV et l’A10. Grâce à l’action des associations et des élus, nous avons pu obtenir que les expropriations se fassent jusqu’à 150 métres de part et d’autre de la LGV. Nous avions également demandé, dans le cadre d’une association regroupant les communes impactées, un droit de départ « après la mise en service » et dans les mêmes conditions, sans réponse pour le moment. Autre difficulté, seul le bruit moyen est pris en compte et en principe les normes sont respectées. Mais rien sur les pics tels que le passage d’un train ou un week-end de départ en vacances. Il faut faire évoluer la législation sur tous ces points.

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