La ruralité en pleine transition

Ruralitic
Le 13 septembre 2019

« Gilets jaunes », statut de l’élu local, déploiement du numérique… Tels furent quelques-uns des plats (de résistance !) au menu de la 14e édition de Ruralitic, organisée du 27 au 29 aout à Aurillac. Rappelons que Ruralitic est une université d’été où les élus locaux viennent débattre des enjeux liés au numérique pour le mettre au service du développement économique et social de leurs territoires.

 

À quelques mois des municipales, cette université d'été a été l’occasion d’aborder les défis d’envergure posés aux futur(e)s élus(es), qu’il s’agisse des attentes suite au mouvements des « gilets jaunes », de l’équipement très haut débit des territoires et de son enjeu sur l’emploi local ou de la réforme de leur statut d’élu. Retour sur ces enjeux avec Sébastien Côte, commissaire général de l’évènement.

La ruralité sous les projecteurs

S’il a été beaucoup question du mouvement des « gilets jaunes » au cours de ces trois jours, explique ainsi Sébastien Côte le commissaire général de l’événement depuis 2014, c’est que sa revendication est devenue « une sorte de marqueur de la ruralité ». Celle-ci, ajoute-t-il, représente environ 40 % de la population en France et elle a le sentiment que les politiques publiques aujourd’hui sont « fortement métropolisantes, placées sous le signe de la théorie du ruissellement dont on connaît les limites… ».

La situation est d’autant plus complexe, analyse le responsable, que les territoires ruraux sont, depuis plus de quarante ans, pris dans un véritable « paradoxe », connaissant un solde migratoire positif de la ville vers la campagne - alors que l’on continue de « parler d’exode rural » - mais subissant une diminution des services publics, ce qui contribue au départ des populations.

Tout se passe comme si l’on avait « condamné la ruralité au nom du « big is beautiful » et favorisé les villes « au prétexte qu’en 2050, 80 % de la population mondiale vivra dans des villes, mais sans préciser quel type de métropole ».

Le numérique, élément essentiel des mandats à venir

Face à ces incertitudes et ces questionnements, à l’occasion du Grand Débat National, les hauts responsables se sont rappelés que le maire reste « la figure la plus appréciée du monde politique », à même d’organiser sur le terrain la participation citoyenne. Seulement, rappelle Sébastien Côte, l’une des leçons de ces derniers mois vient de ce que les « gilets jaunes » ont « imposé la présence de la population en ligne dans le débat public ». Il en est aussi apparu que la population des élus, elle, est « sous-numérisée, chroniquement moins présente sur les réseaux sociaux que les autres catégories ».

Conséquence, les élus locaux ont été quelque peu surpris par le mouvement, même s’ils sont revenus, selon lui, dans le débat via les réunions civiques : « ceci explique que nous avons accueilli bien volontiers la motion sur les élus au numérique portée par Ville Internet ».

Sébastien Côte
Sébastien Côte, commissaire général de Ruralitic

Il est en effet primordial qu’au regard de leur prochain mandat « le numérique soit une priorité et leur présence en ligne intégrée comme un élément déterminant de l’exercice de leurs fonction ». En substance, ajoute Sébastien Côte, les élus vis-à-vis des administrés se doivent d’être « dans un dialogue continu qui n’existe qu’en ligne » : ils ne peuvent plus faire comme s’il ne se passait rien entre deux élections !

Nécessité d’un statut de l’élu

En fait, analyse Sébastien Côte, cette problématique du numérique rejoint celle plus générale de la mise en place d’un statut de l’élu. Un statut qui le protège non seulement face au risque pénal pesant sur lui, mais aussi au plan de sa vie professionnelle. Pour résumer, le « non-statut actuel de l’élu » rime plutôt avec « retraité ». Les actifs maires ruraux ont, eux, aujourd’hui « des agendas monstrueux ». Ce n’est pas tenable.

Il faut, selon Sébastien Côte, intégrer l’activité de l’élu dans sa carrière et dans le calcul de sa retraite. Dès lors, il aura la possibilité de se former, notamment au numérique et aux réseaux sociaux. « Aujourd’hui, résume-t-il, la première formation que suivent les élus entamant un mandant porte sur le risque pénal (!), ce qui révèle leur stress. Et vis-à-vis du numérique, le risque procédural, pour diffamation par exemple, les dissuade d’être présents sur la toile ».

Infrastructures numériques : un « enjeu RH »

Autre sujet évoqué lors de Ruralitic, le déploiement des infrastructures du numérique : il évolue positivement selon l’observateur. Les objectifs du plan « France très haut débit » - 100 % la population éligible au haut débit 2020 et au très haut débit en 2022 - sont « atteignables ».  Cependant, le secteur manque ou va manquer de bras. Quelques 28 000 emplois sont ainsi à créer en 2020 : il faudra donc activer dans ce sens les filières apprentissage, les filières courtes…

Il y a là un véritable « enjeu RH », insiste Sébastien Côte, lié à ces métiers à valeur ajoutée et non délocalisables. Parallèlement, autre source d’optimisme, la résorption des zones blanches de la téléphonie mobile continue : « les opérateurs ont tendance à tenir leurs promesses »

L’État et l’ingénierie territoriale

Les participants à Ruralitic attendent par ailleurs beaucoup de la future Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) qui doit voir le jour en janvier 2020. Elle devrait être d’une aide précieuse, en termes d’ingénierie des territoires et de méthode, pour les petites collectivités rurales souffrant – « c’est un gros problème » - d’un manque de techniciens pour porter certains projets qui leurs sont confiés.

Élément important, cette agence intégrera, entre autres, l’Agence du numérique, montrant que « la question du numérique est re-territorialisée, reconnectée aux territoires ». Après les « gilets jaunes », l’État en quelque sorte « revient dans le jeu et considère les territoires ruraux comme capables, eux aussi, de contribuer au développement et à la richesse du pays ».

Ruralitic : en route vers 2020

Cette édition 2019 de Ruralitic est donc placée sous le signe « des bonnes nouvelles et de l’enthousiasme », et d’attentes fortes conclut en substance Sébastien Côte. « Pour l’édition 2020 nous nous placerons sous le signe de la jeunesse : nous aborderons les thèmes de l’école, de la formation, de l’accès à la culture… ». Y sera également proposé un programme spécial « jeunes maires ruraux » sous forme notamment d’un mentorat spécifique pour les nouveaux élus. Quant aux prochaines échéances municipales, un grand nombre d’élus ruraux envisageraient de ne pas se représenter. À vérifier ! Si cela s’avérait, une nouvelle génération d’élus, au profil davantage « projet » que « gestionnaire », pourrait émerger et une transition, dans ce domaine aussi, s’opérer.

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