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Les Villages du futur dans le Morvan, ou l'aube d'un nouveau ruralisme ?

Village du futur - Réunion publique Montsauche les settons
Réunion publique à Montsauche les settons le 25 juin 2019 dans le cadre des Villages du futur.
Le 12 novembre 2019

Depuis quelques années, la France fait le constat de la décroissance des villes moyennes, de la désertification de leur centre-bourg. Des politiques dédiées sont mises en place comme « Action Coeur de ville » ou le programme de Revitalisation des centres-bourgs. Quant à la politique de la ruralité, elle avait un peu disparu des radars. La loi NOTRe de 2015 prévoit le renforcement des métropoles, la création d'intercommunalités et de communes nouvelles. L'un des objectifs est la diminution drastique du nombre de communes en France, représentant 50% des communes de l'Union européenne.

 

Avec le mouvement des Gilets jaunes, la France des villages et des petites communes revient sur le devant de la scène. Le sujet d'un nouvel équilibre entre monde urbain et rural reprend des forces, d'autant que la question du réchauffement climatique est passée par là.

 

Selon une étude Ifop / Familles rurales de 2018, si 59% des urbains estiment que le monde rural est en déclin (contre 43% pour les ruraux), 81% considèrent la vie à la campagne comme le mode de vie idéal. À ce jour, environ 100 000 citadins font le choix d'aller vivre en territoire rural tous les ans. Si le solde migratoire reste négatif, une inversion des pôles relatifs aux idéaux territoriaux pourrait être en cours.

 

L'enfant des années soixante rêvait de « monter à la ville » pour y faire sa carrière et sa vie. Celui des années 2020 rêvera peut-être d'emblée de « grand air ». Dans cette perspective, repenser la ruralité de demain est une question éminemment contemporaine. C'est à cette tâche que s'est attelée le Pays Nivernais Morvan à travers le projet des Villages du futur.

 

Une enquête exclusive sur cette démarche innovante des Villages du futur que nous vous proposons en libre accès sur horizonspublics.fr et qui sera intégralement publiée dans un hors-série thématique sur "Le retour des ruralités" en partenariat avec l'Institut d'Auvergne Rhônes-Alpes du développement des territoires (IADT) à paraître en décembre. Le monde rural est en pleine transformation et mérite un éclairage spécifique. C'est la vocation de notre revue d'explorer ces nouveaux horizons.

La genèse du projet

Le projet des Villages du futur se construit en amont de tous ces épisodes. Christian Paul, qui fut député de la Nièvre et vice-président de la Région Bourgogne, nous en raconte sa genèse : « Le point de départ c'est en 2011. Au Conseil régional de Bourgogne nous avions envie de croiser la politique de développement durable et du territoire avec les travaux de la 27e région qui commençait à pratiquer des Transfo et des résidences. Nous avons hybridé des logiques régionales (une stratégie d’aménagement) et un mode de travail qui commençait à s'affirmer pour des objets publics multiples (le design public) ».

Pour Stéphane Vincent, délégué général de la 27e Région : « À l'époque cela posait alors la question de savoir si l'on était capable de transférer les expériences utilisateurs, de prototypage, au sein d'une organisation administrative ». La première version des Villages du futur n’a pas abouti de manière opérationnelle. Cette étape va néanmoins déboucher sur une série d'expériences et un ouvrage dédié aux Villages du futur.

Christian Paul, président du Pays Nivernais Morvan va relancer le projet avec son équipe. « En 2015, le Pays Nivernais Morvan travaillait à la préparation d'un nouveau Contrat de pays et et actualisait son Projet de territoire. À un moment vient l'idée, partagée par les élus du Pays qu'il fallait reprendre ces réflexions sur les Villages du futur et que l'on pouvait en faire l'emblème, la locomotive de ce nouveau projet de territoire. Concrètement cela veut dire qu'il fallait se donner une méthode, des moyens, des objectifs ambitieux.

La première clé était de repartir de l'action communale. À un moment où l'on parle d'intercommunalité et de grande région, la réhabilitation de l'action communale est quelque chose de très important. Deuxième objectif : l'hyper-participation citoyenne. L'idée n'était pas de faire « un peu de concertation », mais de rentrer dans des logiques de coproduction, de co-concertation où les habitants, élus, experts en appui les acteurs locaux comme les centres sociaux, collèges, groupements de producteurs réfléchiraient et travailleraient ensemble, de façon à produire la feuille de route du village pour les 5 à 10 ans qui viennent », explique Christian Paul.

Quatorze villages et chef-lieux participent à ce jour et d'autres vont entrer dans la démarche. Première originalité concrète et déterminante : « Le Pays a financé pour chacun des villages, une équipe embarquée, qui a accompagné la démarche locale pendant un an. Il y avait à minima une équipe pluridisciplinaire qui comportait des designers de service, architectes et paysagistes, des artistes aussi, comme une compagnie venue travailler à Lormes pendant plusieurs mois », poursuit Christian Paul.

14 villages en marche vers le futur

Chantier participatif à Lormes
Chantier participatif à Lormes

Lormes est l'une des villes pilote de l'opération Villages du futur. Fabien Bazin son maire considère que « Lormes faisait des Villages du futur depuis longtemps sans le savoir ». La Mission numérique a en effet été créée il y a 16 ans. Elle est notamment équipée d'un Centre de télétravail et de co-working pour les entreprises et d'un Fablab. Le village est équipé de la fibre optique, le Wifi est gratuit sur la place de la mairie. En quelques années, plusieurs « tiers lieux » ont ouvert, comme la Recycl', avec sa partie brocante, qui organise de nombreux événements parmi lesquels un Repair café et un Jazz club. D'autres lieux se distinguent comme Esprit local, une boutique qui valorise l'artisanat local, entièrement animée par deux retraitées, Lucette et Françoise.

À Château-Chinon, Diane Martin adjointe à la culture et au cadre de vie témoigne de son expérience. « Cela a commencé il y a deux ans. Une première étude a été faite par le cabinet BAM. Elle mettait en avant tout ce qui pourrait être changé ». Les élus mettent alors en place un atelier mobile sur le marché et la place Notre Dame à la rencontre des habitants et des gens de passage. « On a en a tiré une analyse très critique et on ne s'est pas fait de cadeaux . Des pépites du territoire sont aussi relevées qui méritaient d'être davantage mises en avant » poursuit Diane Martin. Château-Chinon est une ville très marquée par son passé politique, la fermeture d'un établissement d'imprimerie de l'armée de terre en 2009 et de l'usine Dim. Les habitants ont besoin d'un nouveau départ. Ces investigations débouchent sur un plan-guide. Il en ressort notamment la création d'un gîte d'étape, l'aménagement des trois places principales de la ville, un chantier autour de l'aménagement du panorama du Calvaire et de sa vue unique sur le Morvan.

Signalétique à Chateau Chinon
Signalétique éphémère à Château-Chinon.

Mais c'est à ce jour le chantier participatif autour de la signalétique urbaine qui marque les esprits. La ville organise plusieurs balades avec les habitants et la brigade des agents volontaires des Villages du futur, avec pour objectif de repenser les « panneaux d'indication », comme préfère les appeler Diane Martin.

« À Château-Chinon on passe et on se s'arrête pas. Nous avons imaginé des étapes d'arrêt, de quelques minutes, d'une heure ou de plus longtemps. Les places sont repensées en fonction de ces usages et les signalétiques très originales sont créées. Le rose c'est pour le loisir et la culture, le vert les balades et le jaune les commerces. Les habitants et agents ont découpé eux-mêmes les panneaux, qui ont été installés le 30 mars. Ce chantier a aussi permis de faire le ménage de tous les panneaux inutiles de la ville, des commerces qui n'existent plus ». Cette expérience éphémère invite les piétons à se déplacer à travers des marques au sol et des panneaux très narratifs. Par exemple : « à 42 secondes piscine et panorama à apprécier toute l'année » ou « à 1'10 piscine, ciné fontaine à volonté ». Ils sortent des cadres institués par la DDT (Direction départementale des Territoires) et ouvrent une réflexion sur la signalétique des villes à ce jour très contrainte et rarement pensée à partir des usages. Un bilan de cette installation est prévu avec les habitants, la ville et la DDT.

Le 25 juin à Monstauche-les-Settons, une réunion publique est organisée pour présenter les projets des Villages du futur et commémorer un événement marquant de son histoire. La maire Marie Leclercq explique que l'opération dont elle « a déjà beaucoup parlé », permet d'avoir des moyens pour les projets, mais aussi « de créer du lien », car c'est le besoin principal qui ressort des diagnostics.

 

L'aménagement de la Maison Baroin rachetée par la municipalité en maison intergénérationnelle est le projet phare. Il prévoit 10 logements sociaux pour senior ou les nouveaux habitants, des espaces d'activités en commun, un potager.

Un habitant observe le schéma d'implantation du potager et remarque que les parcelles sont toutes petites : « C'est un parisien qui a dessiné cela ? » fait-il remarquer non sans humour. Outre l'achat d'un véhicule électrique pour faire des navettes entre le bourg et le lac des Settons, l'un des sujets de la réunion est la présentation des nouveaux noms de rue aux habitants : route du Carrouge, chemin du Champ, chemin de la Brelotte. Marie Leclercq note qu'une remarque lui a été faite : peu de rues portent des noms de femmes. La mairie propose de renommer deux places aux noms de Simone Veil et Danielle Mitterrand. Les habitants approuvent. Grégoire Alix-Tabeling qui a accompagné ce projet pour l'agence Vraiment Vraiment explique l'un des enjeux : « Montsauche a été entièrement brûlée par les allemands le 25 juin 1944. Du coup beaucoup de rues portent des noms de dates de bataille. C'est très guerrier et tourné vers le passé ». À son arrivée, l'équipe de designers se heurte souvent à un discours décliniste sur le monde rural. Elle amène les habitants à regarder ce qui va bien en notant les initiatives sur un papier et préconise de rebaptiser les noms de rue. Symbole de cette transmission entre le passé et le futur « La place des Morts pour la France » a fait l'objet d'une concertation et a été renommée : « Place du marché ».

À Alligny-en-Morvan, la mairie va investir sur une maison des générations chaînon manquant entre le maintien à domicile et l'Ephad. Elle s'installera en centre-bourg dans l'actuelle maison Jean Genet et comportera un bureau éphémère pour les résidences secondaires.

Comme pour la Maison Baroin des fonds européens et régionaux ont été débloqués grâce à l'aide du Pays. Par ailleurs, un travail a été effectué avec des jeunes du village  « Ils aimaient bien se réunir dans un ancien lavoir. Ils ont construit avec l'équipe des Villages du futur des bancs pour s'asseoir » raconte Marie-Christine Grosche la maire d'Alligny. Grégoire Alix-Tabeling raconte que «Les jeunes sont venus à la restitution finale du projet. Ils ont entendu, se sont exprimés. Les adultes ont vu qu'ils étaient là. Ils ont pris la parole ». Même si les jeunes en question sont partis depuis « Il faut aider les jeunes à se sentir bien chez eux, les laisser partir et leur donner envie de revenir. Par ailleurs, il y a encore cette idée que ceux qui partent ont fait des études et ceux qui restent n’ont pas réussi. En plus d’être fausse elle est catastrophique» poursuit-il.

Au-delà des questions d'aménagement, de rénovation, de relance des commerces qui constitue les premiers grands chantiers des Villages du futur, la question de la relance du lien entre les générations et les populations taraude ces territoires.

«Nous avons aussi eu des projets plus simples. Notamment ce que l'on appelle les Vendredis folie. L'idée a émergé autour d'une table. Les gens se réunissent le 1er vendredi du mois autour d'un camion pizza sur la place du village. On se retrouve à 18h, on fait quelque chose ensemble en mangeant dans le bistro du musée » explique la maire d'Alligny, rappelant que la redynamisation des villages peut donc se faire « tout de suite et à peu de frais ».

À quelques kilomètres de là, dans la commune de Moux-en-Morvan sont notamment ressortis des ateliers, des projets sur la mobilité, une Maison du Sapin de Noël (futur espace d’échanges de réflexions et de recherche sur l’avenir de la filière « sapin » et « sapin de Noël » en Morvan), un projet de boucherie. « Il y a cette idée de faire venir des commerçants, des artisans, des professionnels, qui ont déjà fait cette démarche de s'installer dans des villages. On va rénover une boucherie et faire venir un boucher du Limousin qui va nous expliquer comment il y est arrivé. Cela va conforter le choix de la boucherie en circuit court. Et aussi montrer aux habitants que c'est possible » explique le maire Pascal Rateau. Cette démarche impulse une dynamique nouvelle et le maire espère que cela continuera. « Ce que j'attends c'est que le projet arrive à terme, que les habitants soient contents. J'aimerais que mon village soit vraiment un Village du futur. Pour cela il faudra aussi que l'on nous donne les moyens, la fibre optique, la mobilité, des transports...Ce sont des sujets sur lequel on devra travailler » poursuit-il.

Cette démarche de revitalisation inédite à cette échelle dispose d'une arme secrète : la « Brigade des Village du futur ». Il s'agit d'une vingtaine d'agents de développement en poste sur le Pays, volontaires et capables d'intervenir rapidement dans un village pour réaliser un projet en « Quick and Dirty », comme l'explique Patrick Marmion directeur de la Mission numérique de Lormes, qui en fait partie.

À Saint-Saulge un commerce a bénéficié de l'intervention de la Bridage. « En 2017 on a fait une expérimentation à l'échelle du Pays. Le challenge : en 1 mois, réussir à rouvrir un commerce à l'abandon, le remettre en état aussi vite que possible et avec très peu de moyens, pour y implanter un point de vente avec les producteurs locaux. On veut juste déterminer s'il y a un potentiel commercial. L'agent de développement a fait le travail préparatoire avec le propriétaire et le 7 juillet 2017, tous les agents de la brigade sont venus, ont sorti les serpillières, tout nettoyé, fait de la décoration sommaire. En une journée ils ont réhabilité l'espace de vente pour que le soir-même on puisse faire une inauguration, que les producteurs rencontrent les habitants » explique le maire Sébastien Gosset. Certains n'y croyaient pas. La boutique éphémère a perduré quelques mois, avant d'être reprise par le lycée agricole Iperma pour en faire une boutique pédagogique au sein d'un local de la ville, dans le cadre de la création d'un bac pro vente et conseil en produits bio.

Les recettes des Villages du futur

Lormes a récemment accueilli une délégation d'une cinquantaine d'élus et de fonctionnaires européens venus observer les méthodes et résultats en matière de numérique et de redynamisation des territoires ruraux. Si l'expérience des Villages du futur a quelque chose d'unique à ce jour, c'est parce qu'elle se distingue des programmes habituels de revitalisation, mais aussi des villes et villages en transition et dis « résilients ».

Christian Paul préfère parler à ce titre de « renaissance » que de « résilience ». Cette renaissance reposerait sur une série de principes qui se distinguent des méthodes d'urbanisme classique et de participation citoyenne. La première est la mise à disposition de moyens inédits à cette échelle, notamment en terme de design fondé sur la participation et le prototypage rapide. Pour la maire d'Alligny-en-Morvan, Marie-Christine Grosche : « On peut regretter que les gens, ici, ne soient pas suffisamment habitués à ce genre de démarche mais c'est inespéré d'avoir accès à des équipes de designers sociaux».

Une autre caractéristique est la dimension concrète des actions initiées. Le maire de Saint-Saulge précise : «Pour que la démarche fonctionne il faut des réunions et des réalisations concrètes très vite. Sinon on a une vraie perte de motivation. C'est pour cela qu'il est important de faire des petites choses réalisables, des petits chantiers ». Ce que confirme Diane Martin, adjointe de la mairie de Château-Chinon : « Le Village du futur pour moi c'est une sorte de cocotte minute. Il faut lever la soupape pour que cela décolle. Je pense qu'il faut adapter nos rénovations à la population. Ne plus faire des chantiers énormes, mais d'abord montrer ce qui est faisable. Pour cela il faut se retrousser les manches. Il faut que les élus soient sur le terrain. Le Village du futur est avant tout un état d'esprit qui peut déboucher sur des projets de rénovations urbaines. Mais il est important qu’il respecte l'identité de chaque ville et que l’on réalise que les changements ne se font pas dans le court terme ».

C'est dans cette « philosophie de l'audace et du concret » que la brigade des agents du Village du futur est mobilisée, les habitants sont très vite associés à des chantiers participatifs et pas seulement à des réunions de brainstorming, que les élus ne sont plus seulement donneurs d'ordre mais « mettent la main à la patte ». « L'enjeu pour aller plus loin : c'est de voir comment on fait de la politique autrement » explique Anne Algret, directrice du projet des Villages du futur pour le Pays Nivernais Morvan. « Aujourd'hui, nous avons des élus qui s'emparent de nouvelles méthodes de travail, d'approche des habitants. Des habitants se sont intéressés à la vie publique et vont participer aux propositions, aux échanges. Mais cela va plus loin. Des habitants prennent le pinceau pour repeindre tous les volets d'une rue (comme à Lormes), et quand ils raccrochent les volets le lundi matin tout le monde dit : wahou. Tout cela c'est un engagement, auquel je m'attendais pas... » poursuit-elle.

L'ensemble de la démarche est inspirée et accompagnée par le Pays Nivernais Morvan qui soutient chaque projet, rassemble des finançeurs, créé du lien entre les maires et les territoires notamment à travers la mise en place d'un labo des Villages du futur. Cette dimension de partage d'expérience est aussi nouvelle. « On est accompagnés par Donativo (ndlr : qui anime la participation citoyenne) et Vraiment Vraiment (comme équipe de design de services). On se pose la question des sujets transversaux. Deux sujets ressortent : comment trouver des solutions sur les boutiques et logements inoccupés sur les cœurs de bourg ? Et surtout : comment mobiliser sur la durée les habitants ? Même s'il faut accepter qu'il y ait des hauts et des bas. Il faut s'accorder aussi d'autres moments de rencontre et de travail en commun » raconte Anne Algret.

Le laboratoire est l'occasion de prendre du recul sur les expériences et pourquoi pas de les modéliser. « On a expérimenté, différentes typologies de boutiques, de prototypages. Il y a les boutiques prêtes à l'emploi : la collectivité rachète la boutique, la rénove et la met a disposition d'une activité, à loyer modéré. Cela couvre tout ce qui à un moment redonne de la vie et ramène de l'agilité dans le cœur de bourg. Il y a la boutique à l'essai à Lormes : plusieurs propositions d'activités ont besoin de se tester pendant une saison pour voir si cela fonctionne. Et enfin la boutique hybride, sur laquelle on retrouve plusieurs types d'activités, ventes de produits locaux, etc. On est sur ces nouvelles formes, que l'on teste et que l'on diffuse auprès des autres villages » poursuit Anne Algret.

Grégoire Alix-Tabeling estime ainsi que les villages sont à la bonne échelle pour innover, au-delà de leur territoire : « Dans ces villages, il y a un écosystème qui permet de faire des choses. Je pense qu'il y a beaucoup d'innovations qui viendront du monde rural. Le jour où les villages auront pris conscience de cela, cela va détonner » explique t-il.

Les limites et perspectives d'un élargissement de la démarche

La démarche en est encore à ses prémisses. Pour Anne Algret : « On voit émerger dans les Villages du futur, les associations, repairs cafés, recycleries, boutiques associatives. Il y en a à Luzy, Lormes à Montsauche, avec une certaine fragilité mais c'est une nouvelle forme d'utilisation des boutiques et de réinvestissement des cœurs de bourg ». En effet en octobre 2016 un groupe de 13 personnes participe à des réunions des Villages du futur et décide de créer un Tiers lieux à Luzy. Lors de l'inauguration en 2017, le film « Qu'est-ce qu'on attend ? » de Marie-Monique Robin est projeté et plusieurs centaines de personnes sont présentes. Le tiers-lieu « l'Horizon » qui naît, va créer une recyclerie informatique, un Repair café mensuel, des ateliers de couture, de découverte de plantes sauvages, de peinture, des permanences de la Coopérative des savoirs et du SEL. Mais le lieu baptisé L'Horizon ferme après un an et demi d'activités faute de financement et par essoufflement. Isabelle Colibri, porteuse de cette initiative en témoigne : « Je pense qu'on a semé des graines. Quand on a fait l'AG de clôture, des personnes, nous ont dit que cela leur avait fait changer leurs habitudes, leurs comportements dans leurs achats, le fait de réparer plutôt que jeter. Notre mission on l'a réussie en ce sens. Le plus fort ce sont les moments de partage. Des liens ont été créés et sont toujours là. On a été très reconnaissants de tout ce qu'on a appris, mais on a donné tout ce que l'on avait ».

La question de la pérennisation et de la répartition des efforts se pose comme partout ailleurs et constitue sans doute l'un des défis futur de la démarche. La stimulation des commerces par les collectivités n'est pas sans poser de questions non plus.

« Clairement, il faut travailler ce sujet avec les commerçants, en disant : si l'on ramène de la vie, ce sont des gens qui reviennent consommer. Il faut considérer que l'on n'est pas en concurrence, qu'il faut tous tirer dans le même sens. Quand on parle c'est important, quand on écoute les revendications, quand on explique la logique, on arrive à trouver un certain consensus. Mais c'est jamais gagné » explique Anne Algret.

Le nombre de projets ayant émergé autour de ces 14 villages est déjà très important et dénote avec l'image usuelle des « territoires ruraux en déclin ». Son moteur principal serait avant tout la « renaissance d'une culture collective » et d'une manière de faire, dont les ingrédients commencent à apparaître clairement : le volontariat des acteurs, une autre manière de concevoir, d'agir avec audace et concrètement, de mettre des moyens en conception et d'accompagnement, de partager les expériences entre villages, d'être coordonnés et de partager sur le territoire. Ce phénomène « de culture » émerge sur le long terme comme le rappelle Christian Paul : « Aujourd'hui travailler avec des règlements d'intervention, des formes très verticales c'est complètement dépassé. Il y a aussi l'idée qu'il fallait faire un projet global sur le village. C'est pour cela que souvent dans les politiques rurales, on fait des projets de territoire. Et cela, on le fait dans le pays nivernais Morvan depuis 30 ans. ».

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