Les enjeux du big data dans les territoires

Le 5 mars 2018

Dans un livre à la fois pédagogique et prospectif, Le big data des territoires : les nouvelles stratégies de la donnée au service de l’intérêt général, le fondateur du cabinet Civiteo Jacques Priol explore les nouveaux enjeux et les nouveaux usages de la donnée au service de l’intérêt général. Alors que le nouveau cadre européen de protection des données personnelles entrera en vigueur en mai prochain, ainsi que la loi française qui généralise l’open data, l’auteur propose une approche volontariste du sujet et incite les acteurs publics locaux à se doter de véritables stratégies de la donnée pour leur territoire.

Jacques Priol

Quels sont les principaux enjeux et défis à venir pour « le big data dans les territoires » ?

Ces enjeux sont nombreux. Actualité oblige, il convient de mentionner les enjeux juridiques : en mai 2018 les acteurs locaux devront se conformer, comme tout le monde, au nouveau cadre de protection des données personnelles. Et en octobre prochain, toutes les collectivités locales de plus de 3 500 habitants devront ouvrir leurs données. Cette ouverture est la base du « big data » des territoires. Mais l’utilisation massive de données d’intérêt général pour améliorer l’offre et l’efficacité du service public pose d’autres questions. Des questions économiques : dans quelles conditions ces données peuvent-elles être utilisées, ou non, par des entreprises ? Et inversement : comment un acteur public peut-il accéder aux données d’acteurs privés quand, à l’évidence, ces données présentent un intérêt général ? Le débat est lancé avec Waze, AirBnb, Uber et d’autres. Il y a aussi des défis éthiques, politiques et même démocratiques. La protection des données personnelles et l’utilisation des données ouvertes sont des enjeux démocratiques.

Vous proposez dans votre ouvrage une méthode pour que les territoires adoptent une stratégie offensive et construisent une réelle stratégie de la donnée au service de l’intérêt général. Quelle est cette méthode ?

Disons-le clairement : je suis agacé de voir que beaucoup d’acteurs publics aspirent uniquement à se mettre en conformité avec des règles juridiques sans mesurer que les données représentent en elle-même un enjeu stratégique. Les nouveaux outils de gestion de la donnée, notamment les usages algorithmiques du big data, sont aujourd’hui accessibles pour concevoir et mettre en œuvre de façon performante des politiques publiques. Des acteurs privés ne s’y trompent pas ! Dans certains domaines, celui de la mobilité ou du tourisme par exemple, ils sont en train de supplanter l’action publique. C’est leur droit le plus strict, mais c’est aussi un devoir pour les acteurs publics de garantir le respect des règles élémentaires du service public, et en premier lieu l’égalité d’accès au service. Ceci passe par une stratégie réfléchie qui assure une maîtrise, et même une forme de souveraineté, sur la donnée d’intérêt général.

Pourriez-vous nous donner quelques exemples d’usages innovants et prometteurs des données par des collectivités locales ?

Les exemples les plus connus sont ceux de la « ville intelligente ». Ils concernent essentiellement des métiers techniques et de gestion de flux. Aujourd’hui, en Californie mais aussi en France, à Paris, Lyon, Mulhouse ou Bordeaux par exemple, des algorithmes et des modèles prédictifs performants améliorent la gestion du trafic routier, réduisent les consommations d’énergie ou améliorent le rendement des réseaux d’eau. Des expériences sérieuses modélisent des flux touristiques et permettent d’anticiper les moyens à mobiliser pour un meilleur accueil. Mais ces outils aident aussi à la construction de politiques de prévention, y compris dans des domaines très sensibles comme le décrochage scolaire ou encore la maltraitance de l’enfance. À condition d’en fixer les limites, d’en contrôler les principes, d’agir en transparence et avec éthique, le service public a tout à gagner à intégrer ces nouveaux outils et ces nouveaux usages de la donnée.

À lire

Jacques Priol, Le big data des territoires : les nouvelles stratégies de la donnée au service de l’intérêt général, novembre 2017, FYP Éditions, 22 €

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