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ExpertisesLoi «Engagement et proximité» : un texte mosaïque pour dynamiser la vie locale
La loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, promulguée le 27 décembre 2019, vise à renforcer le pouvoir des maires et à leur donner plus de poids dans les intercommunalités.
Le principal artisan de cette loi, Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, fait actuellement un tour de France pour expliquer les principales mesures d'un texte "mosaïque" qui comprend une accumulation de mesures législatives d'importance inégale pour faciliter la vie des maires et ajuster l'équilibre au sein du bloc local entre les communes et les intercommunalités en terme de périmètres, de gouvernance et de compétences.
Cette loi ne constitue sans doute pas l'un des grands textes qui marqueront notre droit public, mais cette accumulation de mesures débouche sur un instrument réel de dynamisation de la vie locale. Décryptage de la loi engagement et proximité dont les premiers effets concrets se feront sentir au lendemain des municipales 2020.
« Il est plus difficile d’être maire ou adjoint au maire aujourd’hui qu’il y a quinze, vingt ou trente ans » soulignait Sébastien Lecornu, le ministre chargé des collectivités territoriales auprès de la ministre Jacqueline Gourault, lors des débats parlementaires relatifs à la loi (séance du 8 octobre 2019 au Sénat)
Pour y remédier, la loi 2019-1461 ne constitue sans doute pas l’un des grands textes qui marqueront notre droit public, mais l’accumulation des mesures législatives d’importance inégale débouche sur un instrument réel de dynamisation de la vie locale. Si le titre du projet est – comme il se doit - demeuré inchangé pendant l’élaboration, son contenu s’est sensiblement enrichi, passant des 33 articles du texte déposé au Palais du Luxembourg en juillet 2019 aux 118 articles promulgués au fort de Brégançon, six mois plus tard. L’accord intervenu en commission mixte paritaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le 11 décembre 2019, révèle le caractère largement consensuel d’un texte dont le contenu intéresse largement les prochains élus municipaux.
Donner plus de poids aux maires dans les intercommunalités
Les relations des communes avec les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre font l’objet d’une sous – section créée par la loi du 27 décembre 2019, dans le but de conforter chaque maire dans son intercommunalité. Désormais, après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un nouveau « pacte de gouvernance » doit permettre aux élus locaux de s'accorder sur le fonctionnement quotidien, sur les compétences et le périmètre de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L’innovation doit permettre de mieux associer les maires aux travaux de l’intercommunalité en remédiant au sentiment de « dévitalisation de leur mandat ».
Au-delà des maires, la loi (art. 8) dispose que les conseillers municipaux des communes membres d'un EPCI qui ne sont pas membres de son organe délibérant sont informés des affaires de l'établissement faisant l'objet d'une délibération. Ils sont destinataires d'une copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires ou aux membres du comité syndical avant chaque réunion de l'organe délibérant accompagnée, le cas échéant, des notes de synthèse, des rapports et du compte rendu des réunions de l'organe délibérant ; si la conférence des maires émet des avis, ceux-ci sont adressés à l'ensemble des conseillers municipaux des communes membres de l'EPCI.
Renforcer les pouvoirs des maires
Dans les communes, les pouvoirs de police - déjà très diversifiés - des maires sont accrus par la loi. C’est le cas pour le pouvoir de prononcer des amendes administratives en matière de protection du domaine public, de fermeture des établissements recevant du public et des immeubles menaçant ruine, d’extinction partielle ou totale de l'éclairage public pour limiter les consommations d'énergie. D’autres pouvoirs sont aussi accrus quant à l’exploitation des débits de boisson, l’application du droit de l'urbanisme, le contrôle des locations non professionnelles et encore celui des obligations relatives au débroussaillement.
S’agissant d’un point de susceptibilité sensible pour les maires, la nouvelle loi veille à renforcer leur information sur les suites judiciaires relatives aux infractions commises sur le territoire de la commune, de même en matière de défrichement de terrains situés sur ce territoire et à améliorer aussi leur information quant aux attributions qu'ils exercent en tant qu'officiers de police judiciaire et de l'état civil.
Enfin, dans l’ordre des moyens de police, la loi apporte la simplification des régimes de mutualisation des polices municipales au niveau intercommunal et la mise à disposition des gardes champêtres.
Les droits des élus
Sur cet aspect, le texte contient des dispositions de portée différentes. Plusieurs mesures visent à faciliter l’accès des salariés au mandat électif puis à son exercice : l’extension du congé « de campagne » aux communes de moins de 1 000 habitants[1], l’extension aux élus locaux de la protection contre les discriminations inscrite dans le code du travail, l’augmentation du crédit d'heures à la disposition de ces élus pour l’exercice de leur mandat, la simplification de l’accès au télétravail des conseillers municipaux, le bénéfice en début de mandat d’un entretien individuel du salarié élu avec son employeur sur les modalités pratiques d’exercice du mandat ainsi que l’amélioration de la prise en charge des frais de garde et d'assistance des élus.
Accompagnée de nouvelles obligations de transparence, des dispositions améliorent sensiblement le régime indemnitaire des élus dans les collectivités jusqu’à 3500 habitants. Applicable aux futurs élus de mars 2020, l’augmentation est de 50 % pour les communes de moins de 500 habitants, de 30 % entre 500 et 999 habitants et de 20 % entre 1000 et 3499 habitants. En montant brut, l’indemnisation maximale des maires concernés sera respectivement de 991, 1 566 et 2006 euros.
La loi du 27 décembre modifie le régime de prise en charge de la protection fonctionnelle des maires en rendant obligatoire, pour toutes les communes, la souscription d’un contrat d’assurance visant à couvrir les coûts liés à leur protection fonctionnelle dans l’exercice de leur mandat.
Par ailleurs, le texte comporte deux habilitations à légiférer par ordonnances sur deux sujets importants : réformer la formation des élus locaux ainsi qu’adapter et étendre la loi dans les outre-mer.
Assouplir et « dynamiser » les instances locales
La nouvelle loi simplifie plusieurs aspects du fonctionnement du conseil municipal afin notamment de réduire les périodes d’incertitude pouvant perturber la continuité de la gestion communale, notamment quant aux conditions obligeant à organiser des élections municipales partielles lorsque le conseil municipal devient incomplet.
Innovation dans l’air du temps, dans les communes de moins de 3 500 habitants, chaque bourg, hameau ou groupement de hameaux peut être doté par le conseil municipal, sur demande de ses habitants, d'un conseil consultatif.
Le conseil municipal, après avoir consulté les habitants selon les modalités qu'il détermine, en fixera la dénomination, la composition et les modalités de fonctionnement. Ce conseil peut être consulté par le maire sur toute question et est informé de toute décision concernant la partie du territoire communal qu'il couvre.
Plusieurs assouplissements sont apportés en matière de conventions de prestations de services et de commande publique, de paiement des dépenses des collectivités territoriales et de leurs établissements, ainsi qu’aux mécanismes de délégation de compétences entre les collectivités territoriales. D’autres dispositions portent sur la faculté pour le maire de célébrer un mariage dans tout bâtiment communal sur le territoire de la commune ainsi que sur la transparence des contenus promotionnels des collectivités territoriales sur Internet.
S’agissant des relations avec l’Etat, une nouveauté porte sur la possibilité de demande de prise de position formelle (un « rescrit ») ouverte aux collectivités territoriales (art. 74 de la loi) : avant d'adopter un acte susceptible d'être déféré au tribunal administratif, celles - ci pourront saisir le représentant de l'Etat chargé de contrôler la légalité de leurs actes d'une demande de prise de position formelle relative à la mise en œuvre d'une disposition législative ou réglementaire régissant l'exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leur exécutif.
La demande - écrite, précise et complète - comporte la transmission de la question de droit sur laquelle la prise de position formelle est demandée ainsi que du projet d'acte. Le silence gardé par le représentant de l'Etat pendant trois mois vaut absence de prise de position formelle. Si l'acte est conforme à la prise de position formelle, le représentant de l'Etat ne peut pas, au titre de la question de droit soulevée et sauf changement de circonstances, le déférer au tribunal administratif. Dans ce domaine, la loi de 2019 comporte une habilitation à légiférer par ordonnance sur la publicité des actes des collectivités territoriales.
Une autre disposition a trait à la transmission d'informations du préfet aux maires concernés en cas d'activation du système d'alerte et d'information aux populations
Enfin, en matière de droit applicable aux institutions locales, il faut noter particulièrement la création d'un cadre juridique relatif à la médiation territoriale ; la délibération qui institue le médiateur territorial définit le champ de ses compétences détermine les moyens mis à sa disposition pour l'exercice de ses fonctions et fixe la durée de son mandat.
La loi de 2019 étend à toutes les opérations d'investissement du bloc communal la faculté pour le préfet d'accorder une dérogation à la participation financière minimale du maître d'ouvrage. L’article 83 de la même loi prévoit que, lorsqu'une opération d'investissement bénéficie de subventions de la part de personnes publiques, la collectivité territoriale publie son plan de financement et l'affiche de manière permanente pendant la réalisation de l'opération et à son issue.
Ultime disposition de ce texte « mosaïque », difficile à classer : l’article 118 de la loi du 27 décembre 2019 ajoute un nouveau chapitre au code de l’urbanisme pour clarifier le droit de préemption pour la protection des ressources en eau destinées à la consommation humaine.